29 Juin La Strada change d’imprimeur : cultivons l’indépendance !
Certains d’entre vous auront sûrement remarqué le changement de format depuis notre précédent numéro. La SCOP SMP (Société Marseillaise de Presse), ex-MOP, coopérative ouvrière du Sud, est le nouvel imprimeur de La Strada.
La presse française souffre, on le sait. Mais ses problèmes sont loin de provenir uniquement de la qualité des journalistes. Le pire facteur d’érosion vient de la concentration des médias, ou convergence des médias. Vous savez ce processus au cours duquel quelques individus ou organisations accroissent progressivement leur contrôle sur les médias de masse, sur l’industrie culturelle ainsi que sur les groupes de communication, et par conséquent, sur les moyens de produire et de diffuser de l’information et des savoirs. Effet, 80% des médias appartiennent à 8 « oligarques », dont l’un d’entre eux possède, en plus, 51% de toute l’édition littéraire française. Celui-ci, actionnaire majoritaire du groupe Canal+, a mis en place une chaîne d’information continue qui ne respecte en rien le cahier des charges pour être diffusée sur la TNT (réseau public), car elle est aujourd’hui devenue une chaîne d’opinion que l’on peut classer à l’extrême -droite. Étrange que l’ARCOM, la haute autorité audiovisuelle française, n’en dise rien et laisse faire…
Cette concentration touche aussi le secteur de l’imprimerie de ces mêmes médias, qui est elle aussi frappée par ce phénomène, puisqu’un seul groupe possède la quasi-totalité des rotatives permettant d’imprimer une grande partie de vos journaux, hors quotidiens régionaux. Ne reste que quelques indépendants qui ont tous les maux du monde à survivre. Le monopole, tout le monde l’aura compris, entrainant une politique tarifaire au bon gré du puissant.
La Strada, qui fut touchée par une amende liée à la contribution Eco-Folio que personne n’a comprise, cultive l’indépendance. C’est pour cette raison que nous avons choisi de donner notre journal à imprimer sur une presse rotative rachetée, il y a quelques années de cela, par ses employés à ce groupe monopolistique qui avait essayé de la rayer de la carte alors qu’il la possédait. Cette coopérative ouvrière, SCOP SMP, est parvenue après nombre de procès à sauver cette imprimerie qui reste une des rares structures indépendantes dans le Sud et en France… Au passage, nous remercions Isabelle Auzias et le journal La Tribune Côte d’Azur pour nous avoir indiqué l’existence de cette imprimerie.
Pour nous, la coopérative est une solution concrète pour changer les modes de production de nos sociétés rongées par le développement anarchique et dangereux pour l’environnement. Tout le monde s’accorde à dire que ces modes de production doivent changer. Un peu moins reconnaissent qu’il y a un très gros problème sur la répartition des richesses, car de nos jours les spéculateurs gagnent plus que ceux qui travaillent… Aussi la solution coopérative n’est plus une option que l’on peut classer à gauche, au centre ou à droite, car ceux qui l’évoquent sont d’obédiences politiques très diverses. Bien sûr, on les retrouve en nombre à gauche, mais Jacques Chaban-Delmas en parlait aussi dans son projet de « nouvelle société », une solution qu’il nommait « cogestion », et l’on ne peut pas dire que notre homme était de ce côté de l’échiquier politique… C’est une solution qui permet de répartir autrement les gains sans vouloir changer la structure de notre société. D’ailleurs si chaque acteur de la production change sa manière de se développer, la société entière pourrait enfin évoluer sans heurts ni violence.
Les ouvriers de cette imprimerie sont des pionniers dans le domaine, et se battent pour la pluralité de la presse écrite, de plus en plus en danger. C’est pour cette raison que nous tenions à le mettre en avant et à les soutenir. D’ailleurs nos libertés publiques, depuis le covid et les attentats, sont aussi de plus en plus menacées par un pouvoir qui concentre, contrôle et ferme toujours plus la porte à l’indépendance, en France et en Europe, voire dans le Monde.