C’est le printemps !

C’est le printemps !

C’est un cri du cœur traditionnellement joyeux. Mais ça, c’était « avant »…

Désormais, le printemps commence pendant l’hiver, les végétaux bourgeonnent et les insectes bourdonnent dès janvier ou février. Pourtant, il y a toujours des climatosceptiques. Ils n’acceptent pas l’existence des changements en cours parce qu’ils ont peur, font l’autruche, ou que ça arrange leurs profits. C’est la même chose pour les pesticides, on les remet dans le circuit au nom de la rentabilité. Certains puissants syndicats d’agriculteurs ne sont-ils pas gérés par des agro-industriels, bien souvent céréaliers, qui ne mettent pratiquement pas les pieds dans les milliers d’hectares qu’ils possèdent et qui jouent plutôt en bourse leur production ? Le problème est que ces syndicats ont géré la PAC (politique agricole commune de l’Union Européenne) et sont choisis comme interlocuteurs privilégiés. Ils préfèrent que les subventions soient distribuées à la surface, car cela les avantage, alors qu’une grande partie de ceux qui nous nourrissent est constituée de « petits » qui touchent beaucoup moins. En fait, ce système encourage les concentrations – grand « dada » des néo-libéraux – ou les grandes exploitations et finit ainsi par imposer une politique davantage quantitative que qualitative. Mais le quantitatif pollue et nous empoisonne… Ainsi l’agriculture de qualité subit la concurrence de pays qui ne respectent pas les critères sanitaires utiles à notre santé. Les petits agriculteurs qui nous nourrissent meurent de faim ! Alors que l’agro-industrie qui transforme leurs produits, et surtout la grande distribution, fait des marges 100 fois plus importantes que ceux qui produisent. Et ce sont encore eux qui font monter les enchères (voir reportage Nos grandes décisions, 22/02/24, France 2). Puis, au bout de la chaîne, ce sont les plus démunis qui mangent mal, n’ayant pas les moyens de payer pour de la nourriture de qualité. 

L’obésité est un des fléaux qu’entraînent ces conceptions économiques. On évoque dans ce numéro le roman Body-Fat de Mo Rezkallah, qui traite du problème du surpoids (page 20). Les obèses y apparaissent comme des « aliens » rejetés et pistés. Ce rejet de la différence semble devenir un comportement planétaire : on rejette l’autre parce qu’il est différent, parce qu’il appartient à une autre culture, parce qu’il vient d’ailleurs, parce qu’il n’a pas le même genre… Cette droitisation à l’extrême est en tête de nombreux sondages dans pas mal de pays : l’exclusion des humains est devenue un Graal morbide et un vrai fonds de commerce pour les personnes avides de pouvoir. Ces derniers cherchent un bouc émissaire plutôt que des solutions, ils préfèrent stigmatiser et sanctionner plutôt que prévenir. C’est misérable.

Ces idées totalitaires finissent ainsi par justifier le recours à violence et le rejet des lois : certains ne veulent-ils pas changer la constitution qu’ils trouvent trop laxiste ? Ils tentent de détruire l’idée que la République avait instaurée en France depuis plus de deux siècles. Et le recours à cette violence a pour résultat une horreur permanente que déversent les « robinets à terreur » – ou chaînes d’information continue : les guerres. Celles-ci sont souvent « civiles », on ne sait plus qui tire sur qui. Il n’y a plus de règles, juste une défense primitive d’intérêts privés. Pour un oui ou pour un non, on s’assassine, on se livre à des crimes de masse. Et, peu à peu, nous nous habituons à cette horreur… La réponse étant souvent : que voulez-vous y faire ? 

Ce numéro de Mars est traditionnellement dédié aux femmes, aux créatrices, qui subissent, elles aussi, toujours et encore, violences et agressions. C’est aussi un signe de cette montée de violence. Et si la lutte continue pour défendre leurs droits, il n’en demeure pas moins que certains prennent publiquement le parti des prédateurs et des tortionnaires. Ceux-là mêmes qui diffusent des infos nauséabondes, ou pis, dirigent. Comment a-t-on pu en arriver là ? Que dire de ce pays où un dirigeant demande que l’on fasse plus d’enfants, alors qu’il n’en a pas et qu’il n’en aura probablement jamais ? Ces remarques rappellent un tout petit peu les conceptions vichystes de la femme … Les femmes ont des droits et n’ont pas à recevoir d’injonctions pour savoir comment disposer de leurs corps. Elles représentent la moitié de l’Humanité et méritent tout autant que l’autre moitié : respect et liberté. C’est pour cette raison que nous rendons hommage à quelques-unes d’entre elles pour célébrer la journée mondiale des droits des femmes (8 mars). D’ailleurs, nous n’attendons pas cette unique journée, où l’on officialise leurs droits, pour les célébrer ! Retrouvez ainsi, tout au long de ce numéro, des articles et portraits signalés par le symbole de Vénus avec le poing du combat, loin d’être terminé ! L’affaire Judith Godrèche en est un exemple tout autant que celle, concernant Gérard Depardieu. Ne parlons pas de Ioulia, l’épouse d’Alexeï Navalny, qui démontre bien à quel point la violence machiste d’un dictateur détruit un couple, une famille, un pays. Lorsque les femmes sont conspuées dans une société, on peut dire que la barbarie commence à y régner.

Et si la natalité est en baisse, il serait peut-être intéressant de se demander si les perturbateurs endocriniens, que l’on autorise honteusement, et la crainte d’un effondrement ne sont pas à l’origine de cette régression. Car il faudrait prendre conscience que continuer à polluer sous des prétextes de rentabilité n’est pas une solution. Peut-être que les femmes l’ont compris depuis longtemps ? Peut-être aussi devrait-on leur laisser leur place pour gérer notre destin. Aragon ne disait-il pas « la Femme est l’avenir de l’Homme » ? 

Tout compte fait, la vie humaine ne pèse pas bien lourd face aux intérêts financiers d’une poignée. Ces derniers utilisent les services publics que les pauvres et la classe moyenne paient alors qu’ils ne participent pas à l’effort national en évitant l’impôt par un système honteusement légal : l’évasion fiscale, l’optimisation. La nouvelle lubie : le « reste à charge » vient remplacer le « quoi qu’il en coûte ». Et c’est toujours l‘usager qui paie alors que le fabricant s’évade… Une conception bien injuste de la « sécurité sociale » dans son sens originel. C’est le Printemps ! Ce cri peut aussi être celui que nombre de peuples ont adopté ont repris pour dire leur mal d’être : printemps 68, printemps arabe, printemps de Prague… Si les fleurs bourgeonnent trop tôt, le Printemps reste une date où les esprits aussi s’ouvrent. Ceux qui concentrent tous les moyens devraient s’en souvenir : ils sont peu et ont les moyens, nous n’avons que le nombre mais ils ont encore besoin de nous. Alors sans violence, sans contestation, cessons simplement de jouer à leur « je(u) » car QUAND IL N’Y A PLUS DE RÈGLE, IL NE FAUT PLUS JOUER ! Restons chez nous, ne faisons plus rien, aimons-nous les uns les autres et n’alimentons plus cette machine financière qui nous tue à petit feu. Le confinement nous l’a démontré (moins 10 points à la Bourse en quelques jours). « Soyons désinvoltes, n’ayons l’air de rien » comme disait un certain poète, ne consommons plus, ne travaillons plus et le flux tendu se coupera. Ce ne sont pas les pauvres qui subiront, mais bien ceux qui profitent…