Mendjizky, l’homme révolté

Mendjizky, l’homme révolté

Figure de la première École de Paris, Maurice Mendjizky a créé un lien particulier avec la Côte d’Azur et s’est révélé être un portraitiste et un paysagiste de talent, reconnu notamment pour les paysages méditerranéens qu’il a peints à Cagnes, aux Collettes et dans les environs.

Né le 20 juillet 1890 à Lodz en Pologne, Maurice Mendjizky grandit dans une famille juive très modeste. Il se passionne rapidement pour la musique et le dessin, qu’il apprend à l’école Katsenelagoïn, où il rencontre l’architecte Landau, qui l’aide en 1906 à rejoindre Paris pour étudier à l’École des Beaux-Arts. Il y fréquentera l’atelier de Fernand Cormon (1845-1924), maître de Matisse (1869-1954). En 1912, une fois son service militaire achevé, il donne sa 1e exposition personnelle à la Galerie Petit. Après une histoire d’amour avec Kiki de Montparnasse, au début des années 1920, Maurice Mendjizky part dans le sud de la France où il rencontre Rose Rajbaut, sa future épouse et mère de ses enfants, Claude (né en 1924) et Serge (né en 1929) qui sera le plus jeune résistant français. Peintre révolté par la montée du fascisme, il fonde avec Paul Signac, Paul Langevin et Frédéric Joliot-Curie, le Mouvement des Intellectuels pour la Paix. Engagée dans la résistance, sa famille est détruite par la guerre : sa femme est arrêtée en 42, Claude, son aîné assassiné par les nazis 14 jours avant la libération, le reste de sa famille est exterminée en Pologne. Au retour de la paix, Mendjizky, meurtri, entre-prend son œuvre ultime. Entre 1947 et 1951, il s’engage avec ferveur dans la création de son recueil de 31 dessins avec un poème de Paul Éluard en introduction. Picasso, après avoir vu ses dessins du Ghetto de Varsovie dira : «C’est un chef d’œuvre, c’est une véritable symphonie de noir et de blanc». Il décède à Nice le 8 mai 1951.

Sous le commissariat d’Emeric Pinkowicz, conservateur des musées de Cagnes-sur-Mer, et Danilo Cubicciotti, assistant de conservation, avec la très précieuse collaboration de Patricia Mendjizky, qui a bien voulu mettre à la disposition du château le fonds de dotation qu’elle a fondée avec son mari Serge Mendjizky, l’exposition Maurice Mendjizky (1890-1951), de Montparnasse à la Côte d’Azur, s’installe au 2e étage du Château-musée Grimaldi. À la fois thématique et chronologique, le parcours permet au visiteur de découvrir l’existence plus que remplie de cet homme, en 5 sections. On y découvre ses origines au travers d’autoportraits et de l’influence du judaïsme sur son œuvre, puis son histoire d’amour avec Kiki de Montparnasse qui fut déterminante pour son évolution stylistique. Une section est dédiée à ses proches : portraits d’intimes et d’amis témoignent des relations nouées avec son épouse et certaines personnalités du monde artistique. Quelques scènes de genre, très colorées, transcrivent aussi les joies de la vie familiale. Une autre partie expose sa maîtrise du thème du paysage méditerranéen dans une veine postimpressionniste. Mendjizky, fort de l’héritage de Paul Cézanne (1839-1906) et de Pierre-Auguste Renoir (1841-1919), développe sa propre sensibilité face la nature et à la beauté des paysages azuréens. Plus sombre, la dernière correspond à sa fin de vie tragique avec l’hommage rendu aux martyrs et combattants du ghetto de Varsovie. Ici, le visiteur découvrira les œuvres que la barbarie des nazis et des fascistes lors de la Seconde Guerre mondiale aura inspiré à l’artiste.

Dans une période où certains partis sont fondés par des activistes collaborant à cette barbarie ou par des nostalgiques du régime de Vichy, il est fondamental de témoigner par une telle exposition pour encore redire : Plus jamais ça !

Du 11 juin au 7 nov, Château-musée Grimaldi, Cagnes-sur-Mer. Rens : cagnes-sur-mer.com

photo : © 1920, Kiki de Montparnasse, 65 x 100 cm. Col privée L06 p17. Cat. Boisgirard et associés Drouot 09-11-2005 (lot 98)