Droit dans le mur ?

Droit dans le mur ?

Sandra Lecoq œuvre depuis de nombreuses années à hurler sa féminité avec arrogance et sans filtre. Elle est parvenue à créer un glossaire, mais de là à écrire un livre… La quête était difficile. Son exposition Droit dans le mur, la harde, qui tapisse les murs du Dojo à Nice, en marque l’avènement !

C’est une « cosmogonie toute lecoqienne » qui nous attend, des personnages burlesques, qui n’ont pas de visages mais des bouches qui crient, hurlent ou sourient de manière étrange. Au départ, Sandra Lecoq voulait en faire une fresque, mais ces personnages sont l’aboutissement d’une longue démarche et racontent chacun une histoire. C’est l’exposition tout entière qu’il faut alors considérer comme une épopée. L’artiste a utilisé le collage, abandonnant la « couture féminine » pour aller au plus rapide, au plus efficace, quitte à être plus trash. Cette radicalité est tempérée par ce rose prégnant qui semble n’être là que pour conserver, au beau milieu de cette parade monstrueuse, l’humanité qui est la sienne et qu’elle ressent chez les autres. Ce rose rend leur colère plus douce, plus drôle. Ne serait-ce pas le propre du tragique que de faire rire ?

Il y a chez elle, comme chez certains créateurs niçois, cette insolence qui manque tant au « milieu » culturel qui reste sur sa sidération face à l’implosion du monde de la culture attaquée de toute part : elle n’est visiblement pas essentielle, notre Président a oublié qu’elle est le fondement de notre République, notamment dans une région où les guéguerres politiques ont fait de la culture un enjeu de prestige au détriment du lien social. Alors certains se dressent, mais surtout ne perdent ni leur humour et surtout pas leur insolence : Sandra Lecoq, elle, dit non avec brio, et en rose… Ainsi son travail s’allège tout en prenant une force et une efficacité nouvelles car, même si elle travaille avec des tissus, son propos tient dans la peinture… Elle qui n’a jamais fait dans le figuratif nous offre une « figuration autobiographique », avec toujours ses thèmes politiques et revendicatifs, son « female wild soul ». Mais elle a trouvé l’articulation entre tous ces mots (maux ?) grâce à la poésie et l’humour pour nous offrir un cocktail explosif. D’ailleurs le titre de son exposition, Droit dans le mur, la harde, est une punchline qui veut tout dire : en chasse à courre, la harde désigne la corde qui relie les chiens par quatre ou six. C’est un peu le lien qui unit les œuvres qu’elle expose pour en faire un défilé joyeux et revendicatif. La harde, c’est aussi une meute de bêtes sauvages. Au pluriel, les hardes désignent de vieux vêtements, des chiffons en lambeaux. Tout ceci évoque la matière de base avec laquelle elle réalise ses personnages. Et finalement, en anglais, hard, signifie « difficile », « dur »… Parce qu’aller droit dans le mur ne l’est pas tout autant ? Comme l’effondrement que l’on nous promet ?

14 fév au 18 mars (vernissage 10 fév 18h), Circonstance Galerie x Le Dojo, Nice. Rens: circonstance.art 
photo: Sandra Lecoq. La Harde . 2021-2023 © DR