23 Avr L’argent des autres
À Anthéa, son directeur et metteur en scène Daniel Benoin s’apprête à jouer sa pièce fétiche pour 16 représentations à partir de la mi-mai : A.D.A. L’argent des autres, une œuvre qu’il a mise en scène en 2004 et qu’il reprend avec une nouvelle distribution, brillante.
C’est alors qu’il dirige le Théâtre national de Nice (TNN) que Daniel Benoin s’attelle à la traduction d’une pièce à l’actualité brûlante, Other People’s Money, écrite en 2000 par Jerry Sterner, homme d’affaires américain devenu dramaturge. Il la monte et la joue au TNN en 2004. Un succès qui vaudra une diffusion de la pièce sur France 2 quatre ans plus tard, en direct des planches niçoises. Au fil des années, Daniel Benoin n’a non seulement pas cessé de la jouer, ni d’en repenser la distribution et le rôle qu’il endosse – son personnage codirige l’entreprise ciblée par les logiques financières. Et surtout de constater la tenace vivacité du sujet…
Il s’agit là de l’affrontement entre capitalisme financier, où Alex Vizorek joue le requin de la finance, et industrie traditionnelle, avec Hippolyte Girardot en PDG d’une entreprise de câbles métalliques, héritée de son père. Un jeu aux règles inégales : actions cotées en bourse depuis une société multiforme bardée d’avocats face au travail d’hommes et de femmes dans une usine du Massif Central. Il s’agit aussi d’un rapport au temps différent : le court terme profiteur, face au long terme stratégique. La morale du chef d’entreprise est un frein aux supers profits, et elle s’avère être finalement une variable peu menaçante dans les rapports chiffrés des marchés. « Une emmerde« , tout au plus. Le face-à-face est jalonné de phases de négociations et de revirements : l’un court après la prospérité de l’entreprise, l’autre après l’argent. L’argent des autres. Le grand héros qui n’apparaît qu’en filigrane est sans doute le législateur, seul à pouvoir stopper les usages irrationnels. La loi, outil de l’avocate (Aure Atika), venue au secours de sa mère (Béatrice Agenin), et de son beau-père, le PDG. Ensemble, mais pas toujours d’une seule voix, ils font face au liquidateur.
Tout est pesé finement dans la contradiction et l’ambiguïté des personnages : les valeurs héritées d’une entreprise familiale, les ressorts cyniques de la finance, les questions sociales, les astuces de l’avocate qui jongle entre attachement, moralité et légalité, à coup de maximes percutantes… On entre petit à petit dans les nuances des rapports de force et de domination. Non sans rire d’ailleurs ! Les dialogues sont une mine de points de vue, de leçons de finance, de vérité et de mensonge, de quant-à-soi et de grandiloquence. Ici, pas de portes qui claquent, mais plutôt une intrigue menée comme un thriller, où tout sonne désespérément vrai.
14 mai au 5 juin, Anthéa, Antibes. Rens: anthea-antibes.fr
photo : visuel illustration A.D.A L’argent des autres © Paulo Correia