
28 Jan Un cirque de son temps
Il y a 10 ans était créée la Biennale Internationale des Arts du Cirque, sous l’impulsion d’Archaos – Pôle National Cirque, basé à Marseille. Depuis lors, les années impaires, au cœur de l’hiver, l’événement déroule une programmation d’une soixantaine de spectacles, partagée par une cinquantaine de structures culturelles de la région. Débutée le 9 janvier, la 6e édition se tiendra jusqu’au 9 février 2025. Morceaux choisis.
Si le mot cirque fait encore penser à ces formes traditionnelles où s’enchaînent des numéros d’acrobaties et de dressage d’animaux, entrecoupés de séquences comiques animées par des clowns, les arts du cirque sont aujourd’hui bien plus que cela… Mêlant les disciplines, celui qu’on nomme « nouveau cirque » ne consiste plus seulement en une succession de tableaux destinés à en mettre plein les yeux, il raconte aussi une histoire, exprime une réflexion, au même titre qu’une pièce de théâtre. Ce n’est pas donc pour rien qu’on le retrouve désormais à l’affiche des plus grands théâtres…
Et justement, au cœur de la gargantuesque programmation de cette BIAC 2025, Théâtres en Dracénie aura accueilli, en janvier, le prestigieux Cirque Le Roux, tandis que le Théâtre National de Nice recevait Raphaëlle Boitel, artiste à l’honneur de cette 6e édition. Mêlant cirque, danse, musique et lumières, son univers singulier s’exporte à Toulon, début février, puisque le Théâtre Liberté programme La chute des anges, conte dystopique en clair-obscur envisagé sous forme de plaidoyer pour la nature et de manifeste de révolte face au tout technologique.
Murs technologiques, culturels, religieux, mentaux… Voilà ce que doit pour sa part affronter Damien Droin et sa Cie Hors Surface, dans Face aux murs, présenté à La Roquette-sur-Siagne. Avec le trampoline, son agrès favori, qu’il dispose ici de chaque côté d’un mur en plexiglas, l’artiste a imaginé une chorégraphie au cœur de laquelle six acrobates explorent la mécanique des rapports humains dans un monde en pleine mutation, entre batailles intimes et affranchissement collectif.
Un questionnement intime que l’on retrouve aussi dans De bonnes raisons, programmé à La Seyne par Le Pôle, structure varoise qui a déjà reçu, en janvier, la Cie Gandini Juggling pour deux spectacles (voir article La Strada n°372), et Edouard Peurichard avec Le repos du guerrier. Ce spectacle de la Cie Volte-Face met en scène deux acrobates qui dialoguent sur leur rapport au risque. Sauts périlleux, mât chinois, portés… Quel procédé chimique agit en eux lorsqu’ils se jettent dans le vide ? Qu’ont-ils à gagner… ou à perdre ?
Concernant, la Cie Les 7 doigts de la main et leur spectacle Duel Reality, présenté à Antibes, la réponse est toute trouvée : l’amour. Librement inspiré de Roméo et Juliette, ce spectacle de haute voltige propose une relecture du chef-d’œuvre shakespearien, sauf que le sombre dédale des ruelles et placettes de Vérone a été remplacé par une arène de sport où le sentiment amoureux est un combat. Ici, point de poison ou de suicide, mais une opposition entre deux camps animés du désir de se surpasser et d’en découdre, devant un arbitre intraitable. Et voici qu’au-delà des « provocations », se dessine peu à peu l’image de nos deux amants maudits… La victoire ne semble pas être une fin en soi. Pourtant, il se pourrait que tout bascule pour laisser le plaisir du jeu et de la découverte de l’autre s’effacer au profit d’une compétition autrement plus sérieuse… et dangereuse.
Bref, un joli programme redessinant les contours d’un cirque de son temps, qui s’écrit collectivement, et use de tous les moyens des arts de la scène pour sans cesse se réinventer.
La chute des anges, 1er & 2 fév, Théâtre Liberté, Toulon. Rens: chateauvallon-liberte.fr
Face aux murs, Espace Culturel et Sportif du Val de Siagne, La Roquette-sur-Siagne. Rens: theatredegrasse.com
Duel Reality, 4 & 5 fév, Anthéa, Antibes. Rens: anthea-antibes.fr
De bonnes raisons, 6 au 8 fév, Chapiteaux de la Mer, La Seyne. Rens: le-pole.fr
Programme compet de la BIAC sur biennale-cirque.com
photo : Face aux murs © Loriane Moranton