À Saint-Paul, 13 ans de croisement musical

À Saint-Paul, 13 ans de croisement musical

Dirigé par Julien Kieffer, le Festival de Musique de Saint-Paul poursuit une aventure entamée il y a 13 ans et insiste toujours plus sur la volonté d’un croisement entre musique classique, jazz et musiques du monde.

Le Festival de Saint-Paul-de-Vence a été créé en 2014 par des musiciens classiques, ceux du quatuor Modigliani. Des musiciens qui ont pris le nom d’un peintre ! Voilà qui témoigne déjà d’une orientation particulière et qui les installe spontanément dans des lieux magnifiques et prestigieux qu’on associe depuis longtemps aux arts plastiques. Cela atteste aussi un esprit d’ouverture qui se confirme chaque année : le festival, très classique au départ, s’est depuis quelques années ouvert au jazz et à ces musiques improvisées inclassables que faute de mieux on appelle « musiques du monde ». Cette année, trois concerts sur sept s’apparentent à cette mouvance alors que les quatre autres proposent de la musique savante pure laine !

À commencer par le Quatuor Modigliani lui-même qui invite un 5e mousquetaire, le pianiste québécois Louis Lortie. C’est le centenaire de la mort de Gabriel Fauré dont Lortie est l’un des spécialistes reconnus. On aura donc un beau concert de musique impressionniste française avec du Fauré bien sûr et du Ravel d’abord.

Saint-Paul-de-Vence affectionne la musique de chambre : aussi pourra-t-on y écouter le duo violon/piano de Sergey et Lusine Khachatryan. Il est toujours passionnant d’entendre une fratrie. Même si les tempéraments sont différents, l’habitude immémoriale de jouer ensemble apporte une connivence qu’on trouve difficilement ailleurs. Là encore musique française, à l’exception d’une pièce qui rappelle leur origine, la rhapsodie de l’arménien Eduard Baghdasaryan. 

On entendra également le pianiste David Fray qui jouera, en solo, Schubert et Schumann, de même que l’Ensemble Jupiter du virtuose du luth Thomas Dunford. Musique anglaise cette fois avec des pièces intimes de Dowland et d’autres plus lyriques de Purcell : dans la mort de Didon qui termine le programme, la voix de Léa Desandre est bouleversante !

À présent, si on lorgne du côté de la musique improvisée, on trouve d’abord Les Égarés qui méritent largement qu’on les retrouve – réunion de deux duos splendides : Émile Parisien-Vincent Peirani, un son de saxophone soprano enivrant, un accordéon en dentelle ; et Ballaké Sissoko-Vincent Ségal, une kora malienne et un violoncelle sans frontières… Tout cela donne un vrai son de groupe qui dessine des continents imaginaires et des traditions inventées.

Macha Gharibian quant à elle nous fait revenir vers cette Arménie que le festival nous a déjà fait rencontrer, celle de ses ancêtres. De plus, elle se souvient de Bratsch, ce groupe co-fondé par son père, l’un des premiers en France à s’intéresser aux musiques populaires d’Europe de l’Est. Macha reprend parfois des mélodies traditionnelles magnifiquement harmonisées au piano, ou bien elle chante ses compositions de sa voix profonde et douce. Un bel univers original et poétique !

Enfin, à l’occasion d’une soirée célébrant les 60 ans de la Fondation Maeght (voir article page 34), le duo du pianiste Thomas Enhco et de Vassilena Serafimova au marimba entremêlera deux attaques différentes de ces deux claviers qui jouent à cache-cache. Quand la douceur de l’instrument sud-américain, aux frappes sèches et précises mais au timbre rond et ouaté, danse avec la virtuosité du pianiste… Tout un programme !

20 au 28 juil, Place de la Courtine & Fondation Maeght, Saint-Paul-de-Vence. Rens: festivalsaintpauldevence.com

photo : Thomas Enhco & Vassilena Serafimov © Franck Loriou