
13 Mai Confinement positif : danser, créer plus que jamais
Alors que nous retrouvons une certaine liberté, pour Lisie Philip et Marie-Pierre Genovese, danseuses et chorégraphes à la tête de la Cie Antipodes pour la première et de la Cie Instinct pour la seconde, la réponse à l’annonce du confinement a été de continuer à créer et à danser, plus que jamais. Les deux femmes aux personnalités bien trempées ont toutes deux leur propre vision de la danse dont les différences les rassemblent et les complètent.
Le déclic est venu alors même que le politique établissait une distinction entre les métiers nécessaires et les autres. Dans cette période de nécessité, Lisie Philip s’est mise à s’interroger sur la nécessité de son métier. Depuis plusieurs années, les danseurs étaient devenus les pinceaux qui lui permettaient de dessiner sa danse, elle-même se mettant en retrait de la monstration. Face à une situation inédite pour chacun s’est posée une nouvelle nécessité : « celle d’être là pour moi, en moi ».
Lisie Philip et la nécessité de danser
Si la première vidéo est partie d’une joke, le concept est rapidement devenu une véritable matière à exploiter sous de multiples angles. C’est ainsi que Lisie s’est mise à explorer son appartement, « une manière de redécouvrir mon espace de vie avec mon corps ». Son inspiration pouvait naître d’une émotion, d’une musique, d’une situation. Face aux nombreux retours qu’elle a eus, elle a également joué le jeu de la contrainte créative en répondant aux défis qu’on lui proposait : une manière pour elle de rejoindre ceux qui chaque jour attendaient ce rendez-vous, un peu comme « une autre façon d’être ensemble ».
Ses vidéos, qui sont entourées d’un bel esthétisme, ont été faites sur le principe d’une improvisation one shot, filmées à partir de son téléphone. Lisie s’est ensuite livrée à des expériences de montages et de choix de filtres. « En cette période, il faut faire preuve d’audace. Il faut continuer à rester en mouvement, autrement ».
Tout ce vécu et toute cette matière vont devenir un solo qu’elle peaufine au studio Antipodes depuis le 11 mai. Elle y explore un double langage qui lui permettra de présenter cette nouvelle création en intérieur, mais aussi dans les espaces publics. Dans quelque temps, elle retrouvera Marie-Pierre Genovese pour un duo au travers duquel les deux femmes vont pouvoir faire émerger leur expérience réciproque de ces dernières semaines.
Les rendez-vous au balcon de Marie-Pierre Genovese
Alors que les projets se multipliaient de toutes parts pour la danseuse, le coup de frein a été brutal. Confinée dans son appartement, elle s’est alors mise à explorer la situation à la recherche d’angles nouveaux. Comme beaucoup, elle a redécouvert son environnement, elle a fait la connaissance de son voisinage, de balcon à balcon. Ainsi est née La danse au balcon. Ce lieu à la surface limitée permettait de transcrire les sensations liées à la perte de liberté, tandis que son ouverture vers l’extérieur apportait malgré tout un lien avec les autres.
Rapidement, ce rendez-vous s’est inscrit dans les agendas, devenant un véritable défi pour Marie-Pierre. Chaque jour, le public s’est mis à attendre la danseuse au balcon, mais aussi sur les réseaux sociaux. Au total, 48 rendez-vous au cours desquels elle a souhaité donner du beau, de l’espoir à travers des univers et des écritures différentes. Chaque jour, elle s’est livrée en direct trouvant le courage d’imaginer, de se dépasser, cherchant toujours à surprendre. Ce balcon est devenu pour elle une source d’énergie : « C’est comme danser dans la rue, on ressent toute l’énergie humaine ».
Les retours très positifs sur ses prestations l’ont conforté dans sa démarche, donnant encore plus de sens à sa démarche : « Il est important de passer un message artistique dans les périodes difficiles. De plus, la danse n’impose aucune pensée, chacun en faisant ce qu’il en veut ». Pour chacune de ses créations, Marie-Pierre a effectué un important travail préparatoire dans le choix des musiques et de l’écriture chorégraphique, influencée aussi par les émotions ressenties dans la journée.
Au cours de la dernière semaine, elle a utilisé plus amplement la surface de son balcon manifestant ainsi une nouvelle quête de liberté. Avec ce dernier rendez-vous, une page se tourne. Désormais, Marie-Pierre retourne à la vie avec la certitude qu’après cette épreuve « du beau va émerger pour ceux qui en ont envie. La culture va exploser et se réinventer ».
Porteuse d’espoir, apaisante, parfois rassurante, parfois surprenante, la danse aura été particulièrement présente et utile tout au long de cette période, prouvant qu’elle est loin de s’adresser à une élite, mais qu’elle a la capacité de parler au cœur de chacun dès lors que celui-ci prend le temps de poser son regard sur elle.