Ce qui nous oblige

Ce qui nous oblige

Avec ses étudiants, la Villa Arson fait sa Révolution ! L’institution les forme, mais ne sont-ils pas l’institution, comme le dit cette exposition ? Face au « désengagement des pouvoirs publics, et notamment de l’État, vis-à-vis des services publics, mettant gravement en danger l’existence même des écoles d’art« , Ce qui nous oblige montre qu’une réflexion et une action doivent se mener activement. Célébrons cette initiative qui devrait inspirer une prise de responsabilité chez les utilisateurs comme chez les acteurs des services publics. Car sans cela « à force de tout privatiser, nous serons privés de tout« …

Cette exposition des étudiants diplômé.e.s en 2022 recouvre un caractère exceptionnel tant elle pose la question du traumatisme qu’ont engendré les confinements sur une génération de jeunes artistes – et la jeunesse en général –, et celui que promet un possible effondrement. Ces artistes ont vécu leur troisième année d’étude durant la pandémie et ont travaillé comme ils le pouvaient, sans moyens de production, tandis que l’année suivante était rythmée par les couvre-feux et les gestes barrière dans une dialectique quasi guerrière. « Comment continuer à œuvrer quand les priorités sont bouleversées ? La productivité artistique a-t-elle encore un sens ? Ce qui nous oblige présente des solutions, abouties ou non, à une nouvelle manière de voir l’art, avec la notion d’une interdépendance de l’artiste à toute une chaîne de coopération : fabricant·es de toiles et de couleurs, critiques d’art, marché ou musées », indique Sophie Lapalu, commissaire de l’exposition. « Mais quand le monde de l’art est à réformer, les œuvres peuvent-elles le précéder dans sa transformation ?  Quelles sont les alternatives possibles ? Comment inventer des communs, penser des collectifs pour œuvrer ensemble ? » Les réponses de tous ces artistes dessinent « les chaînes de coopération d’un art en transformation, allumant un feu de joie sur les ruines du vieux monde« , poursuit-elle. 

Oxanna Bertrand, l’une des 35 artistes exposé.es explique que « nous sommes à la fois les produits du monde de l’art et les organes qui le constituent : il nous appartient de le faire évoluer. Peut-on produire une critique du système institutionnel lorsqu’on est soi-même le produit du système institutionnel ? Nous pensons que oui ; c’est ce que nous avons tenté de faire ici. Est-ce que l’art peut changer le monde ? Nous émettons des doutes à cet endroit ; rien ne nous empêche pourtant d’essayer et, si nos tentatives n’aboutissent pas, nous espérons au moins rendre visibles nos manières de penser, de vivre et d’évoluer au sein d’un monde que nous cherchons à reconstruire. »

Les intentions des artistes soulignent les méfaits du capitalisme et du néo-colonialisme. Soyons clair et parlons de « nouvel ordre mondial », ce terme fascisant que l’on nous impose algorithmiquement tous les jours. Il est plaisant de voir, grâce à cette exposition, que la colonisation des esprits rencontre encore des résistances, que le désir d’un autre monde reste vivace. Reste à stopper la machine morbide qui est en route, la vitesse à laquelle elle progresse ne signale-t-elle pas un besoin de trouver le grain de sable qui l’enraillera ? Peut-on encore parler de révolution ? Si elle advient, elle se devra d’être planétaire, radicale, non violente et rapide… En ancien punk, je le souhaite à nos enfants. À la fin des 70’s et le début 80’s, nous avons tenté de faire la grimace et de porter le deuil du futur et de la joie, sans leader. Mais personne n’a eu l’air de comprendre. Pire les faux prophètes du digital et de la « nouvelle économie » sont devenus les prêtres.esses de cette religion, comme le chantait John Lindon avec Public Image Ltd, l’argent et la tartufferie comme alibi moral.

Jusqu’au 28 janv, Villa Arson, Nice. Rens: villa-arson.fr

photo: