04 Sep L’ancienne mine d’argent de Vallauria s’offre un musée souterrain
Ouverte en juillet dernier après un formidable travail de restauration, la visite de la mine de Vallauria propose un plongeon dans l’histoire de nos vallées à travers le prisme de sa géologie particulière. Perchée à 1500 mètres d’altitude sur la commune de Tende, ce site exceptionnel offre 15 km de souterrains dont certains datent du XIe siècle.
Une cinquantaine de mineurs y travaillaient déjà au Moyen-âge. Cet effectif a même atteint 300 personnes avec les familles entre le XVIIIe et le XXe siècles, où église, école, usine, logements collectifs et maisons individuelles ont été construits. Argent, plomb et zinc ont été exploités avec différentes techniques sur plusieurs siècles.
L’association Neige et Merveilles, en charge de la réhabilitation du site, grâce aux bénévoles des chantiers de Jeunesse Internationale, et aux fonds de l’Union européenne, de la région PACA et de la ville de Tende, est ravie d’accueillir un musée qui raconte l’histoire de ce site unique. Une grande fierté pour ces amoureux de ce hameau perdu au milieu d’un écrin de verdure. Bruno Ancel, archéologue-minier, responsable scientifique de l’association, nous livre quelques anecdotes en avant-première.
Qui étaient ces mineurs selon les époques et d’où venaient-ils ?
Pour la période récente, de 1750 à 1930, nous avons retrouvé beaucoup d’informations relatives aux ouvriers de la mine ; l’immense majorité venait du Piémont, de l’autre côté du col de Tende jusqu’à la région minière d’Ivrea ; mais d’autres ont émigré depuis le Tyrol du Sud, le Haut-Adige d’aujourd’hui. Concernant l’encadrement technique, cela dépendait des compagnies minières qui occupaient le site : des Piémontais, des Français, des Anglais, des Belges, des Italiens… Car la mine a eu une histoire mouvementée.
Pour la période médiévale, en revanche, nous n’avons pas trouvé de sources historiques. On suppose que vu le niveau de maitrise des techniques minières observées dans la mine ancienne, l’exploitation a très certainement démarré grâce à la venue de mineurs expérimentés, originaires d’une région minière dynamique, comme les mines d’argent de Trento.
Est-il vrai que les miniers étaient jugés par un tribunal différent ?
Pour le Moyen-Âge, à défaut de source locale, on peut compter sur les règlements miniers conservés un peu partout en Europe et qui offrent une image assez homogène du monde de la mine aux XII et XIIIe siècles. Ainsi le travail dans la mine est soumis à des règles qui protègent les ouvriers et le gisement minéral, et lorsque des différends surviennent, ils sont jugés par un tribunal des mines.
Avec l’argent exploité des mines, la ville de Tende battait monnaie au Moyen-âge. Est-ce que des pièces de monnaie seront exposées au musée ?
Les monnaies d’argent médiévales de Tende sont rarissimes et la Minière de Vallauria n’aura pas l’honneur d’en exposer.
Pouvez-vous nous expliquer cette étrange histoire de nains ?
Les mondes souterrains, qu’ils soient naturels comme les grottes ou artificiels comme les mines, ont toujours enflammé l’imagination. Dans toute l’Europe, on a raconté des histoires de petits êtres capables de se faufiler dans les fissures des montagnes et régnant sur des trésors fantasmés ; les Knockers, les Kobold, les Gnomes, les lutins, les nains, etc. Toutes ces légendes ont été romancées au XIXe siècle et l’une d’elles rendue très populaire par Walt Disney. Plus récemment, c’est la légende des Wallen, ou nains de Venise, qui est remontée à la surface à la faveur d’un documentaire pseudo-scientifique.
Les femmes travaillaient-elles dans les mines ?
Dans les mines métalliques, depuis le XVe siècle, l’iconographie et les écrits nous présentent un univers d’hommes ; les femmes participent au travail de la mine en surface, en particulier pour la fastidieuse tâche du triage du minerai. Mais on a également des témoignages concernant de petites exploitations artisanales de matériaux, de minerai, de charbon, ou le travail en souterrain peut s’organiser en famille, chacun travaillant selon ses forces. C’est ainsi que dans les mines de charbon de la révolution industrielle, les femmes se sont retrouvées au fond de certaines mines de charbon, à travailler aussi dur que les hommes, mais avec un salaire moindre. À Vallauria, à l’époque récente les femmes sont exclues de la mine souterraine ; au Moyen-Âge, on n’en sait rien, mais personnellement je verrais très bien un mode d’exploitation familiale et saisonnier.
Y a-t-il d’autres objets exposés au musée en lien avec l’histoire du hameau de Vallauria ?
Dans la mesure du possible nous allons œuvrer à présenter des objets dans leur contexte. Si inévitablement des outils fragiles seront exposés dans des vitrines dans la salle d’exposition, la plupart des outils de la mine seront mis en situation dans la mine, sur le parcours de visite souterraine ; on a prévu de reconstituer au fil des années des équipements en bois caractéristique. Concernant l’activité en surface il n’y a plus guère de mobiliers, l’usine ayant été livrée aux ferrailleurs à sa fermeture en 1930. Mais il y a parfois des surprises : ainsi la tempête Alex, en détruisant la piste d’accès, a exhumé deux très belles meules en grès du moulin à farine de la Minière ; nous commencions à rêver de les remettre en situation dans le circuit de surface… Mais un voleur est passé par là et il en manque une à présent, la plus belle évidemment.
Une idée originale de sortie en famille à réaliser alliant nature, géologie et patrimoine.
Mine d’argent de Vallauria, Route de Castérino, Hameau de la minière de Vallauria, Tende. Rens: mine-vallauria.com