08 Oct Dans les règles Del’art
Considérant l’art comme un enjeu de société, l’Association DEL’ART, défend une approche transversale de la création en lien avec l’espace public. Elle agit comme un espace-ressource protéiforme : diffusion, expérimentation, production, réflexion, formation et partage, avec pour objectif la responsabilisation citoyenne par la culture. Nous avons rencontré la conceptrice et fondatrice de cette structure atypique : Florence Forterre.
Après avoir organisé plusieurs festivals interdisciplinaires, DEL’ART développe aujourd’hui des actions de proximité, notamment dans les quartiers prioritaires, pour améliorer le cadre de vie grâce à des créations collectives impliquant habitants et artistes. Convaincue que l’accès à la culture renforce solidarité, citoyenneté et vivre-ensemble, l’association collabore avec des structures artistiques, sociales, éducatives et des collectivités. Au cœur de Nice, elle gère les trois espaces complémentaires que sont La Trésorerie, Le Narcissio et Les Pépites, favorisant l’expérimentation, le lien social et le partage à travers ateliers, spectacles, expositions et rencontres autour des enjeux de société.
Florence présente DEL’ART comme un tiers-lieu culturel, une reconnaissance attribuée par le Ministère de la Culture qui permet de donner un cadre aux activités polymorphes de l’association. Elle rappelle aussi que DEL’ART est éditrice et publie depuis 2009 un guide trimestriel éponyme, sur l’actualité de l’art contemporain du 06 et de la Principauté de Monaco. Forte d’une longue expérience dans le domaine – travail en galerie d’art et pour des musées, cofondation de structures culturelles, lancement de festivals –, Florence est aujourd’hui entourée d’une équipe dynamique et bienveillante, sans laquelle, comme elle le souligne, « rien ne serait possible« .
Le Narcissio
Il n’est donc pas étonnant qu’elle ait imaginé un espace comme Le Narcissio. Pour elle, c’est avant tout un lieu d’expérimentation où elle invite des artistes qui s’intéressent à l’environnement, à l’architecture, à l’espace dans lequel ils évoluent. Chacun d’eux est invité à transformer le lieu, offrant au public une nouvelle perception à chaque exposition. On pourrait qualifier Florence de « commissaire d’exposition », mais elle refuse ce terme : son rôle est plutôt de créer des conditions propices à l’émergence de formes inédites. Ce qui l’intéresse, c’est « la rencontre entre disciplines, le travail collectif et l’invention partagée« .
Par le passé, elle avait déjà lancé le festival Indisciplines, explorant cette recherche de croisements. Expositions attendues au Narcissio : Boréalités de Sophie Braganti, avec Éric Caligaris et Emmanuelle Pépin, visible jusqu’au 18 octobre (voir page 18), puis Contre-envoûtement de Caroline Rivalan, du 31 octobre au 17 janvier.
Les Pépites
Fondé sur l’éthique du partage, le projet des Pépites est quant à lui né des salons de l’édition d’objets multiples d’artistes que Florence organisait, révélant de petites éditions, T-shirts, textiles, papiers peints, accessoires ou objets atypiques. Ces « objets d’artistes », ni exposés en galerie ni produits en masse, trouvent aujourd’hui leur prolongement à la Trésorerie à travers des ateliers de création. À partir de matériaux donnés ou marginaux naissent des pièces uniques vendues à petits prix, valorisant l’amateur, la créativité quotidienne et une reconnaissance par leur mise en vente dans ce lieu.
La Trésorerie
Située rue Trachel, La Trésorerie est devenue en quelques années une scène niçoise incontournable, lieu de rassemblement pour tous les habitants du quartier – et bien plus. Chaque mercredi, il accueille des concerts ; les jeudis, un ciné-club ou un karaoké ; les vendredis, du théâtre, de la danse, des contes, des rencontres et des projections. À côté, un bar convivial permet de boire un verre, grignoter, ou encore jouer au baby-foot. Ici, la culture commence au café ou au bistrot : les spectacles deviennent un prétexte à échanger, débattre, redécouvrir le « vivre-ensemble ».
Mais la Trésorerie, c’est aussi un poumon pour ce quartier défavorisé du centre-ville de Nice. L’établissement propose des ateliers pour tous les âges : arts plastiques, BD, chant, danse, couture, bijoux, crochet, écriture, mosaïque, céramique, cinéma, sorties… Pour certains, c’est une façon de passer un bon moment. Pour Florence, c’est avant tout une mission de sensibilisation : « montrer ce que l’art peut changer dans la vie », une manière de donner du sens, en impliquant des artistes et en reliant les habitants. « J’essaie d’expliquer très simplement que la culture, c’est ce qui nous relie. Alors oui, l’écriture, la danse, la poésie, la peinture, tout ce qui touche à la création, et la musique évidemment, sont des outils. C’est ce qu’il y a de plus humain, tout simplement. »
Une ambition sociale et artistique
Sous l’impulsion de Florence Forterre, DEL’ART est devenu un incubateur social, où l’art nourrit réflexion et renforcement du lien social dans un quartier défavorisé. Les ateliers créatifs ouverts à tous, menés avec exigence et bienveillance, valorisent la diversité des pratiques et célèbrent le partage.
Ces trois lieux forment un triptyque solide qui permet à l’association de rayonner sur le quartier. Le dernier projet, Saint-Étienne à l’œuvre, propose un parcours artistique dans les rues du quartier, réalisé avec des associations locales telles que La Semeuse-La Ruche et l’Association du Quartier Saint-Étienne. Dans la même dynamique, Festives ! dont la 9e édition se tiendra en novembre, aborde la lutte pour les droits des femmes, en partenariat avec le CIDFF et d’autres structures. Travailler ensemble permet de croiser les publics et de sensibiliser aux enjeux de société. L’événement ouvre aussi d’autres espaces de réflexion sur les inégalités de genre, leur impact sur nos représentations et nos relations. Pour Florence, les aborder par l’art permet une approche plus sensible et engageante.
Les grands mots que sont « vivre-ensemble », « lien social », « inclusion » ou « ré-enchantement » trouvent ici une mise en application concrète, modeste à l’échelle d’un quartier, mais ancrée dans de vraies problématiques collectives. DEL’ART rassemble près de 2 000 adhérents, mobilise de nombreux bénévoles autour d’une équipe enthousiaste et engagée, et offre une véritable bouffée d’oxygène culturelle et sociale.
Rens: de-lart.art
photo: une partie de l’équipe de la Trésorerie : Olivier Gueniffey, Isabelle Spitz, Anaïs Jagoudet, Florence Forterre © Ugo Gueniffey