23 Avr Danser pour résister
Depuis sa création, Scène 55 se démarque par la qualité de sa programmation consacrée à l’art chorégraphique. Et c’est sous le signe de la danse qu’elle achève sa saison 2023-2024 en invitant Éric Oberdorff et Martin Harriague, deux chorégraphes qui ont en commun d’avoir été, pour l’un, et d’être, pour l’autre, artistes associés à la structure.
Carte blanche !
Atypique : c’est incontestablement l’adjectif qui qualifie le mieux Martin Harriague. Il fait partie de cette génération de chorégraphes qui ont découvert tardivement leur vocation puisqu’il prend son premier cours à la barre alors qu’il a 19 ans. C’est donc avec une certaine maturité qu’il aborde cet univers, doublée de l’envie d’en explorer toutes les facettes. S’il apprend à danser pour pouvoir chorégraphier, il étudie aussi le théâtre, la musique, la lumière, pour maîtriser l’ensemble de ses créations. Sa force de caractère se reflète dans sa danse physique et explosive, souvent ancrée dans le sol comme lui l’est dans son temps. Martin Harriague utilise son art, qu’il teinte d’humour et de théâtralité, comme vecteur de questionnement. Fossile évoque l’urgence écologique tandis que Walls rappelle les murs de l’esprit qui ne cessent de s’ériger à travers le monde comme autant de restrictions à l’envie de liberté : deux pièces présentées à Scène 55 en 2021.
À l’occasion de la carte blanche qui lui est donnée au mois de mai, il a imaginé une soirée en deux temps. Il reprend tout d’abord Starlight, qui avait fait l’ouverture du festival Le temps d’aimer la danse à Biarritz. Ce solo, qu’il interprète lui-même, évoque les étapes de sa construction artistique. Pour sa nouvelle création Eclipse, 15 danseurs du Pôle national de danse Rosella Hightower se livrent à une danse de la vie inspirée d’une légende Inca au cours de laquelle chanter et danser permettent de conjurer le risque de voir disparaître les astres : une métaphore contemporaine face à la montée de l’obscurantisme.
Danse participative
Chorégraphe tout autant engagé, Éric Oberdorff, à la tête de la Compagnie Humaine, propose trois soirées pour faire danser le public. Souvent présent là où on ne l’attend pas vraiment – à l’image de l’opéra L’Olympiade des Olympiades qu’il met en scène à Nice (voir La Strada n°364) –, c’est dans l’univers du tango qu’il se plongera en compagnie de la structure You Tango, imaginée par Charlotte Baines et Laurent Trincal, avec des cours proposés au public et une milonga.
Au cours des deux soirées suivantes, deux versions de sa création Au nom du rêve seront dévoilées. Le travail du chorégraphe est une recherche constante d’humanité et de partage face à la dureté du monde, une quête parsemée de poésie moderne. Pour la création initiale, deux danseurs explorent leurs utopies personnelles sur la musique jouée en direct par Sarah Procissi. La gestuelle nerveuse du chorégraphe transcrit toute l’urgence à imaginer de nouveaux lendemains. À l’occasion de la dernière représentation, 14 danseurs amateurs se joindront au trio initial témoignant de leurs espoirs intimes, avant un final qui réunit artistes et public pour un bal participatif fêtant également les 20 ans de la Compagnie Humaine.
Carte blanche à Martin Harriague, 28 mai • Soirée Tango, 30 mai • Au nom du rêve #1, 31 mai • Au nom du rêve #2, 1er juin. Scène 55, Mougins. Rens: scene55.fr
photo : Martin Harriague © Olivier Houeix