Y’a pas que le foot dans la vie !

Y’a pas que le foot dans la vie !

Mais quand même… La Strada lance une série de portraits de sportifs ou anciens sportifs de la région, qui ont aujourd’hui un impact de par leur activité culturelle et/ou sociétale. Car pour nous, le sport est éminemment culturel — à défaut d’être politique, si l’on en croit les dernières déclarations plus que contradictoires du patron du foot mondial Gianni Infantino, à la veille du Mondial au Qatar… Après le navigateur niçois Jean-Pierre Dick, qui vient de remporter la Route du Rhum 2022, catégorie Rhum Mono, place dans ce numéro à un ex-footballeur, légende de l’Olympique de Marseille, devenu musicien et président d’une salle de spectacle, en sus de ses activités médiatiques : Éric Di Meco.

Alors que la « Coupe du Monde de la honte » a démarré fin novembre, que les déclarations toujours plus hors-sol des dirigeants de la FIFA continuent de faire halluciner le monde, que les débats sur le boycott ou pas de l’une des plus grandes compétitions sportives se poursuivent (jusqu’au sein même de notre rédaction), nous avons souhaité donner la parole à un ex-sportif qui, lui, garde bien les pieds sur terre. Un homme qui, après une carrière de footballeur remarquable, a connu plusieurs vies. Un homme pour qui l’humain, l’amitié et l’échange comptent plus que tout… Nous avons rencontré Éric Di Meco le 19 novembre dernier à l’Espace Julien à Marseille, juste avant de donner son concert avec Osiris — tribute band dédié à Oasis, le mythique groupe des frères Gallagher — qu’il a monté avec une bande de potes : Chris Cesari (guitare), Éric Di Marino (guitare), Jean-Vincent Boetto (batterie) et Axel Rancurel (chant).

DU PETIT CRUYFF À LA FAUCHEUSE
Pour ceux qui ne connaissent le bonhomme que par ses « exploits » médiatiques lors des commentaires de match, ou par ses analyses pointues — mâtinées de propos licencieux comme on aime, il faut bien le dire ! — dans l’émission Super Moscato Show, rappelons en quelques lignes le parcours footballistique de cet ex-joueur singulier.

Né en 1963 à Avignon, le petit Éric Di Meco grandit du côté de Roubion, dans le Vaucluse. Il intègre le centre de formation de l’OM à la fin des années 70 et fait partie de l’aventure des « minots » qui permet au club, rétrogradé administrativement en 2e division, de survivre et de revenir dans l’élite en 1984. Pur gaucher, ailier de formation, attaquant puis milieu de terrain technique, surnommé alors Le petit Cruyff, il est prêté successivement à Nancy et Martigues afin de s’aguerrir. Reconverti au poste de latéral gauche lors de son passage en Lorraine, sous la houlette d’Arsène Wenger, il revient à l’OM en 1986. C’est le début d’une période faste pour le club et pour le joueur : Champion de France en 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993 (oui, les supporters marseillais comptent également ce titre !), finaliste malheureux de la Ligue des Champions en 1991 et vainqueur face au grand Milan AC en 1993, « Rico del Prado », comme le présente Vincent Moscato lors de chaque émission, devient alors La Faucheuse. Ses tacles appuyés feront sa réputation, sa marque de fabrique ! Un geste technique musclé qu’il maîtrise à merveille, puisqu’il n’a jamais blessé un seul adversaire. Défenseur de caractère, qui terminera sa carrière en 1998 après 4 saisons sous les couleurs de l’AS Monaco, il est à ce jour l’un des rares joueurs invaincus sous le maillot de l’équipe de France : 23 sélections pour 18 victoires et 5 nuls.

Tacle impeccable d’Éric Di Meco sur Laurent Fournier ! © DR

On va attaquer par la « fin », ou plutôt par le présent, car c’est un peu ce qui nous a conduits vers toi : la musique, la culture… Comment es-tu tombé là-dedans ?

Oh là ! J’ai toujours été passionné de musique. Et j’ai toujours été attiré par la basse, dans un morceau je n’entends que ça en fait… Je me souviens qu’un des premiers apparts que j’avais pris, c’était au début des années 80, avec un copain du centre de formation de l’OM, Thierry Chancelle, qui était batteur. J’avais alors fait une première tentative d’essai à la basse. Le problème est que c’est un instrument avec lequel il faut jouer en groupe sinon on s’ennuie. Donc j’ai rapidement laissé tomber. Je m’y suis réellement mis quand je suis arrivé à Monaco, ça devait être en 1995. À côté de l’école de mon fils, il y avait un magasin de musique, et le matin quand j’amenais le petit à l’école, je passais toujours devant les basses, je regardais les instruments. Un jour, le mec qui tenait le magasin sort et me dit : “Monsieur Di Meco, vous passez régulièrement, je vois que vous regardez les instruments, vous êtes bassiste ?” Je lui dis que ça me fascine, que j’ai envie de m’y mettre. “Eh bien, vous savez quoi, me répond-il, j’ai des basses d’occasion à l’essai. Je peux vous en laisser une, avec des tablatures. Qu’est-ce que vous aimez ? » À l’époque j’écoutais beaucoup les Red Hot, notamment leur album Blood Sugar Sex Magik, sorti quelques années plus tôt. Il m’a donné la tablature : autant te dire que commencer avec la ligne de basse de Flea, c’est compliqué ! (rires) Bref, j’ai dû la garder un mois, et quand j’y suis retourné, je lui ai dit: « Il m’en faut une. » J’ai donc acheté une Spector en bois dans un premier temps, elle était jolie. J’avais un pote à Marseille, Norbert, qui s’était mis à la guitare à l’époque, alors on a commencé à travailler à distance. Et au bout de 6 mois, quand j’ai vu que j’accrochais, que j’allais en faire vraiment, le boss du Stars’N’Bars, Didier, qui est vauclusien comme moi, m’a fait ramener une basse des USA. Sa femme est la nièce de la Princesse Grace, et il recevait alors beaucoup de musiciens américains qui venaient jouer à Monaco. C’était une Music Man noire, modèle avec lequel jouait Flea à l’époque, et qui m’avait couté à l’époque dans les 5000 francs ! C’est la basse avec laquelle je vais jouer ce soir, et que j’ai un peu customisée.

On est donc à peu près à l’époque de l’Euro 96, en Angleterre. Et là, tu débarques au rassemblement des Bleus avec ta basse… Tu devais faire figure d’OVNI à l’époque ?

Oui, c’était rigolo… Aimé Jacquet me voit débarquer avec une mallette et me demande ce qu’il y a là-dedans ! Alors je lui dis : « Coach, je me suis mis à la basse. Pendant un mois, au lieu de jouer aux cartes ou de m’emmerder dans ma chambre, je vais m’entraîner« . Il avait trouvé ça très amusant. Voilà un peu comment je m’y suis mis sérieusement ! Quand j’ai arrêté ma carrière en 1998, j’ai monté mon premier groupe avec mon pote de Marseille dont je t’ai parlé. On avait un morceau des Red Hot, un morceau de Rage Against The Machine, un morceau de Pearl Jam, et le dernier, je ne sais plus. On répétait dans un « hôtel de la musique », un endroit où tu peux louer un box pour laisser ton matos et répéter. Ce sont un peu comme des appartements, et au 1er étage, il y avait un bar ! On y passait plus de temps qu’aux répétitions… (rires) On faisait alors les premières parties de tous les petits groupes de Marseillais énervés. On a notamment joué au Poste à Galène, en première de Dagoba, on a joué pour la fête des Ultras, ou encore dans une émission de Marc Toesca sur TMC, que je connaissais bien. Il avait fait venir Jo Corbeau, Quartier Nord et d’autres, à l’occasion d’une émission sur la scène marseillaise. On a joué Rage Against The Machine sur TMC ! Il faudrait d’ailleurs que je la retrouve cette vidéo, car c’était notre toute première télé. Et bon, après tout le monde bossait à côté. Moi, je commençais à travailler dans les médias… Donc, ça s’était arrêté là.

Comment a débuté l’aventure avec Osiris ?

En fait, je ne me suis réellement remis à la musique qu’en 2017. C’est Christian Jeanpierre (ndlr: commentateur et animateur de l’émission Téléfoot sur TF1 entre 2008 et 2018) qui m’a demandé de venir jouer un morceau des Rolling Stones à l’Olympia lors d’un concert caritatif qu’il organise chaque année. Je n’avais pas joué depuis 10 ans, et lorsque je suis descendu de scène, je me suis dit qu’il fallait que je remonte un groupe avec des potes, parce que c’était trop bon ! Et c’est suite à la rencontre avec notre chanteur, Axel Rancurel, par une annonce radio sur le Moscato Show, qu’on s’est orienté vers Oasis. Il avait la voix pour ça, et la « culture Oasis ». Moi, je suis un peu passé à côté à l’époque, ce n’est pas ce que j’écoutais, alors que j’ai fait l’Euro 96 en Angleterre ! Quelques semaines après, le groupe faisait son plus grand concert, deux jours de folie à Knebworth, en août. C’est con quand même ! Axel par contre, qui est un peu plus jeune que moi, il était en plein dedans. C’est grâce à lui qu’on a monté le tribute. Depuis, j’ai bien sûr écouté tous les albums, regardé tous leurs concerts, je me suis plongé dans leur histoire. Ce qui m’a plu, c’est le côté supporter de City, un club de loosers dans le passé. J’ai appris plus tard que le joueur préféré de Noël Gallagher était Ali Benarbia ! Avant lui, on était dans le kick and rush, ça balançait devant. Alors quand ils ont vu arriver ce petit numéro 10…

On peut d’ailleurs faire un lien entre Marseille et Manchester, avec City, un club auparavant ouvrier, populaire, proche de ses supporters…

Oui, totalement. Quand j’étais petit, mon club c’était Liverpool. Quand j’y ai commenté, j’étais comme un gamin ! Après j’ai suivi United parce que Canto est allé jouer là-bas. Mais au départ, City, ça ne représentait rien pour moi. Ça a longtemps été un club de loosers ! Donc quand j’ai découvert Oasis, je me suis mis à découvrir City (ndlr: les frères Gallagher sont fans du club, ennemi juré de Manchester United, considéré quant à lui comme un club de riches, de privilégiés). J’y suis allé plusieurs fois pour commenter, je sais que Ali a joué là-bas, et que d’autres Français ont suivi. Et entre nous, City a quelques fois titillé le PSG en coupe d’Europe, alors tu vois… (rires) J’ai également eu l’occasion de croiser Noël Gallagher après le City-Real de l’an dernier ! Et maintenant, mon but c’est de rencontrer Liam. J’ai demandé à Canto de gérer le truc…

Fais-tu un parallèle entre la musique et le sport ? Je sais que tu as dit être plus intimidé en entrant sur scène que sur un terrain…

Complètement, oui. C’est un peu la même adrénaline. Mais ce qui change au foot, c’est que tu te dépenses, donc le stress passe au bout d’un moment, tu es dans ton match. Sur scène, pour moi, c’était difficile au début, j’avais les jambes qui tremblaient, j’étais tendu… J’avais un gros problème par rapport à ça. Mais ça y est, j’ai passé le cap. Je commence à avoir le bon stress, comme au foot, la bonne montée. Et je ne vais pas te cacher que lorsque tu as joué au foot toute ta vie, tu recherches un peu ça derrière. Il y en a qui font du cinéma, d’autres qui vont dans les médias… Ce soir, tu vois, c’est la première fois qu’on joue en notre nom, qu’on ne fait pas la première partie de quelqu’un. On est tête d’affiche, dans une grande salle, et les gens viennent payer pour nous voir… Tu te sens un peu redevable. Mais c’est une bonne pression désormais.

Maintenant, revenons un peu en arrière… Car tu as un parcours atypique ! Tu es souvent cité en référence quand on parle de reconversion de poste dans le foot, et je pense qu’on peut le dire aussi pour ton après-carrière sportive… Avant d’arriver dans les médias et dans la musique, tu as d’abord été un « éphémère » Directeur sportif à l’OM, puis adjoint à la Mairie de Marseille. Qu’as-tu retenu de ces deux « aventures » dirigeantes ?

Éphémère, c’est sûr ! J’ai arrêté ma carrière en 1998, et j’ai attaqué à la direction sportive du club fin 1999. J’y suis resté 8 mois… En réalité, ce n’était pas ce que je voulais faire. Et ce n’était pas le bon moment pour moi, ce n’était pas le bon moment à l’OM… C’était compliqué, je n’avais aucune expérience, j’étais encore joueur dans la tête, le club connaissait de grosses difficultés. C’est Yves Marchand, le président de l’époque qui m’a fait venir. Avec le recul, j’ai bien compris qu’il avait besoin d’une image en fait. Je me suis fait bouffer… Concernant la Mairie de Marseille, j’ai été élu dès 1995. Je jouais encore à Monaco à l’époque. Je crois que c’était les affaires extérieures ou un truc comme ça. Un rôle bidon, histoire de mettre un nom sur une liste… Mais quand j’arrête en 1998, j’obtiens la délégation de l’animation jeunesse dans les quartiers. Et c’est comme ça que je rencontre le milieu culturel marseillais. Je lance à cette époque des tournois de foot dans les quartiers, avec finale au Stade Vélodrome, et des tremplins musicaux aussi, avec finale au Dôme. J’ai donc commencé à travailler avec l’Espace Julien sur les sélections des tremplins, on venait jouer ici lorsque ça concernait ce quartier. J’ai fait deux mandats en fait, de 1995 à 2008.

Consultant, homme de radio, musicien, aujourd’hui tu es aussi président de l’Espace Julien, à Marseille, depuis 2 ans. Un ancien footeux à la présidence d’un établissement culturel, cela peut surprendre…

Oui, c’est vrai. J’ai connu l’équipe à l’époque où je travaillais à la Mairie, et on est devenus potes. Alors quand l’ancien président est parti, Patrice Angosto et Christian Arcamone (ndlr : respectivement directeur et directeur-adjoint de l’Espace Julien) m’ont sollicité en me disant : « On a besoin d’un président, et on aimerait que ce soit toi, par rapport à l’histoire que tu as avec la culture à Marseille, les tremplins que tu as organisés par le passé, etc. » Dagoba, par exemple, on a les a découverts sur un tremplin, qu’ils ont d’ailleurs gagné. Planète Jeunes, ça s’appelait. Soprano et les Psy 4 de la Rime, pareil. D’ailleurs, quand j’ai recroisé Soprano des années plus tard, il ne savait même pas que c’était moi qui avais monté ça ! (rires)

Tu es amateur de rock, et notamment de metal, je crois. Ce qui correspond plutôt bien au joueur rugueux, mais technique, que tu étais… Qu’écoutes-tu en ce moment ?

Moi, j’écoute des trucs énervés ! (rires) Prophets of Rage notamment, qui est en fait la reconstruction de Rage Against The Machine, sans Zack De La Rocha, mais avec B-Real de Cypress Hill et le chanteur de Public Enemy, dont j’ai oublié le nom (ndlr: Chuck D)… Red Hot bien sûr, même si je suis moins fan de ce qu’ils font aujourd’hui. Je viens juste d’acheter aussi le dernier Arctic Monkeys, mais il est spécial… Ils ont trop fumé les mecs, ils sont allés loin ! J’aime beaucoup Royal Blood aussi, que j’ai découvert en regardant Peaky Blinders. Cette série, que j’adore, je l’ai regardée avec Shazam ! J’ai découvert plein de groupes, elle a une BO de dingue. Je suis aussi un grand fan des Foo Fighters. Et du coup, aujourd’hui, je suis beaucoup ce que font Noël et Liam Gallagher. Même si j’ai une petite préférence pour Liam, qui est plus rock’n’roll, qui est pour moi l’identité d’Oasis.

Hormis la musique donc, désormais c’est la radio ton quotidien…

Oui, on a fêté nos 15 ans de radio avec Vincent (ndlr: Vincent Moscato, ancien rugbyman international, reconverti en animateur sur RMC) ! On rentre dans notre 16e année. Dans le Super Moscato Show, on est tous très potes. Le vecteur de ma vie, ça a toujours été les potes. Quand je jouais au foot, j’ai toujours fait en sorte de créer une bonne ambiance, pour la musique et la radio, c’est pareil. Tu sais, Vincent a marié sa fille cet été, et on a tous été invités. Dès que l’un d’entre nous fait un truc, on est tous là. L’été, on se retrouve au Pilat. Là, on va jouer à la Boule Noire à Paris, le 17 décembre, eh bien, ils viennent tous… Et je ne leur ai rien demandé, ils ont pris leurs places ! À la radio, on a créé un truc spécial, et je pense que ça s’entend. Avec Vincent, on s’est donné comme objectif d’arriver jusqu’à 20 ans. Le but, c’est de vieillir ensemble… Mais le problème avec la radio, ce sont les audiences ! Pour l’instant, on a de la chance, on touche du bois, on a toujours de supers scores. Et à chaque fois que l’audience est publiée, il nous appelle un par un pour nous féliciter. J’ai découvert chez lui, un homme attentionné, qui ne tire pas la lumière qu’à lui, sur qui tu peux compter. Il me dit souvent qu’il vient d’un sport où, si tu es seul, tu ne gagnes pas… Contrairement au foot, où la star peut tout changer, où il y a la culture de la star. C’est un mec, tu lui donnes 10, il t’en rend 100. Et en sortie, alors, il est infernal… (rires) J’ai une chance incroyable de travailler avec un mec comme ça, avec une équipe comme ça. Régulièrement, quand on s’appelle, qu’on fait des apéros, ou même pendant les émissions, parfois on dit des horreurs (ndlr: ces messieurs sont des spécialistes de la gaudriole)… Et après coup, on s’envoie des textos et on se dit : « Putain, on a de la chance quand même ! Pourvu qu’on ne soit pas démasqué ! Un jour, ils vont nous démasquer ! » (rires)

Éric Di Meco et Vincent Moscato lors du championnat du monde du Kikadi sur RMC © Twitter RMC

photos Osiris : © Joseph Bagur

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