Notre mer à tous

Notre mer à tous

Maurice Maubert expose au Palais Lascaris, du 14 septembre au 3 novembre. Avec Aquela Mar, l’équipe du musée niçois marque ainsi sa volonté de remettre les valeurs du pays niçois en avant, loin des nationalismes nauséabonds qui dérogent à la culture de cette région.

Maurice Maubert est ce qu’on appelle une figure, un peintre qui détient une partie de l’âme niçoise. Il fut notamment dessinateur de BD à ses débuts pour la célèbre revue en dialecte nissart La Ratapignata. Mais ne supportant pas de rester des heures assis à une table de dessin, la peinture et les arts plastiques lui permettront d’exprimer toute son ouverture d’esprit et sa générosité. Cet enfant du Vieux Nice est aussi un des fondateurs de Nux Vomica. Loin des velléités sordides de certains identitaires, Maurice Maubert est comme son compère Louis Pastorelli, autre fondateur et leader du groupe : un poète des Suds… Pour cet amoureux de la Vallée de la Roya, il est clair que les niçois sont des montagnards qui vivent en bord de mer, métissés avec les Ligures. Pour lui, un port est une porte ouverte vers l’ailleurs, vers l’autre, vers tous les Suds en particulier. Alors, ne vous étonnez pas de retrouver pour son exposition Aquela Mar (Cette Mer en nissart), présentée au Palais Lascaris, une référence maritime très forte. 

Cette exposition se déploie en trois volets pour une exploration artistique approfondie. Le premier, comprenant peintures et installations, montre une collection d’œuvres évoquant l’univers maritime, dont l’installation Bar(ba)ca qu’il dévoila au 109 pour la première fois : un pointu suspendu par la pointe sous lequel se trouve un tout petit pêcheur, comme un santon, sur un parterre de sciure sur lequel s’écoule le sang provenant de la barque dont le bois à la veine creusée est imprégné. Lui donnant ainsi chair, il ressemble à une bête suspendue à un crochet de boucherie, où dans le temps on épandait de la sciure sur le sol pour le nettoyer… Image frappante qui nous rappelle que la Méditerranée coule dans nos veines. 

Dans le deuxième volet, il expose Santa Manza, cette proue de cargo imaginaire, le vaisseau rouillé de tous les voyageurs « qui ne sont pas des touristes« , comme il le dit. Cette œuvre emblématique et émouvante sera entourée d’encres sur papier figurant le rapport à cette mer qui mène à tous les Suds. Bien entendu, pour Maurice Maubert, d’où qu’ils viennent, qu’ils soient forcés de quitter leur terre ou non, les voyageurs sont les bienvenus… Ils parlent ici de ceux pour qui la mer est un moyen de vivre autrement, bien loin de l’industrie du tourisme qui, par trop, fait de plus en plus ressembler Nice à un grand parc d’attractions déshumanisé et sans âme. 

Le troisième volet est réservé à Mémoire et curiosité maritime, une série de 12 saynètes en volume, avec des petites statuettes qui montrent des scènes typiques de ce Sud pour qui le cœur de l’artiste bat. Ces petites scènes sont le symbole de cette synthèse culturelle que Maubert est parvenu à faire sienne : un métissage entre les santons de Provence et les figurines naïves africaines qui ont en commun cette poésie du quotidien et la douceur de vivre.

Avec cette exposition, Maurice Maubert dit sa vérité en rappelant que Nice est un carrefour entre mer et montagne, une porte ouverte sur la Méditerranée, et que Catherine Ségurane est bien loin de Charles Martel – en qui certains identitaires l’ont transformée, détruisant ainsi les bases d’ouverture historique dont Nice fut un temps un symbole bienveillant. Aquela Mar est une invitation à la découverture, à l’ouverture, à l’accueil de l’étranger. Ben Vautier ne s’y était pas trompé, lui qui a soutenu ce courant pacifique et méditerranéen.

14 sep au 3 nov (vernissage 13 sep 18h), Palais Lascaris, Nice. Rens: nice.fr

photo : En vue de l’île © Maurice Maubert

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