23 Avr Rencontre avec le futur
À Nice, la Villa Arson accueille trois expositions jusqu’à la fin de l’été : Qui a peur de Chantal Montellier ? (voir La Strada n°363) et deux propositions de deux collectifs de créateurs italiens, Parasite 2.0 et Canemorto, invités par Vittorio Parisi, directeur des études et de la recherche à la Villa Arson et spécialiste de l’art urbain. Une rencontre avec le futur, qui est peut-être déjà là. Sur les traces historiques de Pierre-Joseph Arson, propriétaire historique des lieux et de Michel Marot, architecte de la Villa Arson telle qu’elle nous apparaît aujourd’hui.
« Nous sommes en 2068 et les étudiant·es ont repris le contrôle de ce qui reste des universités dans le monde entier. » Ainsi commence la réflexion du trio Parasite 2.0, collectif d’architectes et designers créé en 2010 : une mise en situation futuriste fondée sur cette architecture contemporaine si remarquable mise en œuvre par Michel Marot à la fin des années 60. La Villa Arson, centre et école d’art, a été conçue dans un style brutaliste, s’inspirant du village de San Gregorio, où le béton forme le plateau sur lequel trône la villa historique et où les chemins des jardins et les nombreux passages labyrinthiques évoquent les ruelles d’une vieille ville. Face à cette dureté de matériaux et de lignes, Parasite 2.0 propose, avec Gently Brut, un dialogue entre arts plastiques, design et rehaussement architectural où textiles façonnés comme des jupes de scène sont agencés sur des éléments de bois bruts ou colorés, parfois perforés laissant en creux une paire d’yeux aux allures d’un fantôme de Pac-Man. Dans la galerie du Patio, enchâssées dans d’imposants cadres métalliques aux vis clinquantes évoquant le carénage d’une fusée, des représentations de figures mi-machine, mi-animal, mi-édifice (oui, ça fait trois demis, c’est le futur…) donnent un contexte vivant et tangible à leur imaginaire de l’habitat humain.
La recherche de l’œuvre absolue de Canemorto se raconte quant à elle en un parcours initiatique restitué en film, un court-métrage, et une mise en œuvre : la création de L’œuvre absolue et 31 tentatives pour la trouver, en monotypes sérigraphiques, soit 32 peintures spontanées et brutales accrochées dans le passage des Fougères de la Villa Arson. Au croisement de l’histoire et de la fiction, le trio s’appuie sur la recherche des secrets de l’Absolu, que Pierre-Joseph Arson confia au mathématicien polonais Josef Hoëné-Wronski, finançant ses recherches pendant de longues années. En vain. Il intenta en 1818 un procès pour escroquerie à l’encontre de Wronski, largement relayé dans les journaux de l’époque, et qui inspira librement Balzac dans son roman La recherche de l’absolu. A la fois négociant, banquier, mathématicien, philosophe et occultiste, Arson « prétendait, en appliquant les principes de l’Absolu aux arts visuels, avoir découvert la formule pour la création de l’Œuvre Absolue : une œuvre d’art qui plairait aux publics du monde entier« , précise le trio italien. Leur film retrace la quête de l’un de ses traités, du cimetière, où se trouvent les ossements d’Arson, au musée de la préhistoire Terra Amata, interrogeant les passants, et concluant leur quête devant la fontaine de la Porte Fausse. Dans une course affolée, foutraque et gueularde, le sens jaillit finalement, par glissements de sens et interprétations, où cendres préhistoriques, oiseau d’or et symbole du phœnix sont convoqués en une expérimentation à combustion spontanée. Les alchimistes peuvent enfin créer une sorte de jus magique qui, mélé aux couleurs, engendrera l’Œuvre absolue. Et ses 31 tentatives. Une peinture du futur à voir dès à présent, à moins que vous ne soyez déjà passés.
Jusqu’au 25 août, Villa Arson, Nice. Rens: villa-arson.fr
photos : vues des expositions © J.C. Lett