Nuits Carrées : un festival qui ne tourne pas en rond !

Nuits Carrées : un festival qui ne tourne pas en rond !

« Une édition particulière baptisée Nuits Carrées 2.1, comme une mise à jour artistique et culturelle. » C’est sur ces mots que Sébastien Hamard, directeur de l’association Labelnote, a introduit la présentation du programme de son festival, qui se tiendra du 25 au 27 juin 2021 à Antibes. Une mise à jour, certes, mais aussi un retour aux sources…

Sébastien Hamard nous l’avait annoncé, il y a quelques semaines, lors d’un entretien : « Les Nuits Carrées, par son ADN artistique, nous a parfois fait prendre des risques… » Comme le fait d’ouvrir, en 2017, sa programmation à des esthétiques extrêmes dans une région où celles-ci ne sont pas légion dans les festivals : ainsi, a-t-on pu voir des groupes de metal comme Sepultura, Mass Hysteria, Jinger ou Ultra Vomit, se glisser aux côtés des Dionysos, Romeo Elvis, Jeanne Added ou Wax Tailor sur les affiches des dernières éditions.

De risques, il en est question cette année encore, puisque les Nuits Carrées n’ont pas attendu les dernières annonces du gouvernement pour confirmer la tenue de cette édition 2021 : ce sera assis, de 18 h à 22h sur l’Esplanade du Pré aux Pêcheurs, au pied des remparts, aligné avec le Port Vauban et le Fort Carré, afin de participer « à la dynamique commerciale des bars et restaurants qui sont à proximité directe de la scène », et à un tarif unique de 8€ — celui en vigueur en 2007 lors de la création de l’événement !

« Cette programmation, pensée pour une jauge assise, va raconter l’histoire esthétique du festival, de la black music à l’électro, en passant par la pop, le hip-hop, le rock, le blues… On va essayer de raconter un panorama, une histoire de 15 ans, en trois soirs et neuf formations. » Il faut reconnaître qu’il en faut « en avoir » pour programmer un festival de musiques actuelles, en configuration assise, alors que son public est davantage habitué à jouer des coudes au milieu d’une foule en sueur et en transe. « Ces formes artistiques, attentives, assises, font partie de l’ADN du festival. Et surtout, avant cela, je considère que le rôle d’un événement sur un territoire est de créer les meilleures conditions de transmission d’une œuvre musicale entre un artiste et un public, quelle que soit la posture. » C’est donc assis, et pourquoi pas en famille, le format s’y prête largement, que l’on va pouvoir apprécier cette nouvelle édition composée de résidents de la sChOOL, de nouvelles créations, de retours d’artistes qui ont marqué les Nuits Carrées, d’un rendez-vous manqué en 2020, et d’une clôture en forme de come-back pour un groupe légendaire de la scène française alternative !

L’histoire du festival en 9 escales

Parmi les « résidents », on retrouvera le groupe de neo-soul emmené par la voix de Tiffania Rakotondrabenja, The Vibes Lobbyist, le rappeur-slameur niçois Mas Kit, promoteurs niçois d’atelier d’écritures et d’événements musicaux comme le PoetrySlam Nice, et les MLN Headz, mêlant un sens du groove cher au hip-hop old-school à des influences jazz.

Du côté des nouvelles créations, du lourd ! À commencer par Martin Mey, le monsieur qu’on retrouve par ailleurs sur l’affiche officielle des Nuits Carrées 2.1 (voir photo en Une de l’article). Il viendra à Antibes avec son nouveau projet le Minimum Ensemble, dont l’association Tandem nous disait le plus grand bien, il y a quelques semaines, lors de leur livestream en direct de l’Église Anglicane de Hyères. Leur création Lessismmmore, fruit d’une collaboration entre plusieurs artistes lors du premier confinement, est un spectacle immersif alternant les instants musicaux électro-pop finement ciselés et l’écoute radiophonique imaginée à partir du podcast L’Envers de la Pochette. Compliqué à expliquer en quelques lignes, le mieux est encore d’aller vivre « l’expérience » live en ouverture de ces Nuits Carrées 2.1, le 25 juin !

Dans cette même optique d’échange artistique, l’autre nouvelle création du festival est le projet Sofa, rencontre entre French 79 (qui était à l’affiche à Antibes en 2017) et Benjamin Faugloire. Le résultat ? Une sorte d’electro-jazz, balayant un large spectre musical acoustique et synthétique.

Puisqu’on parle de retour d’artistes ayant marqué les précédentes éditions du festival, citons les venues du plus Français des Suédois, Peter Von Poehl (Nuits Carrées 2013), sa guitare sous le bras et sa folk onirique offerte au public, et celle de Klone (Nuits Carrées 2017). Quoi ?! Du métal devant un public assis ? Eh oui, cher lecteur, mais du metal progressif en version acoustique, histoire d’éviter la tenue d’un bon vieux Wall of death au beau milieu d’un parterre de chaises… Allez jeter une oreille à leur album Unplugged, sorti en 2017, vous verrez que ces chevelus-là savent y faire, même débranchés… Quant à leur dernier opus en date, Le Grand Voyage, plus atmosphérique que jamais (voir vidéo ci-dessous), il devrait s’accorder parfaitement à l’exercice.

C’eut été un retour, si le Covid n’était passé par là en 2020… Programmé l’an passé, The Inspector Cluzo quittera ses oies et sa ferme bio installées dans les landes (si, si, c’est vrai !) le temps d’un concert également acoustique à Antibes. Ces Rockfarmers, fans de Neil Young, plus connus au Japon et aux États-Unis (11 ans à tourner dans plus de 65 pays et dans les plus grands festivals du monde) que dans l’Hexagone, proposeront une version revisitée de leur Gasconha Rock où le blues du delta rencontre le rock des Seasick Steve et autres Jack White.

Le meilleur pour la fin du festival : Java ! Après une absence discographique de plus de 12 ans, la bande à R.Wan et Fixi fait son come-back sur scène avec une bande-son façonnée à coup de Sexe, accordéon et alcool. Maudits Français, sorti en 2009, succédait alors à Safari Croisière (2003) et au mythique Hawaï (2000) qui créait alors ce que le groupe nomme lui-même le rap-musette : un genre à part où poésie et humour sont enrobés d’une certaine gouaille parisienne. « Java c’est pas de la menthe à l’eau, Java c’est du rock’n roll, Java c’est le vrai son parigot, La devise : sexe, accordéon et alcool ! » Et ce n’est pas moi qui le dis !

Le « chansigne » à la rescousse

Signalons que ce concert de Java, comme celui de Mas Kit le même-jour, seront traduits par 3 chansigneurs issus du Collectif 10 Doigts en Cavale, groupement d’interprètes professionnels en langue des signes au service de la musique. L’idée est de rendre les concerts accessibles aux personnes sourdes et malentendantes. Comment ça se passe ? Il ne s’agit pas traduction littérale : à partir des textes, les chansigneurs tentent de transmettre les émotions, les jeux de mots et autres doubles sens, mais aussi la musicalité, à savoir le rythme et les instruments. Il faut compter plus de 300 heures de travail pour retranscrire un concert en chansigne ! Si certains morceaux peuvent prendre une seule journée, nous indique le collectif, il lui a fallu par exemple plus d’un mois pour transposer et s’approprier À pic, un texte extrêmement rapide de R.Wan extrait de son 2e album solo Radio Cortex 2, qui multiplie les jeux de mots et les images… On leur souhaite donc bon courage pour l’intégralité du set de Java ! Nous n’avons pas calculé, mais autant vous dire le collectif a abattu un sacré travail depuis sa création, puisque qu’ils ont notamment travaillé avec -M-, Tryo, La Rue Kétanou, Sinsemilia, No One Is Innocent, Ultra Vomit et bien d’autres, sans compter leurs collaborations avec plusieurs festivals…

Pour avoir le tiercé gagnant de la programmation de ces Nuits Carrées 2.1, dans l’ordre chronologique, c’est ci-dessous.

PROGRAMMATION
Vendredi 25 juin 18h : Minimum Ensemble + Peter Von Poehl + Sofa
Samedi 26 juin 18h : The Vibes Lobbyist + Klone « Unplugged » + The Inspector Cluzo « Unplugged »
Dimanche 27 juin 18h : Mas Kit + MLN Headz + Java

(photo Une : affiche officielle Nuits Carrées 2.1 © Pierre Turtaut)