Escape from Arcadia

Escape from Arcadia

Quentin Spohn persiste et signe ! Avec Escape from Arcadia, il dévoile à la galerie l’Espace à vendre, à Nice, de nouvelles fresques géantes dessinées au graphite. Une profusion de personnages étranges, une invitation au voyage sur Mars dans un centre d’expédition désaffecté envahi par des squatters délirants. 

Quentin Spohn poursuit son chemin sur la voie qu’il s’est tracée avec ses propres dessins monumentaux… Cela lui rappelle l’enfance, lorsqu’une simple feuille A4 paraît immense et « absorbe » les dessinateurs en herbe dans les univers qu’ils créent. Pour lui, il n’y a pas eu de break, de démarche alambiquée, le dessin reste une jubilation. À une différence près : les plans images sont XXL ! De très grandes feuilles qu’il continue d’envahir de monstres plus ou moins sympathiques. Réunies, celles-ci livrent des fresques gigantesques. Et l’on se demande comment parvient-il à avoir une vision globale en dessinant par terre, par carrés. C’est simple, nous dit-il : il est absorbé à l’intérieur, comme le spectateur l’est quand il regarde ses travaux. Il a entamé cette démarche après avoir vu une exposition de deux peintres du XVIe siècle, le flamand Joachim Bueckelaer et le néerlandais Pieter Aertsen. Leur manière de traiter l’image lui a donné de dessiner de cette manière.

Ses fresques sont à lire au second degré, un peu comme on regarde Mars Attacks!, le film de Tim Burton, qui n’est autre qu’une satire trash et humoristique de notre monde. En fait, il avait envie d’évoquer notre rapport au monde avec sa forme d’hyper sollicitation sensorielle, comme dans la rue où tout un chacun est hyper sollicité par telle publicité, tel bruit… Il pense à la surconsommation qui découle de cette sur-sollicitation. Il dessine alors un centre de distribution, comme ceux d’Amazon, désaffecté depuis des centaines d’années, envahi par une profusion des personnages, sur Arcadia, une région de Mars. Quand il cite Amazon, Quentin Spohn n’est pas innocent. Pour lui, les avatars qu’il dessine pourraient être ce qui restera de cette surproduction d’images publicitaires… 

Plus étrange encore est ce petit fanzine en langage martien, disponible dans la galerie, qui rappelle le travail d’accompagnement entamé pour sa Monstrueuse Parade, présentée au Narcissio à Nice en 2022. Un travail complété par un dispositif permettant d’écouter la musique de cet univers, créée pour l’occasion par Manu NKDM, grâce à un casque sur place, et à de petites clefs USB que vous pouvez emporter chez vous… Il y est question d’un guide martien pour aller visiter la Terre. Mais celle-ci est détruite par les déchets de la surconsommation. Ici, rien n’est vraiment lisible, sauf une image, issue d’une vague archéologie terrestre. Quelques mots retrouvés, peut-être gravés : « You maniacs, You blew it up, DAMN YOU !!! GODDAMN YOU ALL TO HELL » (traduisez : « Vous les maniaques, vous avez tout explosé, allez au diable !!! Allez tous en enfer« ). Ces mots sont ceux de Charlton Heston dans La Planète des singes, qui insulte les hommes ayant provoqué l’Apocalypse. Bien entendu dans la période que nous traversons, ils résonnent fort…

L’immersion est totale ! Pas besoin d’écran, de 3D et de technologies insensées pour plonger dans ce centre qui pourrait appartenir à Amazon. Un centre abandonné, un jour peut-être, à une faune et une flore douteuse et envahissante. La surproduction de produits et de signes qui torture nos sociétés ne pourrait-elle pas conduire vers cela ? Quentin Spohn essaie de nous en faire rire. Mais le rire est « jaune »…

Jusqu’au 23 nov, Espace à vendre, Nice. Rens: espace-avendre.com

photo : Vue de l’exposition Escape from Arcadia, Quentin Spohn © Espace à vendre