Paroles citoyennes avec le Théâtre de Grasse

Paroles citoyennes avec le Théâtre de Grasse

Le Théâtre de Grasse, dirigé par Jean Florès, est, comme tous ses alter-ego, actuellement interdit au public. Tel un acte militant, destiné à montrer que le théâtre reste vivant malgré tout, il a décidé de participer au 4e festival Paroles citoyennes. L’événement parisien diffusera l’intégralité de son programme en ligne, soit 6 spectacles à voir en direct depuis le Théâtre Antoine ou le Théâtre Libre à Paris. Lancement ce mardi 6 avril à 19h, avec Mémoires vives, une lecture théâtralisée de l’autobiographie d’Edward Snowden, dont les révélations en 2013 ont (re)lancé le débat mondial sur la surveillance.

Créé en 2017, Paroles citoyennes a pour objet de construire des ponts entre la création artistique et les grands enjeux qui traversent notre société, autour de formes de théâtre toujours plus innovantes. Spectacles et rencontres alimenteront cette 4e édition qui convie, du 6 au 28 avril, des auteur(e)s, des metteur(e)s en scène, des acteurs et des actrices de tous horizons autour de grands récits contemporains.

À la recherche de nos héros

Le producteur Jean-Marc Dumontet et son équipe l’indiquent dans un édito : cette édition fera la part belle aux parcours singuliers de femmes et d’hommes, à ces « héros » de l’Histoire et/ou du quotidien qui ont osé défier l’ordre établi, bousculer les conventions, et parfois sacrifié leurs vies pour des idées ou pour une vision de ce qu’ils estiment une société plus juste. « Cette 4e édition part la recherche de nos héros contemporains. Nous avons désespérément besoin de héros. S’agit-il de ces destins exceptionnels qui, comme Simone Veil ou Edward Snowden, semblent nous indiquer fièrement l’horizon, au-delà de tous les sacrifices ? Ou au contraire de ces anonymes qui fabriquent l’Histoire, avec parfois rien d’autre que leur parole ? Des « masses laborieuses » qui, 150 ans après la Commune de Paris, effraient encore les possédants ? Sur qui compter pour se tenir droit face à l’adversité ? Les modèles nous révèlent à nous-mêmes. Ils nous disent qui nous sommes et où nous allons. Les modèles nous trompent, parfois. Ils nous perdent. Ou plutôt l’on accepte de se perdre en eux. Et ce n’est qu’après avoir quitté leur emprise, après avoir brisé les icônes, que l’on retrouve le goût de la liberté. Après, après seulement, on peut se retourner. On peut se dire : « Je ne serais pas arrivée là, si… » On peut tenter « d’empêcher que le monde ne se défasse« , en suivant la voie tracée par Albert Camus. Et prendre conscience qu’on est appelé, nous aussi, à devenir des modèles pour ceux qui viendront après nous. Qu’on le veuille au non, nous sommes « embarqués » dans notre temps.« 

6 spectacles en direct… et offerts !

Pour accéder à votre « place » il suffit de réserver directement sur le site web du Théâtre de Grasse, comme pour un spectacle « classique ». A ceci près que les représentations sont offertes (et en nombre limitées) ! Un lien privé vous sera adressé par mail le jour même de la représentation. « En donnant à voir et à entendre l’émotion de la scène, nous vous proposons un moment exclusif de partage et de dialogue, sans aucune contrainte« , indique l’établissement azuréen. Chaque soirée sera suivie d’une rencontre où vous pourrez intervenir en posant vos questions.

Parmi les huit spectacles à l’affiche cette année, le Théâtre de Grasse en a sélectionné six. On regrettera tout de même l’absence du spectacle de Laurent Seksik, avec Lambert Wilson et Andréa Bescond, Emportés par la commune, en cette année 2021 où nous célébrons les 150 ans de la Commune (lire les articles : Louise Michel, viro major, Les artistes et les art durant la Commune et Les « pétroleuses »). Voici ce qui vous attend !

Mémoires vives / Mardi 6 avril 19h00
Lecture théâtralisée / d’après Mémoires Vives d’Edward Snowden, mis en scène Vladimir Steyaert, avec Pierre Deladonchamps
Que se passe-t-il dans la tête d’un lanceur d’alerte ? Lorsqu’il prend conscience de la finalité de son travail, Edward Snowden prend une décision qui va changer sa vie. Il va pirater les systèmes de sécurité les plus perfectionnés au monde, quitter son travail, sa famille et ses amis pour révéler au monde entier un incroyable secret. Une lecture exceptionnelle des mémoires d’Edward Snowden.

Désaxé / Lundi 12 avril 19h00
Théâtre / Texte Hakim Djaziri, mise en scène Quentin Defalt, avec Florian Chauvet, Hakim Djaziri et Leïla Guérémy
Depuis la prison de Fleury-Mérogis, un homme est envahi par une pensée: il a quatre ans, c’est son anniversaire. Le doux parfum de son Algérie natale lui revient. Mais très vite, le souvenir de son enfance heureuse laisse place à d’autres, plus sombres. De déceptions en désillusions, en manque de repères, il sombre dans la violence. Pourtant élevé dans l’amour des autres, il se referme sur lui-même et, sous les yeux impuissants de ses parents, se noie dans un islam radical… Il sait qu’il n’y a aucune fatalité. Il aurait pu choisir un autre itinéraire. À la croisée des chemins, il a préféré céder à la haine. Succès du festival Off d’Avignon en 2019, ce spectacle éclaire la réalité de la radicalisation.

Les Femmes de Barbe bleue / Mercredi 14 avril 19h00
Théâtre / Écriture collective dirigée par Lisa Guez, mise en forme Valentine Krasnochok, mise en scène Lisa Guez, avec Valentine Bellone, Valentine Krasnochok, Anne Knosp, Nelly Latour, Jordane Soudre
Qu’y a-t-il derrière ces portes que nous n’osons pas ouvrir ? Quels étranges désirs, dénis ou conditionnements poussent certaines dans les bras d’un prédateur ? Sur scène, pleines de désir et de vie, les fantômes des femmes de Barbe Bleue nous racontent comment elles ont été séduites, comment elles ont été piégées, comment elles n’ont pas su s’enfuir… Ensemble, avec humour et détermination, elles s’entraident et se soutiennent pour trouver des espaces de résistances, vaincre la peur de leur Barbe Bleue. Lauréat du festival Impatiences 2019 et programmé au festival In d’Avignon 2020, ce spectacle est devenu incontournable.

Discours de Suède / Samedi 17 avril 19h00
Lecture / Textes d’Albert Camus, Prix Nobel de littérature, par Jacques Weber
En décembre 1957, Albert Camus reçoit le prix Nobel de littérature pour « l’ensemble d’une œuvre qui met en lumière les problèmes se posant de nos jours à la conscience des hommes. » Il prononce à cette occasion deux discours dont la portée intellectuelle et politique sera colossale. Jacques Weber redonne vie à ces mots inoubliables, des mots qui résonnent étrangement avec ce que nous traversons. Entendre ces Discours de Suède, aujourd’hui, c’est poser à nouveau la question du rôle de l’artiste dans la société et affirmer l’absolue nécessité de l’art. C’est tenter, comme le fit Camus en son temps, « d’empêcher que le monde se défasse.« 

Cet été – La Rencontre / Mercredi 21 avril 19h00
Théâtre / Texte Sabrina Baldassara, Pauline Bureau, Sonia Floire. mise en scène Pauline Bureau, avec Sabrina Baldassara et Sonia Floire
Cet été et La rencontre sont deux portraits de femmes conçus à partir d’interviews réalisées avec des habitantes de la ville de Sevran sur une proposition du Théâtre de la Poudrerie. L’itinéraire d’une jeune femme qui doit abandonner son métier et faire face à l’alcoolisme et à la maltraitance de son mari. La parole militante d’une directrice de crèche qui confie ses doutes et se questionnements son travail. Deux personnes qui se rencontrent, deux chemins qui se croisent. Deux histoires de femmes résilientes qui se répondent et deviennent universelles. Repérée par le spectacle Mon Coeur, qu’elle a écrit et mis en scène, Pauline Bureau est devenue l’une des metteuses en scène les plus prometteuses de sa génération. Avec Cet été et La rencontre, elle renoue avec un théâtre documentaire puissant et solaire.

Je ne serais pas arrivée là, si… / Vendredi 23 avril 19h00
Théâtre / d’après Je ne serais pas arrivée là, si… d’Annick Cojean, conception et mise en lecture Judith Henry, avec Julie Gayet et Judith Henry
« Je ne serais pas arrivée là, si… » Quelques mots anodins qui posent une question vertigineuse. Quel hasard, rencontre, accident, peut-être aussi quelle révolte, ont aiguillé ma vie? Annick Cojean a posé cette question à une trentaine de femmes inspirantes comme Amélie Nothomb, Christiane Taubira, Asli Erdogan ou Delphine Horvilleur. Sous la direction de Judith Henry, deux comédiennes se saisissent de la parole de ces femmes, celle qui interroge et celle qui répond, et donnent vie, sous la forme d’une conversation, à des mots universels. Succès de la 3e édition du festival Paroles Citoyennes, Je ne serais pas arrivée là, si… est proposé aujourd’hui dans un nouveau dispositif.