28 Avr Vacances échangistes
Lorsque vous lirez ces quelques lignes, je serai en pleins préparatifs d’un voyage vers le Brésil. Il y a deux mois, j’étais loin d’imaginer que je partirai vers Sao Paulo et Rio de Janeiro. Tout est venu d’un message reçu un matin dans ma boîte mail me proposant un échange d’appartement à Guaruja, en mai. Ont suivi la recherche d’un échange à Rio et réservation du vol. Départ prévu dans quelques jours…
La première fois que j’ai échangé ma maison, c’était en 2004, direction la Floride dans une maison en bord de mer, à 2h de Miami. Dépaysement garanti pour le prix d’un vol et d’une location de voiture ! La maison était assez grande pour recevoir notre famille et les amis qui nous ont accompagnés. Ensuite se sont enchaînées des destinations aussi variées que l’Espagne à de nombreuses reprises, Montréal, la Nouvelle-Écosse, la Californie, encore la Floride, l’Australie (où je n’aurais jamais pensé me rendre si je n’avais pas reçu une proposition) mais aussi la France, avec Paris et Juan les Pins (quand on est originaire de Normandie, comme moi, ça dépayse tout de même), et plus récemment Dubaï, lors de l’exposition universelle.
L’origine du concept d’échange de maison vient des États-Unis, peu avant les années 60. Un couple d’enseignants new-yorkais, David et Mary Ostroff, a l’idée d’établir une liste de tous les collègues avec lesquels ils pourraient échanger leur résidence pendant les vacances d’été. La liste s’allonge et devient un catalogue imprimé. Il commence à se former un réseau d’adeptes aux États-Unis et au Royaume-Uni. Les années 90 et l’émergence des outils sur Internet permettent de démocratiser cette nouvelle forme de tourisme et de donner l’élan pour une internationalisation de l’échange de maison.
Le pionnier du concept et première plateforme en ligne d’échange de maison, HomeExchange, connu sous le nom de TrocMaison chez les francophones, voit le jour en 1992. GuesttoGuest, créé en 2011, est le premier site qui donne la possibilité de faire des échanges non-réciproques, avec le principe innovant des GuestPoints (un membre vient chez vous en vous donnant des Guestpoints qui vous permettront d’aller chez un autre membre à la même période ou bien en différé contre vos Guestpoints) et fait l’acquisition de HomeExchange en 2017. C’est maintenant une communauté de 400 000 membres dans le monde, dont 110 000 en France, pays phare de ce mode de vacances. Désormais, de nombreux sites mettent en relation des membres du monde entier, en proposant ce type de prestations, avec quelques variantes sur les modalités d’échange, comme Switchome, Intervac, People Like Us, HomeLink, ou encore LoveHomeSwap.
Concrètement, comment ça se passe ?
Pour prendre l’exemple du site HomeExchange que j’utilise, il suffit d’inscrire sa résidence, de la décrire au mieux, de faire une présentation de sa famille, de donner ses souhaits de destinations, ses dates de disponibilité, puis d’attendre, de se laisser surprendre par des propositions de destinations exotiques. Ou pas. Bien sûr, il est possible de contacter directement les autres membres en fonction des souhaits. Tout cela gratuitement tant qu’aucun échange n’est conclu. Lorsque vous avez trouvé chaussure à votre pied, il vous faut régler la cotisation annuelle de 149 €, qui permet de réaliser un nombre illimité d’échanges et de bénéficier de diverses assurances. Alors, pourquoi ne pas sauter le pas et essayer ce mode d’hébergement alternatif ?
Il reste toujours quelques réticences…
“Des étrangers vont venir chez moi”. Celle-ci revient souvent. Au fur et à mesure de vos discussions avec les partenaires, des liens vont se créer et les membres que vous accueillerez ne seront plus tout à fait des étrangers. Vous pourrez même parfois prévoir une rencontre, un dîner, partager une nuit sous le même toit à leur arrivée ou à la vôtre.
« Il peut y avoir des vols ou dommages matériels”. Bien sûr, personne n’est à l’abri de la casse. Je me souviens du couple d’Australiens vraiment embêté d’avoir cassé le couvercle de ma poubelle le matin de leur départ, avec l’impossibilité de le remplacer sans risquer de manquer leur vol. Un accident qui aurait pu m’arriver aussi. La réciprocité fait toute la différence, chacun a conscience que l’autre est chez lui donc traitera votre résidence comme si c’était la sienne, et même parfois mieux. Mais en cas d’accident et de dégradations importants, une caution est bloquée par le site jusqu’à l’autorisation de déblocage par les partenaires, et une assurance couvre les gros dommages éventuels.
“Personne ne va vouloir venir chez moi”. Il n’est pas nécessaire d’habiter dans une région très touristique ou d’avoir un logement spacieux pour susciter l’intérêt. Chaque destination est unique et peut correspondre exactement à ce dont rêve un autre membre pour ses vacances. Vous pouvez vous retrouver à échanger un 2 pièces contre une maison familiale. Je me souviens d’un médecin légiste canadien venu en colloque au Havre qui souhaitait absolument faire découvrir la ville à son épouse l’année suivante. C‘est ainsi que je me suis retrouvée en Nouvelle-Écosse, à visiter Halifax, Moncton et le Cap-Breton… Ou bien aussi cette famille espagnole qui a insisté pour me laisser disposer de sa vieille voiture, car elle trouvait sa maison, pourtant magnifique, au milieu des orangers, beaucoup plus petite que la mienne. Et si vous avez peur que l’on pénètre un peu trop dans votre intimité, sachez qu’il est toujours possible d’organiser votre logement et de rendre une pièce, un placard, une armoire inaccessible. Les Australiens de la plage de Bondi avaient un grand placard fermé à clé où ils rangeaient tous leurs documents et objets précieux. À l’opposé, j’ai passé 2 mois dans une maison de Floride où la propriétaire avait laissé sur une table tous ses documents confidentiels, y compris des relevés de banque, que je ne suis pas allée examiner en détail.
Les risques d’arnaques, que la maison ne corresponde pas à la description, ou pire, qu’elle n’existe pas, sont parfois aussi source d’angoisse. Bien que chaque prestataire effectue les vérifications nécessaires, il n’est pas à l’abri d’une défaillance. C’est pourquoi il est demandé après chaque échange de laisser un avis qui permettra aux autres membres d’être confortés dans leur choix. Et s’il s’agit d’un nouvel inscrit ? Eh bien, j’ai eu le cas lors d’une récente demande d’échange avec une New Yorkaise qui me demandait, conversation sur Whatsapp, donc hors site, de payer 300 USD de nettoyage avant même de valider l’échange. J’ai contacté l’assistance du site, qui après quelques vérifications, a supprimé le compte de cette dame pas très honnête.
Il y a toujours aussi les risques d’annulation, mais lorsqu’elles se produisent moins de 30 jours avant le départ, le site aide à rechercher un autre échange, ou bien indemnise en partie les nuitées d’hébergement réglées du fait de l’annulation.
… bien vite oubliées, au regard des avantages
D’abord, c’est un moyen de voyager très économique, l’échange est gratuit. Il suffit de payer une cotisation (certaines plateformes sont toutefois gratuites : comme Switchome, au fonctionnement associatif, ou People Like Us, nouveau venu dans le secteur) permettant de faire autant d’échanges que l’on veut sur une année. Et puis, passer ses vacances dans une vraie maison, avec tous les avantages économiques que cela implique, notamment concernant la restauration. Des économies sur l’hébergement et les repas qui permettent de voyager plus loin, ou plus longtemps, et de s’offrir plus de visites, de culture…
L’échange de maisons, c’est vivre dans le logement d’un local, connaître ses habitudes de vie. C’est profiter de ses bons plans et des bonnes adresses du quartier, des endroits moins touristiques. L’idéal pour s’intégrer dans le quotidien de quartiers vivants, rencontrer ses voisins, voire se faire des amis. J’ai longtemps gardé des contacts avec mes premiers partenaires et il m’est même arrivé de renouveler l’échange avec certains.
Si vous avez des enfants et que vous échangez avec une autre famille, pas besoin d’apporter de jouets et/ou de matériel, vous trouverez tout sur place, et vous et vos enfants découvrirez certainement des jeux, livres ou disques différents. Et tant que vous ne serez pas allé chez des Américains, vous ne vous imaginerez pas la taille énorme des lave-linges et sèche-linges, ni leur esprit communautaire dans le partage de ces machines installées à chaque étage de certaines résidences !
Autre avantage : votre maison ne restera pas vide, avec tous les risques, cambriolages ou autres, que cela comporte, pendant votre absence. Il y aura quelqu’un pour ramasser votre courrier, arroser vos plantes ou votre jardin, voire pour s’occuper de vos animaux.
Prêts à vous lancer ?
Il faut savoir aussi que l’échange peut se faire à 50 ou à des milliers de kilomètres de chez vous, pour un weekend, une semaine, un ou plusieurs mois. On voit émerger une catégorie de jeunes actifs qui, grâce au télétravail, échangent leur logement pour de longues durées vers des destinations exotiques. De plus en plus de familles envisagent des échanges sur une année scolaire vers des destinations lointaines, le télétravail et l’école à distance permettant d’organiser un échange dans un ou plusieurs lieux. De quoi donner une ouverture d’esprit aux jeunes générations.
Laissez-vous tenter, il n’est pas encore trop tard pour organiser vos prochaines vacances d’été. Vous serez vite contacté par un autre membre pour une destination à laquelle vous n’auriez peut-être jamais pensé. Parfois, le fait même de recevoir ces propositions permet déjà de voyager… Bons échanges et bons voyages !