08 Oct Isabelle Bondiau-Moinet, présidente libre
Depuis 11 ans, le festival Scènes d’Automne (ex-Fête des théâtres et Festival de créations), coordonné par la Ville de Nice, célèbre l’art vivant sur tout le territoire. Cette année, les théâtres privés et publics de Nice et de la Métropole seront mis à l’honneur du 1er au 18 octobre. L’occasion de (re)découvrir des lieux de culture et de partager ensemble de nouvelles expériences théâtrales. Nous avons rencontré la présidente du jury de cette édition 2025, Isabelle Bondiau-Moinet. Portrait.
Directrice artistique de la compagnie professionnelle Alcantara, comédienne, metteuse en scène et formatrice, Isabelle Bondiau-Moinet est née à Rouen. Pourtant, c’est au collège de Saint-Martin-du-Var, non loin de Nice, qu’elle a commencé le théâtre, grâce à une professeure de français « exceptionnelle« . Elle poursuit ensuite sa formation à Rennes, où elle intègre rapidement le Conservatoire d’Art Dramatique. Après le baccalauréat, elle part à Paris pour parfaire sa formation professionnelle. Elle y rencontre Catherine Hérold, comédienne remarquable, issue de l’École de Strasbourg et de la même promotion que Daniel Mesguich. Cette année-là est pour Isabelle une période d’apprentissage intense.
« La transmission reste une priorité »
Elle entre alors directement en troisième année à l’École de Périmony. Puis la vie la ramène dans le Sud, à Nice, il y a 25 ans. Elle rencontre alors Sophie Sergio, qui avait monté la compagnie Alcantara, lors de journées initiées par Daniel Benoin au Théâtre national de Nice. Isabelle y intègre la compagnie comme comédienne, metteuse en scène, formatrice et professeure. Aujourd’hui, elle intervient dans de nombreux ateliers « de 7 à 77 ans« , et même au-delà, animant des ateliers pour des seniors de 80 ans et plus, « qui sont formidables« . Elle participe également au programme Nice 100 % Culture à l’École, initié par la Ville de Nice, permettant aux élèves des classes maternelles et élémentaires de bénéficier d’une pratique artistique et culturelle sur le temps scolaire. Elle intervient aussi dans les lycées, comme au Parc Impérial, pour accompagner les élèves suivant une option en art oratoire.
Isabelle constate que les comédiens deviennent de plus en plus des animateurs culturels, mais pour elle, « la transmission reste une priorité » : elle donne des cours depuis 35 ans. Elle souhaite continuer à jouer et à mettre en scène, convaincue qu’un formateur qui ne pratique plus son art ne peut pas donner le meilleur de lui-même.
Une femme libre
Ce portrait serait incomplet sans évoquer le plus important pour Isabelle : elle est maman de trois filles. Son métier exige des choix difficiles, et la culpabilité peut être forte lorsqu’il s’agit de concilier horaires de travail, tournages ou répétitions avec la vie familiale. Mais les obstacles ne s’arrêtent pas là : ce métier, lié à la séduction, peut devenir malsain, comme le montrent certaines affaires médiatisées. Isabelle reconnaît avec cynisme que de nombreuses « opportunités » s’offrent aux femmes jeunes, mais que leur source diminue avec l’âge.
Son intégrité lui a permis de préserver sa liberté. Disposer d’une structure comme la Cie Alcantara lui permet de monter ses propres projets, un luxe qu’elle reconnaît avoir payé cher en refusant beaucoup de « pistes », générant une certaine insécurité professionnelle.
Néanmoins, elle a su durer et maintenir la liberté de ses choix. À l’origine, la compagnie était constituée uniquement de femmes pour aborder des pièces sous un angle plus féminin. Isabelle tient à cette sororité et s’inquiète de la régression actuelle des droits et de la condition des femmes : « Je vois des comportements, des choses qui se passent, qui s’écrivent, qui se diffusent et qui feraient hurler ma grand-mère.«
Mme La Présidente !
Isabelle Bondiau-Moinet présidera donc, cette année, le jury du festival créé par Jean-Luc Gagliolo, formidable médiateur entre créateurs et institutions. Patrick Motard et Jennifer Moreau lui ont depuis succédé et continuent d’insuffler une dynamique dans le tissu socioculturel de la Métropole. Composé de professionnels du spectacle vivant, d’étudiants et de personnalités du champ social, le jury a pour mission de distinguer trois spectacles, parmi les 12 en compétition (voir encadré).
Notez que les lauréats seront ensuite présentés à de « nouveaux publics« , lors de la saison prochaine au Théâtre Francis-Gag. En 2024, Splendeurs et misères, adapté et mis en scène par Paul Platel (Le Théâtre des Évadés), d’après l’œuvre d’Honoré de Balzac, a reçu le Grand Prix du Jury. Il sera à l’affiche du Théâtre Francis Gag, les 20 et 21 novembre. Le Prix Spécial avait quant à lui été attribué à Clôture de l’amour de Pascal Rambert, sur une mise en scène de Fabienne Colson et Frédéric de Goldfiem (Cie Théâtre Action), et le Prix de la Création à Merlin le désenchanteur, œuvre collective de Guillaume Ellena, Pierre Petitfrère et Frédéric Rey (Théâtre de la Semeuse). Ces deux spectacles seront respectivement programmés les 7 février et 18 mars 2026.
Pour cette édition 2025, sous la présidence d’Isabelle Blondiau-Moinet et le marrainage d’Eva Rami (voir encadré), théâtre contemporain et classique, danse, mais aussi lectures, projections, sorties de résidence et restitutions des travaux des élèves du Conservatoire attendent le public, du 1er au 18 octobre, dans les nombreux théâtres que compte la ville de Nice, mais aussi à Saint-Laurent-du-Var, au Broc et à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Programme détaillé sur theatres.nice.fr.
SÉLECTION 2025
Vivante(s) – Cie À la croisée des chemins > 3 oct, Théâtre Georges-Brassens, Saint-Laurent-du-Var
Le Cabaret des Oiseaux – Cie Le Vaisseau > 4 oct, Espace Magnan
Novecento : Pianiste – Cie Bleu Memon > 3 au 5 oct, Théâtre de la Semeuse
Derrière la porte – Cie du Quadrant magique > 10 au 12 oct, Centre Culturel de La Providence
Une Fille sans personne – Cie La Reine de coupe > 11 oct, Les Arts d’Azur, Le Broc
Rue de la petite vertu – Cie Alphabet & Cie Galet des anges > 4 au 18 oct, Théâtre de l’Alphabet
Molière et ses molières – Cie Théâtre Action > 9 au 12 oct, Théâtre de l’Eau Vive
Faraëkoto – Cie 6e Dimension > 14 oct, Théâtre Lino Ventura (représentation scolaire)
L’Indomptable – Cie Actopie > 16 oct, Théâtre Francis-Gag
Panique en AirbiNbi – Cie Les 13 Rêves > 17 oct, Théâtre de la Tour
Pays Bonheur – Cie Ah le Zèbre ! > 16 au 19 oct, Théâtre de la Libé
Reconstitution – Cie Les Saltimbardes > 18 oct, salle Charlie Chaplin, Saint-Jean-Cap-Ferrat
EVA RAMI : « PLUS QU’UNE FÊTE, UN ACTE DE RÉSISTANCE«
Eva Rami, auteure et comédienne niçoise, Molière du meilleur seule-en-scène en 2024, revient dans la ville qui l’a vue faire ses premiers pas sur scène, dans le rôle de marraine du festival.
Cette année, le festival Scènes d’Automne, vitrine de la création théâtrale niçoise, s’offre une marraine à son image : vibrante et attachée à la ville où elle a grandi. Formée au Conservatoire de Nice, puis à l’École Supérieure d’Art Dramatique de Paris et au prestigieux Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, Eva Rami a depuis construit une carrière jalonnée de collaborations avec de grand.es metteur.es en scène et compagnies, de Margaux Eskenazi à Irina Brook. Elle a aussi marqué Avignon dans Ma jeunesse exaltée d’Olivier Py, et a décroché des rôles au cinéma comme à la télévision. Mais c’est avec son triptyque autobiographique – Vole !, T’es toi ! et surtout, Va aimer ! meilleur seule-en-scène aux Molières 2024 – qu’elle s’impose comme une voix singulière du théâtre contemporain, entre humour et profondeur.
Dans son édito, la comédienne confie son émotion : « C’est un grand honneur d’être la marraine du Festival Scènes d’Automne. […] Le théâtre m’a transformée. […] Cet événement est bien plus qu’une fête, c’est un acte de résistance. » Pour elle, le rire, loin d’être anodin, devient « ce qui nous reste d’élégance pour regarder le monde sans être assommés par sa brutalité« , reprenant ainsi les mots du comédien Reda Kateb.
Après avoir ouvert la saison du Théâtre Francis-Gag en septembre, avec deux représentations de Va aimer ! la comédienne a concocté pour Scènes d’Automne une série de rendez-vous qui portent sa signature : projections et lectures suivies de débats, coups de cœur artistiques, rencontres autour de la création. Autant d’occasions pour le public de partager avec elle une vision du théâtre comme art de soin, de résistance et de joie.
1er au 18 oct, lieux divers, Nice, Le Broc et Saint-Jean-Cap-Ferrat. Rens: theatres.nice.fr
photo: Isabelle Bondiau-Moinet © Gaëlle Simon