Et si éduquer sans punir était possible ?

Et si éduquer sans punir était possible ?

L’association cannoise, GEODE, propose un 2e colloque, le 20 janvier 2024, sur le thème Alors, si on ne punit pas, on fait comment ? avec Isabelle Filliozat, psychothérapeute spécialiste de l’intelligence émotionnelle, Olivier Maurel, fondateur de l’OVEO (Observatoire de la violence éducative ordinaire), la pédiatre Catherine Gueguen et Jean-François Belmonte, créateur des sites de conseils, Papapositive et Adozen. Rencontre avec l’initiatrice de ce projet, Marie-Jeanne Trouchaud, ancienne institutrice devenue thérapeute et formatrice en relations humaines, qui interviendra lors de ce colloque pour expliquer l’importance de communiquer sans punir nos enfants.

En France comme dans la majorité des pays, il existe une culture de la punition. Comment l’expliquez-vous ?

L’obéissance a été prônée pendant longtemps comme signe de bonne éducation. En même temps, c’était bien facilitant pour formater des enfants, donc des futurs adultes, à ne pas réfléchir, à exécuter, à être bien dociles. Ce système était fondé sur un rapport de domination de l’adulte sur l’enfant, un modèle selon lequel l’enfant était supposé devoir être « corrigé » (au sens propre comme au sens figuré) s’il ne correspondait pas au schéma prépensé, réorganisé dans lequel on lui avait d’avance assigné un rôle, une place, un fonctionnement pour que chacun marche tout droit au pas, sans révolte, sans liberté de pensée. Les adultes ainsi modelés dans ce système de pensée ne le remettaient pas en cause et le reproduisaient à leur tour, pensant bien faire.

De grands mouvements sociaux ont bouleversé cet ordre établi, depuis la fin du 19e siècle, avec les révoltes, les grèves en Angleterre, les soulèvements… car bien des adultes, ainsi dressés, se sont révoltés et ont essayé d’exister en tant qu’êtres humains à part entière.  Petit à petit, la richesse de l’intelligence collective a fait ses preuves, on a découvert que chacun était capable de plus de motivation et d’efficacité quand on faisait confiance à son bon sens et à son esprit d’initiative. Le chemin est ouvert pour modifier l’éducation…

Le modèle suédois fait rêver. Pensez-vous qu’il soit possible de l’appliquer dans notre culture ?

Oui, bien sûr ! Il faut savoir qu’au début, en Suède, les adultes étaient dans l’ensemble farouchement opposés à l’interdiction de la punition et, maintenant, ils sont très largement majoritairement pour ! Tout changement profond demande du temps… C’est dommage, mais ça ne veut pas dire qu’il faut renoncer, au contraire. Il en va de l’éducation non-punitive comme il en est allé de l’écologie : il y a une trentaine d’années, c’était encore bien souvent considéré comme une pensée un peu farfelue. Toute verité, nous dit Schopenhaue, est d’abord ridiculisée, ensuite combattue farouchement, avant d’être adoptée comme une évidence !

Comment avez-vous choisi vos invité.es pour ce 2e colloque ?

Nous avons voulu un colloque dynamique, offrant des rythmes différents, des approches complémentaires et proposant des réponses précises aux légitimes questions des adultes et des professionnels qui ont à cœur d’accompagner enfants et adolescents avec justesse et respect afin qu’ils deviennent des adultes équilibrés et socialement intégrés.

En introduction, des adolescents illustreront l’idée qu’ils se font de la punition en théâtre d’improvisation (Les Nivus Niconnus). Olivier Maurel retracera l’historique de la punition, en conférence. Je proposerai, au cours d’un entretien, des alternatives à la punition puisqu’il n’est pas question de tout confondre et de renoncer à une éducation structurante, à être un adulte solide. Catherine Gueguen, en visio, répondra aux questions sur les effets de la punition sur le cerveau des enfants et des adolescents. Isabelle Filliozat, notre invitée d’honneur, en conférence, définira ce qu’est une éducation positive au moment de l’adolescence. Jean-François Belmonte (alias Papa Positive), après un court exposé, proposera une réflexion sur l’empathie, en interactions avec le public. Enfin, une table ronde permettra de répondre largement aux questions du public.

Frédéric Lenoir est le parrain de l’événement. Y parlera-t-on philosophie ?

Frédéric Lenoir est le Président de l’association SEVE (Savoir-Être et Vivre Ensemble), dont je suis l’une des co-fondatrices. Oui, c’est une pensée philosophique sur l’éducation, donc une recherche de sagesse, puisque nous considérons ensemble que l’enfant est un interlocuteur valable et qu’il sera toujours préférable de le faire réfléchir plutôt que de vouloir le soumettre et le rendre dépendant des idées reçues, des injonctions et dogmatismes. L’objectif de SEVE est de faire grandir les enfants en discernement et en humanité, afin de contribuer à diminuer la violence. Trouver des alternatives à la punition poursuit exactement le même but.

Vous dites qu’il n’existe pas d’enfants difficiles, seulement des enfants en difficulté ? Pouvez-vous nous éclairer sur cette nuance ? 

Je dis qu’il n’existe que des personnes qui ont un comportement difficile parce qu’elles sont en difficulté. Tout être humain mis dans une situation de contrainte, de peur, de stress, d’humiliation, d’injustice peut avoir un comportement difficile. Les enfants, les adolescents, ne courent-ils pas le risque, à la maison, à l’école, dans les clubs de sport ou de loisirs, c’est-à-dire dès qu’ils sont en contact avec des adultes, de subir des contraintes, des peurs, du stress, des humiliations, des injustices ?

20 janvier 9h-18h, Théâtre de la Licorne, Cannes. Rens : assogeode.org
Inscription: www.helloasso.com/associations/association-geode-formations-en-relations-humaines/evenements/colloque-alors-si-on-ne-punit-pas-on-fait-comment-theatre-de-la-licorne