Le bûcher des vanités

Le bûcher des vanités

Des romans initiatiques, il y en a. Des fresques retraçant les velléités d’un jeune ambitieux… Oui, mais celui-ci, il est de la main de Balzac, notre sorcier national, et ses Illusions perdues sont largement autobiographiques… À la suite de Pauline Bayle, découvrez à Anthea les féroces tribulations d’un jeune auteur en quête de gloire, depuis sa province jusqu’à Paris. 

Vous imaginez Balzac vivant aujourd’hui ? Nous, oui !Fort bien même. Il se serait régalé du bombardement d’informations incessantes, de l ’ouverture sur le monde. Ce boulimique de la vie aurait adoré poser son PC portable n’importe où, pour écrire 10 heures d’affilée en sifflant du café noir, et en se rengorgeant du gazouillis de la ville. Il aurait envoyé des tweets assassins depuis les salons parisiens où il avait ses entrées, et avec lesquels il entretenait une relation d’amour-haine pas piquée des vers… 

Mais revenons aux Illusions perdues. Elles sont multiples. Celles de Lucien, le héros, qui veut absolument devenir écrivain, coûte que coûte, quitte à écrire dans n’importe quoi, ce qu’on lui demande d’écrire. Ce que Balzac appelait son « travail de cochon », avec lequel il épongeait ses sempiternelles dettes. Illusions perdues de l’entourage, ensuite, que les gaffes de Lucien mèneront à la ruine, ou presque. Lucien, né Chardon à l’état civil, décide de se faire appeler « de Rubempré », nom de jeune fille de sa mère qu’il juge plus aristocratique. À l’instar de Balzac qui se faisait appeler « de Balzac ». Fatuité touchante, soif de reconnaissance d’un jeune homme contaminé par le virus de la grandeur comme l’on contracte une maladie… Ici, l’auteur inverse la donne, par rapport à sa réalité ; il fait le talent de Lucien aussi médiocre que sa beauté est remarquable, en somme le contraire du vrai Balzac… Manière implacable, encore, d’épingler la vanité des êtres qui succombent aux charmes cosmétiques au lieu de s’attacher aux profondeurs de l’esprit…

Bref, ce bain de vitriol qui arrose milieu littéraire, journalistique, province mesquine et étriquée, Paris prétentieux, n’a pas fini de nous réjouir, certes, mais aussi de nous remuer jusqu’au fond de l’âme. C’est en cela que Balzac est si saisissant. Chez lui, le sublime et le trivial se côtoient pour créer de nouvelles couleurs… toutes balzaciennes.

14 juin 20h & 15 juin 20h30, Anthéa, Antibes. Rens : anthea-antibes.fr
Illusions perdues © Simon Gosselin