Devos : le cercle du poète disparu

Devos : le cercle du poète disparu

Après avoir rendu hommage à Pierre Desproges, Anthéa va célébrer  Raymond Devos, qui aurait fêté ses 100 ans le 9 novembre prochain. Et selon une formule qui a fait ses preuves : 7 comédiens sur scène, mais 16 en alternance, pendant 9 représentations. Daniel Benoin, directeur d’Anthéa, nous en dit plus sur cet événement.

Desproges et Devos ont en commun le sens de l’absurde. Tous deux possèdent une aisance littéraire et une rare maîtrise de la langue française. Est-ce pour cela que vous avez choisi de rendre hommage à Devos après Desproges ?

Ce n’est pas un hasard, c’est vrai. Tous les deux sont des gens qui écrivent des textes, qui manient la langue avec dextérité. J’étais tout jeune lorsque j’ai vu Devos et j’ai été fasciné. Au-delà de l’idée de monter un spectacle pour célébrer ses 100 ans, j’ai plongé dans ses textes et j’ai trouvé une vraie bibliothèque. Ce que j’ai redécouvert m’a de nouveau fasciné. C’est un Maître des mots et de la langue. Il n’a pas joué tous ses textes.
Alors que je venais de monter L’Avare, j’ai réalisé que Devos avait sa place parmi les auteurs français et je voulais partager ses textes avec le public. C’est pour cela que l’on va le jouer 9 fois, et faire durer le spectacle jusqu’à la fin de la saison. Selon les dates en novembre et juin, la distribution change, c’est du boulot ! Mais c’est assez marrant, plein de surprises. Par la suite, cet hommage se tiendra sur la scène du théâtre Édouard VII à Paris.

Comment avez-vous choisi les textes à interpréter par les différents comédiens ? 

De cette vaste production littéraire, j’ai opéré une sélection très personnelle. J’ai retenu des textes longs, des textes courts et des phrases emblématiques. Cela donne environ 28 textes longs et courts, proposés aux acteurs. Ils ont ainsi pu choisir ce qu’ils avaient envie de dire. Cela leur a également permis de mieux rentrer dans l’univers de Devos.

Devos jongle avec les mots, mais aussi avec la musique, et c’est également un mime : le spectacle tient-il compte de ces différentes facettes ?

J’ai prévu d’inclure des images et des vidéos, des morceaux d’interviews chez Chancel par exemple. Dans les vidéos, on pourra revoir ses talents de mime et de clown oui. Mais je ne pouvais pas demander cela aux comédiens ! D’ailleurs, ils ne vont pas dire les textes comme Devos lui-même, mais chacun à sa manière, avec sa personnalité.

N’avez-vous pas craint que l’humour de Devos ne soit « daté » ? 

Je me suis effectivement posé la question, mais je me suis vite aperçu que non. En parcourant son œuvre, j’ai découvert des choses très fortes, des choses qui parlaient d’aujourd’hui. Comme je le propose à tout le monde dans l’abonnement d’Anthéa, j’espère que cela va fonctionner auprès des jeunes. Peut-être la langue, et certaines expressions qu’on ne dit plus sont-elles « datées », mais l’ensemble demeure très actuel.

Pourquoi l’humour de Devos est-il encore essentiel aujourd’hui ?

J’ai toujours beaucoup aimé Devos, et je ne suis pas le seul. Je pense qu’il est grand temps de le faire découvrir ou redécouvrir.  Il y a comme un devoir de mémoire de se rappeler de ces gens-là – Desproges, Devos et d’autres qui sont morts assez récemment. C’est important. Sur le spectacle j’ai précisé « mise en forme » et pas « mise en scène » ; comme Devos qui se mettait en forme avant de rentrer sur scène, parce que la forme est originale aussi, puisque l’on se partage la scène à 7, avec une distribution mouvante.

L’offre de spectacles comiques est multiple. En quoi l’humour est-il important à Anthéa ? 

Nous ne réfléchissons pas comme ça, nous ne suivons pas une thématique. Nous sommes libres de programmer 55 % théâtre et le reste en spectacles vivants, humour, danse, cirque… En fait, nous suivons le moment, la tendance de la saison, les propositions. Par exemple, nous avons accueilli Stéphane Guillon, qui est fascinant, et dans la lignée non consensuelle d’un Gaspard Proust. Gaspard reviendra d’ailleurs l’an prochain.

Les comédiens choisis pour ce « spécial Devos » sont ceux de votre « famille » ? 

Il est vrai que l’on retrouve plusieurs des comédiens qui célébraient Desproges. Par exemple Gad Elmaleh, qui sera sur scène en juin, car il est pris avant par son film. Il fallait jongler avec les emplois du temps de ceux qui jouent au théâtre en ce moment. De nouveaux nous rejoignent aussi comme Hippolyte Girardot, Arthur Jugnot, Stéphane Guillon ou encore Mathilda May et l’ex-animatrice Alessandra Sublet, pour la première fois à Anthéa.

Pour Il a la cote Devos, il y a plus de comédiens que de comédiennes ?

Oui, j’ai eu plus de mal à trouver des comédiennes. Il faut dire que Devos reste dans l’esprit ce gros homme en costume bleu et bretelles, ce clown d’une époque où il y avait très peu d’humoristes femmes. 

Qui sera le prochain humoriste après Desproges et Devos ?

Je n’ai pas prévu de refaire ce type de spectacle. Il s’est écoulé 4 ans entre Desproges et Devos. Stéphane Guillon a livré une magnifique imitation de Bedos, qui était un grand ami. Un jour, peut-être, je parlerai de lui… 

17 ACTEURS POUR 9 DATES
« On se prend souvent pour quelqu’un, alors qu’au fond, on est plusieurs », selon Devos. Pour ce spectacle, et aux côtés de Daniel Benoin, on retrouvera justement chez les dames, Julie Depardieu, Mélanie Doutey, Alice Pol, Sylvie Testud, Zabou Breitman… et chez les messieurs, Christophe Alevêque, François Berléand, Gad Elmaleh, Michel Boujenah, Patrick Chesnais, Charles Berling, Stéphane de Groodt, François-Xavier Demaison, Stéphane de Groodt, Arthur Jugnot… Vous pourrez rencontrer certains d’entre eux à l’issue des représentations des 8, 9 et 10 juin 2023.

7, 8, 9, 10, 27 & 28 nov / 8, 9 & 10 juin. Anthéa, Antibes. Rens: anthea-antibes.fr
Raymond Devos © DR