Boualem Sansal, à l’encre du courage

Boualem Sansal, à l’encre du courage

En abordant la thématique du Courage, le Festival du Livre de Nice se fait cette année un devoir de défendre les valeurs humanistes et les auteurs qui, par les écrits ou leurs prises de position, mettent parfois leur vie en péril. À l’image de Boualem Sansal, Président de cette 28e édition, attendue du 31 mai au 2 juin.

Lorsqu’on évoque le courage en littérature, on pense bien-sûr à Salman Rushdie, visé depuis 1989 par une fatwa pour avoir écrit Les Versets sataniques et mis sous surveillance rapprochée depuis. On pense également à Roberto Savigno, également placé sous protection policière après la parution en 2006 de Gomorra, récit sur la mafia italienne. « Nos armes, ce sont les mots, c’est la raison pour laquelle les puissants craignent les livres« , dira d’ailleurs l’écrivain américano-britannique d’origine indienne au journaliste-écrivain italien durant une conversation par téléphone, peu de temps après avoir été poignardé à plusieurs reprises en 2022. Nombreux à travers le monde sont les auteurs, et plus largement les artistes, quelle que soit leur discipline, à craindre pour leur vie. Tout simplement pour avoir osé… créer. Mais alors, c’est quoi le courage ? « Le juste milieu entre la peur et l’audace« , a écrit un certain Aristote. Un état, un moment, un sentiment, une vertu que l’écrivain algérien Boualem Sansal connait bien, lui qui est en délicatesse avec le pouvoir algérien, d’une part, et les extrémistes musulmans, d’autre part. Lors de l’attentat envers Rushdie, il avait d’ailleurs réagi avec colère, invitant « ses amis musulmans » à lire l’œuvre de son confrère. 

Romancier, nouvelliste, essayiste, auteur d’une vingtaine de livres, Boualem Sansal subit la censure et les persécutions du pouvoir algérien depuis la sortie en 1999 de son premier roman Le serment des barbares, une chronique désenchantée des années noires de la longue guerre civile algérienne, entre terreur islamiste et un État corrompu. En 2003, à la parution de son troisième ouvrage Dis-moi le Paradis, il est même chassé de son poste de haut fonctionnaire. Mais l’homme ne se décourage pas, et continue de vouloir vivre et écrire dans son pays natal, malgré les propositions d’asile en France et en Allemagne. Il persiste et signe avec des ouvrages comme Le village allemand (2008), censuré en Algérie à cause du parallèle que l’auteur établi entre islamisme et nazisme, ou comme 2084 (Grand prix du roman de l’Académie française en 2015), roman qui est au totalitarisme religieux ce que le 1984 d’Orwell est au totalitarisme politique ! Il vient de sortir Vivre. Le compte à rebours, une dystopie apocalyptique où, sur une terre vouée à la disparition des hommes, seuls quelques élus, choisis par une mystérieuse puissance, devraient pouvoir réchapper du cataclysme en montant dans un vaisseau spatial. Mais comment faire pour écarter de la sélection les humains qui ont fait la preuve de leur nocivité : puissants, politiciens, mafieux, religieux de toutes obédiences ?

Combattant acharné pour la Liberté, Boualem Sansal sera le président du prochain Festival du Livre de Nice, qui se déroulera du 31 mai au 2 juin au Jardin Albert 1er. Une 28e édition, à nouveau riche en rencontres et débats, qui pose une question centrale : Le courage peut-il être considéré comme une vertu littéraire ? Lui et plus de 200 auteurs tenteront d’y répondre avec leur expérience d’écrivain, leur vécu de citoyen, de père ou de mère, de fils ou de fille, bref, l’expérience d’un simple Terrien qui cherche une issue favorable aux maux qui touchent aujourd’hui toute la planète : montée des extrémismes politiques comme religieux, progression des inégalités économiques et sociales, sans oublier le changement climatique – qui pourrait hélas, et c’est malheureux, régler tous les problèmes mentionnés en rayant à terme l’Humanité entière du tableau… Au fond, la seule chose dont on peut être convaincu, c’est que tout auteur qui ose prendre la plume pour dénoncer les dérives de la société est déjà un exemple de courage. Pascal Linte

31 mai au 2 juin, Jardin Albert 1er, Nice. Rens: lefestivaldulivredenice.com

photo : Boualem Sansal © C. Hélie – Gallimard

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