La Danse en festin

La Danse en festin

Le danseur, chorégraphe et directeur des Ballets de Monte-Carlo invite le lecteur à la table du festin qu’est pour lui la danse, dans une biographie rythmée par de nombreux témoignages d’artistes du monde entier et plus de 300 photos : Jean-Christophe Maillot, la danse en festin.

À la tête des Ballets de Monte-Carlo depuis plus de 30 ans, Jean-Christophe Maillot a conçu cet ouvrage thématique telle une polyphonie, où les arts ne cessent de dialoguer, où se croisent peintres et danseurs, chorégraphes invités et écrivains, plasticiens et musiciens, autour de la danse et de la création. Un ouvrage illustré de quelque 300 photographies (spectacles, répétitions, portraits), introduit par Jean-Marie Laclavetine, ami de longue date, également auteur des ouvertures de chapitres. 

Chorégraphe atypique, aussi perfectionniste que facétieux, nanti d’un ego énorme, et s’exprimant sans filtre, ce colosse de la création, qui a eu la charge de poursuivre l’expérience des Ballets Russes, livre pourtant une biographie tout en humilité puisque ce sont des témoignages qui le jalonnent. On le constate quand il évoque son peintre de père, qui lui avait conseillé de ne jamais courir après la création, de ne pas faire la création de trop. C’est bien à cause ou grâce à ce conseil que toute sa vie artistique aura été une invitation au partage : « Mon ego n’a jamais souffert de voir des artistes prendre ma place dans le studio. Qui serait malheureux de convier des amis à un banquet ? » On comprend alors le titre de l’ouvrage : La Danse en festin… Pour lui, on peut partager deux choses dans la danse : le public et la compagnie. C’est pour cette raison qu’il convie régulièrement d’autres chorégraphes, pour créer une diversité indispensable à la « nourriture » des danseurs. Aussi, quand un accident dramatique lui a interdit la danse, c’est cette vision du partage qui l’a certainement sauvé. Chez lui pas d’aigreur, pas de faux-semblants : juste la franchise, l’audace, la liberté, l’humanité et la créativité. 

Il y a tant à dire sur ce personnage qui convient si bien à notre baseline, L’essentiel de la culture au Pays des Paradoxes, tant il est atypique, tant il continue de rêver à un cocktail impossible entre danse classique et contemporaine. Si certains esprits chagrins condamnent ce rêve au nom du bon goût, c’est parce qu’ils sont frustrés et n’osent pas se risquer à sortir d’un rigorisme hypocrite, d’un repli qui malheureusement préside à tant de décisions en cette période obscure. Maillot est tout l’inverse de ces pisse-froid. Il est lumière, audace et générosité. C’est ce qui lui a certainement permis de reprendre le flambeau de Serge Diaghilev avec ce même aplomb, cette même indépendance, n’en déplaise aux critiques mal embouchés. Les Ballets de Monte-Carlo, à travers le monde, ont porté haut les couleurs de la liberté, de l’audace et de l’humain grâce à l’éthique intangible de Jean-Christophe Maillot. Et c’est tant mieux.

Ce livre est donc une invitation à se glisser au plus près de la troupe monégasque, dans l’univers narratif du chorégraphe, comme dans ses créations les plus abstraites, et ses actions de transmission et d’ouverture.

Jean-Christophe Maillot, la danse en festin (Gallimard)