Ma petite analyse ne connaît pas la crise

Ma petite analyse ne connaît pas la crise

Anthéa poursuit ses spectacles « live », pour le plus grand bonheur de ses abonnés. Le 11 février dernier, c’était le retour sur les planches de François Berléand et François-Xavier Demaison. Dans la pièce Par le bout du nez, ils campent un duo assez irrésistible, l’un endossant la posture d’un psy, débonnaire et blagueur, et l’autre, celle d’un Président de la République fraîchement élu, affublé d’un tic défigurant, et qui doit prononcer son premier discours. Thérapie express en vue !

La psychanalyse ne connaît pas la crise. Arte propose en ce moment une série de 35 épisodes baptisée En thérapie (1), les séries de tous pays ont souvent leurs scènes « spécial psy », car leurs héros sont bien tourmentés ; les débats télévisuels, les hors-séries, les émissions de radios… tentent de libérer la parole, surtout en ce moment. Par le bout du nez n’échappe pas au courant et fait la part belle à un psy et à ses techniques d’analyse. Mais la pièce s’affranchit de cette figure tutélaire, du sérieux et des règles incontournables.

Il faut préciser que les auteurs sont Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, le duo à succès de la pièce comique et du film éponyme Le Prénom. Ils ont récidivé dans la même veine avec Par le bout du nez, porté par un autre duo, très complice, François Berléand et François-Xavier Demaison (2).

« Ce n’est pas la première fois que je joue un thérapeute, précise François Berléand. J’avais déjà endossé ce rôle pour Benoît Jacquot et son film Le Septième ciel. J’ai moi-même suivi une longue analyse. Là, c’était intéressant de reprendre ce rôle, et ça tient le coup, même si c’est sur un court délaiLa pièce est très bien écrite ». Le psy qu’il interprète est cependant inédit, il fait des blagues, se moque de son patient, lui fait croire que sa propre mère a été tuée par des chasseurs comme dans Bambi, et autres facéties.

Quant à François-Xavier Demaison, dans l’un de ses sketchs, il évoque d’ailleurs ce métier : « La Corse, c’est beau. C’est la loi du silence. En Corse, les psys ont fait faillite ! M. Olmeta, parlez-moi de votre mère… Ma mère ? Je ne connais pas cette personne ». C’est la première fois que Demaison interprète un président. « Physiquement, je suis plus près de Hollande ! Mais je me suis inspiré de Sarkozy pour le côté énervé. En fait, mon personnage est un mélange de tous les Présidents de la Ve République et même d’autres hommes politiques ».

Le ressort comique du spectacle provient donc de la confrontation de ces deux personnalités opposées, des jeux de pouvoir qui se jouent entre eux, de l’affrontement du psy revenu de tout et du président récalcitrant, ébranlé dans ses certitudes, avec ses gros blocages liés à son enfance. Qui mène qui par le bout du nez ?

Le duo fonctionne à merveille : « J’ai une confiance absolue en mon partenaire, confie François Berléand. D’ailleurs, j’ai eu un petit trou et il m’a rattrapé ». « Oui, tu as sauté juste 35 pages ! », répond avec malice François-Xavier Demaison. La joute amicale se poursuit donc hors les planches ! « Nous étions fous de joie d’être sur scène ! C’est un vrai cadeau. Merci du fond du cœur à ceux qui nous ont regardés sur leur télé, leur ordi ou même leur téléphone ! »

Les deux acteurs se rejoignent encore pour remercier leur metteur en scène, Bernard Murat, leurs deux auteurs, Daniel Benoin, pour avoir rendu cette escapade possible, et le public, bien sûr, enfin « présent ».

Le lendemain de cette représentation, nos deux compères étaient de retour pour l’hommage rendu à Desproges, en compagnie de sept autres comédiens. C’est à cette occasion qu’ils ont pu annoncer que 3 500 personnes avaient assisté en direct à leur prestation. Anthéa a du nez !

L’avis d’Aurore, Antiboise et consultante en communication
« Le thème de la pièce est très original. J’ai trouvé très drôle le contraste entre les deux personnages. La psychologie et l’analyse m’intéressent en général et là j’ai beaucoup aimé l’angle humoristique autour de ces thématiques et la façon d’aborder le rapport avec la famille. Pouvoir échanger, même par écrans interposés, avec les deux acteurs, est une vraie plus-value pour la pièce. Cela donne bien évidemment des informations complémentaires. Je me suis sentie en « connexion émotionnelle » avec les artistes qui, en cette période de contraintes, n’ont pas assez l’occasion d’interagir avec les spectateurs. J’ai vécu cette retransmission en direct comme un soulagement. Que des dispositifs comme celui-ci existent, qui nous donnent accès à la culture malgré la crise sanitaire, nous permet de faire autre chose que de regarder le énième programme sur Netflix ou encore la énième vidéo sur YouTube ! »

(1) D’après la série originale israélienne BeTipul, qui a connu une adaptation américaine réussie, ainsi qu’une déclinaison espagnole, japonaise… La Française est le vingtième remake !
(2) D’après une pièce espagnole, El Electo de Ramon Madaula. Une nouvelle pièce va voir le jour chez nos voisins de la péninsule ibérique, inspirée à son tour de la version française…

(photo : © Fabienne Rappeneau)