21 Juil Les « JE » olympiques
En voyant le comportement navrant de notre classe politique, je repensais au livre de Stéphane Benhamou, La rentrée n’aura pas lieu (1). 20 millions d’aoûtiens décident de ne pas rentrer après leurs vacances. Pas de leader, pas de mot d’ordre, juste le rejet de leurs obligations, juste le refus, juste un hédonisme inimaginable. Voilà ce que nous devrions tous faire, arrêter tout selon l’adage : QUAND IL N’Y A PLUS DE REGLES, IL NE FAUT PLUS JOUER.
Nos sociétés sont en train de régresser. D’ailleurs, c’est une première dans l’histoire humaine : le QI moyen sur la planète est en baisse. La dernière campagne électorale et l’actualité politique le démontrent très bien…
La baseline de notre journal La Strada n’a jamais été autant d’actualité : nous vivons réellement au Pays des Paradoxes. Tout tourne autour des Jeux Olympiques : on se baigne dans la Seine pour plus d’un milliard et demi d’euros, pendant que plus de 14% de la population baigne dans la fange et vit en dessous du seuil de pauvreté. On nous annonce « l’effondrement », en fait l’apocalypse. La guerre gronde partout et l’on devrait y assister, béats ? Les egos au sommet se déchirent de sorte que personne ne se soucie de la gestion de cette crise. En somme, nous assistons aux « JE » Olympiques. Qui aura la médaille ? la place à Matignon ? le perchoir à l’Assemblée ?… Est-ce bien notre souci ?
Il y a ceux qui trouvent des coupables à pas cher. Pour eux, le fautif c’est l’autre, l’étranger. C’est plus facile et ça évite la remise en question. Et puis il y a ceux qui réalisent qu’une guerre les enverra, eux ou leur progéniture, à la mort et que les changements climatiques risquent de vraiment anéantir une grande part de l’Humanité. Et puis, un petit nombre, les fameux 1%, les dominants, qui gèrent ces deux groupes au gré de leur cupidité et de leur folie… Comme le dit Hamlet, il y a quelque chose de pourri… sur notre planète qui est rongée par la haine, la violence, la bêtise et l’égoïsme. Alors on peut, comme Martin Luther King, « avoir un rêve » : c’est que nous comprenions tous que ce système mortifère est en train de se tuer lui-même, et que c’est notre soumission qui lui permet de perdurer. Bien entendu il n’y aura pas de grand soir où la compréhension inondera l’Humanité. Car tous les jours, et à grands moyens, l’abrutissement des masses est organisé. J’en viens à penser que tous ceux qui transmettent des connaissances et des informations (dont notre journal) ont vraiment failli pour que nombre de pays, et surtout de super puissances, soient gérées par des dictateurs aussi bêtes que violents, avec l’assentiment des peuples. Il semble que le temps ne soit plus aux beaux discours, que l’on appelle « com » quand on est « branché ». En fait, plus personne n’écoute. On se contente d’images : image de marque, punch line, simples postures… Programmes et idées ne comptent plus. Il n’y a que la notoriété et le choc qui fonctionnent dans une amnésie et une inculture collective inquiétante.
Il n’y a plus qu’à « refaire le travail », se remettre à enseigner l’Histoire et les Idées, à informer correctement et non pas se contenter de faire des talk shows moins chers mais totalement en dehors de la réalité des faits, à rappeler ce qu’est l’art, la poésie… Comme l’écrivait Roland Gory dans Le manifeste des oeuvriers (2), il faut FAIRE, ne plus attendre un état défaillant, retrouver la joie de faire, s’investir de manière citoyenne pour que le contact interpersonnel reprenne. Ce lien social n’est autre que la Culture, qu’un roitelet qualifia jadis de « non essentielle », alors que la République repose sur une culture : la citoyenneté. Occupons-nous de nous, nous-mêmes, engageons-nous librement, gratuitement, pour redonner du sens à cette société. Car si l’on parle souvent de déshumanisation, on oublie que nous sommes parvenus à un stade beaucoup plus inquiétant : celui qui voit le lien entre les gens, les concepts, les lois, disparaître. Nous vivons une crise de la perte de sens. Même le capitalisme ne sait plus gagner, il se tire des balles dans le pied tous les jours. Ce lien social est notre trésor, ne comptons pas sur les autres… On nous parle de gérer les « affaires courantes », mais en haut lieu on gère plutôt les « grosses affaires », alors que les nôtres, celles de notre quotidien, sont à l’abandon.
Aussi chacun dans notre domaine, transmettons nos connaissances. Et dans le milieu médiatique, chez les intellectuels, les artistes, les enseignants, peut-être que faire sans l’État, entre citoyens, relèvera le niveau. Car ce n’est qu’ensemble que nous changerons les choses. Mais pour cela il faut que cesse le règne des influenceurs et des vendeurs de fake news. Il n’y a que l’éducation, l’information, la création et la recherche qui permettront à tout un chacun de prendre solidarité. Nous pourrons éviter le pire. Réveillons-nous est le titre d’un ouvrage d’Edgar Morin (3). La connaissance est notre seule ressource pour remonter la pente et retrouver le sens, le sens commun, le vouloir vivre commun cher à Ernest Renan. Nous avons le nombre. Il n’est plus temps de simplement s’indigner ou contester, mais de FAIRE. Les gens ont besoin de concret, pas de discours.
Alors bonnes vacances, la rentrée aura lieu mais peut-être qu’un jour enfin, nous n’irons plus grossir les rangs des moutons… Nous ne jouerons plus au jeu des 1%, car il n’y a pas de règle. Nous en jouerons un autre. Celui de la paix, du bonheur et de la solidarité. Ré-apprenons-nous les uns les autres à fabriquer des normes autres que celles du gain, et souvenons-nous qu’il n’y a qu’ensemble que nous pourrons continuer.
(1) La rentrée n’aura pas lieu, Stéphane Benhamou (Don Quichotte)
(2) Le Manifeste des oeuvriers, Roland Gory, Bernard Lubt et Charles Silvestre (Acte Sud, Sciences humaines, Hors Collection – coédition Les Liens qui Libèrent)
(3) Réveillons-nous, Edgar Morin (Denoël)