La note bleue a le blues

La note bleue a le blues

Devenu spécialiste nécrologique ces derniers temps, c’est la première fois que j’ai la grande tristesse d’annoncer celle d’un de nos compagnons de route : Gilbert D’Alto nous a quittés le 25 novembre 2024, il venait de passer le cap des 70 ans, en août dernier.

Fatigué, son état avait empiré ces derniers temps… David Benaroche, ami et directeur du magazine Le Jazzophone, l’a aidé tant qu’il pouvait, jusqu’au désespoir de le voir glisser dans un enfermement et un repli presque suicidaire. Rédacteur au Jazzophone, Gilbert a aussi été notre « Monsieur Jazz » durant de nombreuses années, très connu des musiciens de la région, mais aussi de tous les… barmen ! Ses Ray-Ban noires vintage et sa voix éraillée faisaient de lui une icône de la Nuit. D’ailleurs, ce timbre fut lui aussi très connu grâce à la radioAgora Côte d’Azur qui aida au développement de son talent de tchatcheur et d’expert de la Note Bleue. Chacun a essayé de le soutenir comme il pouvait…

Gilbert était un mec rare, un amoureux de littérature américaine, un nightclubber… Un artiste dans son genre. Un poète urbain qui nous a tous marqués. Il a fait revivre cet esprit jazz, avec abnégation et brio dans une période où l’on publiait peu sur cette musique. Il a été, avec Christophe Juan, l’un des fondateurs de la rubrique dédiée à cette musique dans La Strada. Nous n’aurions jamais eu l’audace de la tenir sans eux… Gilbert avait également co-signé, aux côtés de Frédérica Randrianome-Karsenty et Daniel Chauvet, l’ouvrage Nice Jazz : L’histoire d’un festival, publié en 2018. Il n’a jamais abjuré sa foi en la musique, la littérature et la fête. Il était aussi un séducteur, grand amoureux de la gent féminine. Un peu aristo, un peu freak, il avait le charme de ces poètes américains, toujours sur la route, comme John Fante qu’il vénérait, sans moyens, mais toujours partout. Là où, d’après lui, il y avait le « groove ».

La nouvelle de cette fin esseulée à seulement 70 ans est tombée, comme ça ! Comme un couperet. Ce lent glissement solitaire reste une énigme pour nous. Un décrochage final, un pied de nez à la bien-pensance pour ce héros de la nuit. « À l’Est de l’Eden », il retrouvera certainement nos amis musiciens, lui qui les aimait tant. Il se débrouillera certainement pour être en carré VIP, il a toujours su trouver des « coupe-files » avec élégance et un swing irremplaçable. Salut l’ami, pense à me garder un verre et un siège pas trop loin de la scène, je sais que tu y es déjà….

photo : Gilbert d’Alto © DR