01 Oct Monte-Carlo Groove
Alfonso Ciulla, nouveau directeur artistique de la Monte-Carlo SBM, a la lourde tâche de succéder à notre regretté ami Jean-René Palacio. Cet italien fou de musique, qui a déjà largement rempli son contrat avec le dernier Monte-Carlo Summer Festival, a concocté un Monte-Carlo Jazz Festival 2024 aux accents ethniques et modernistes auquel on souhaite le même succès.
Une nouvelle direction…
Lors de ses débuts monégasques, c’est au marketing de l’AS Monaco FC qu’Alfonso Ciulla fera ses armes entre 1997 et 2001. Philippe Martel, alors directeur général du Grimaldi Forum, lui met le pied à l’étrier à la suite d’une conversation autour de sa passion pour la musique. Il fallait alors un passionné pour faire connaître ce magnifique outil qui, à l’époque, n’existait pas sur le road book des tourneurs et agents de musiciens. Il commence par des soirées Stéréo Waves avec des DJ pointus, l’époque était alors très ambiance « Detroit ». Puis il ose des programmations liées aux thématiques des grandes expositions du Forum. Autour d’Andy Warhol, il parviendra à programmer Lou Reed et John Cale ! Il fera aussi venir The Ukrainians, groupe star dans les pays de l’Est, à l’occasion d’une exposition sur l’art russe. Mais la réponse du public tarde à venir, et la concurrence avec la SBM (Société des Bains de Mer) le guide vers des programmations plus orientées grand public (Elton John, Juliette Armanet…), mais surtout uniques sur la Côte, avec des comédies musicales en provenance de Londres, ville phare en la matière. Reste encore une opération qui dure depuis 9 ans : les Thursday Live Sessions qui réunissent, un jeudi par mois, des groupes de musiques actuelles.
Alfonso Ciulla a pendant toutes ces années développé son carnet d’adresses – des artistes les plus pointus aux plus mainstream – comme un artisan peaufine une pièce sur son établi. Avec toujours cette passion pour la musique dont il est devenu un professionnel, tout en restant un passionné. Le Président de la SBM, Stéphane Valeri, ne s’y est pas trompé en assurant, comme on le dirait du côté de l’ASM, le « transfert » de cet homme qui a toujours tenu compte du positionnement de la culture événementielle monégasque. Le voilà donc directeur artistique, auréolé d’un succès après sa première saison estivale du Sporting avec le Monte-Carlo Summer Festival. Et pour son premier Monte-Carlo Jazz Festival, il s’est adjoint un consultant premium : le producteur Reno Di Matteo, par ailleurs programmateur du Jazz à Juan. En résulte une programmation réalisée à « quatre mains », où son compère apporte une crédibilité jazz et une modernisation avec notamment des « doubles plateaux » qui conviennent autant aux puristes qu’à ceux qui souhaitent une ouverture pop, tout en conservant un versant ethnique qui honore les racines du jazz. D’autres innovations viendront prochainement agrémenter la programmation de la SBM, sous l’impulsion de son président qui, on le voit, fait bouger les lignes.
…pour une nouvelle édition
Pour l’ouverture de Monte-Carlo Jazz Festival 2024, le 20 novembre, les musiciens de l’Académie Rainier III revisiteront les standards du jazz qu’ils mêleront à la musique pop, avant de céder la place le lendemain à deux grands ensembles aux esthétiques différentes, mais complémentaires, mettant en exergue l’évolution du jazz : The Legendary Count Basie Orchestra, à l’origine du style Kansas City, et le Dal Sasso Big Band, pour un hommage à Chick Corea. Le 22 novembre, Dee Dee Bridgewater, avec un quartet 100% féminin où figure la jeune et talentueuse contrebassiste Rosa Brunello, succédera à Stefano di Battista, qui a sorti en 2024 La Dolce Vita, relecture de morceaux qui vont de Paolo Conte à Morricone. Stefano et Dee Dee se connaissent et ont déjà joué ensemble : les programmateurs espèrent probablement qu’ils se réuniront sur la scène de l’Opéra Garnier… Surprise ! Le 23, encore double plateau avec la Cap-Verdienne Mayra Andrade, héritière de Cesaria Evora, et la Germano-Nigériane Ayo, qui vient de sortir son 7e album, Mami Wata.
Pas de jazz sans cinéma ! C’est pour cette raison que le 24 novembre, l’Opéra Garnier accueillera une projection, en partenariat avec l’Institut Audiovisuel de Monaco, qui présentera le mythique Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle, et sa bande-son magistrale signée Miles Davis. Un 7e Art qui clôturera aussi le festival, avec un ciné-concert sur l’excellent Whiplash de Damien Chazelle.
Mettre en avant les jeunes artistes prometteurs est aussi une mission que s’est donnée le festival. Aussi, après avoir reçu Léon Phal l’an passé, Émile Londonien ouvrira la soirée du 27 novembre. Ni Émile ni Londonien dans le groupe, mais juste un clin d’œil au grand saxophoniste Émile Parisien pour ce trio originaire de Strasbourg qui a tout de même eu droit à une programmation par le fameux Gilles Peterson sur la BBC ! Puis nous entendrons Level 42, groupe du bassiste Marc King, qui manie le slapping pour donner un son funky à sa musique. De quoi parfaitement enchaîner, le 28 novembre, avec Cimafunk, rock-star qui mêle les rythmes afro-caribéens à l’esprit du funk et du hip-hop, et Seun Kuti, fils du pionnier de l’afrobeat Fela Kuti, qui prolonge cet héritage musical aux côtés de l’ex-groupe du paternel, Egypt 80.
Avant de retrouver Stella Cole et Marion Biondi, pour ce qui constituera la dernière soirée musicale du festival, le 30 novembre, hommage sera rendu la veille à des instrumentistes de haute volée. Tout d’abord, Sophye Soliveau, chanteuse RnB et soul, cheffe de chœur… et harpiste, instrument rare dans cet univers musical. Puis Thibault Cauvin, primé, célébré et reconnu dans le monde de la guitare classique, réuni sur scène avec -M- qu’on ne présente plus. Un récital qui mêlera guitare classique et électrique pour un concert éclectique – de Satie à des revisites de morceaux de Matthieu Chedid – marqué par le sceau de la virtuosité et du dialogue musical. Un peu à l’image de l’intention de ce Monte-Carlo Jazz Festival qui explorera la Note Bleue dans toutes ses facettes et le respect de son histoire.
20 au 28 nov, Opéra Garnier, Monaco. Rens: montecarlosbm.com
photo : Reno Di Matteo et Alfonso Ciulla, conférence de presse Monte-Carlo Jazz Festival 2024 © DR