The show must go home

The show must go home

Linus Olsson, directeur du Conservatoire de Cagnes-sur-Mer, est un musicien emblématique du jazz azuréen. Il évoque pour nous les conséquences du Covid-19 dans le quotidien des enseignants, des élèves, et plus globalement dans sa vie d’artiste.

En votre qualité de directeur de conservatoire, qu’avez-vous mis en place pour poursuivre votre mission durant cette crise sanitaire ?

Avec la Mairie, comme dans toute la région, on a décidé de fermer le conservatoire le lundi 16 mars, et jusqu’à nouvel ordre. Immédiatement, nous avons mis en place un enseignement à distance, pour tous les cours individuels d’instruments, ainsi que pour ceux de formation musicale. Les cours d’éveil musical ont aussi continué, même si c’est plus complexe avec les tout petits, mais les professeurs ont choisi de garder le contact. Les cours d’ensembles n’ont pas pu continuer en visio, je crois que cela va de soi. Mais il y a quand même eu de très beaux projets qui ont été lancés par certains professeurs, comme enregistrer chacun sa partie à la maison, puis faire un montage vidéo que l’on a pu partager sur YouTube et Facebook. Les professeurs se sont très vite mobilisés puisque leur passion reste quand même la musique et son enseignement. Certains ont privilégié les cours en direct avec différents outils comme What’sApp, FaceTime, Skype ou encore Zoom ; d’autres ont plutôt travaillé avec des enregistrements vidéo ou audio qui ont été envoyés par mail. Tous les professeurs ont pu continuer l’enseignement de cette façon-là.

La vie du conservatoire a donc continué malgré tout…

Oui, malgré tout ! Mais c’est aussi très important pour le conservatoire de faire des concerts et là aussi on a dû tout annuler. Du coup, le travail des élèves a changé, car on a toujours des concerts à préparer et des répertoires à travailler ! On a donc pu faire davantage un travail de fond, c’est-à-dire de technique, de gammes, etc. C’est pas mal puisque ça reste un travail important pour chaque élève qui servira pour la suite.

J’ai l’impression qu’il y a eu pas mal d’effets « positifs », je me trompe ?

C’est une impression et c’est vrai pour le coup ! (rire) Nous avons fait une semaine de réunions, ce que j’appelle une rentrée administrative, avec chaque département (instruments à vent, claviers, instruments à cordes…). On a fait le point avec tous les professeurs et la plupart ont eu des retours positifs. Ils ont dû se montrer créatifs au niveau des méthodes adoptées, parce que l’on ne peut pas travailler de la même façon, mais j’ai remarqué qu’ils ont su voir la situation du côté positif : c’était un challenge de trouver d’autres techniques pour continuer à enseigner. Quant aux élèves, ils ont été contents de pouvoir continuer.

Une manière de travailler différente finalement !

Différente oui, mais intéressante aussi ! Par exemple, si on prend le cas des élèves qui ont dû s’enregistrer dans certaines classes, ils ont également dû s’écouter et se corriger eux-mêmes. Le fait de s’enregistrer est quelque chose d’intéressant, que je préconise dans le cadre de mon enseignement, parce que je m’en sers moi-même dans mon travail personnel. Ce n’est pas quelque chose que l’on fait automatiquement. Les professeurs se sont également rendu compte, en étant en visio avec leurs élèves, que certains travaillaient sur des instruments désaccordés. J’ai alors proposé aux professeurs de voir s’il y a un moyen d’apprendre aux élèves à s’accorder. Il existe des applications, des tutoriels sur Youtube et ils vont travailler là-dessus aussi.

Des éléments positifs donc, mais aussi du négatif, comme le fait de ne pas jouer ensemble par exemple… De quel côté penche la balance ?

Je n’ai pas envie de trancher ; pour moi, rien n’est noir et blanc. Je préfère juste dire que l’on a réussi à continuer et que l’on a pu constater que les élèves, qui sont déjà motivés, qui viennent avec enthousiasme au conservatoire et qui travaillent bien leur instrument, ont répondu présents. Il y a malheureusement aussi des élèves moins motivés que l’on n’a pas trop vus à distance. C’est aussi la conclusion qu’on a eue : les cours à distance, ça va pour dépanner pendant quelque temps, mais ça ne remplace pas les cours en présentiel malgré tout !

En tant que musicien, comment cette situation vous a-t-elle affecté ?

Tous les lieux de concerts, les hôtels, les clubs, les restaurants ont été fermés et les concerts annulés. Habituellement, je joue quand même régulièrement, une à deux fois par semaine ! Pour moi, le plaisir de la musique, c’est le partage en direct : partager avec d’autres musiciens, jouer devant des gens qui écoutent, qui applaudissent ou pas, selon la qualité de la performance on va dire (rire). Partager la musique est pour moi le plus important. J’ai senti un grand manque par rapport à ça. Mais j’ai choisi de travailler autrement. Il y a beaucoup de projets qui se sont mis en place avec les collègues : on a enregistré chacun sa partie pour produire une vidéo qui a pu être partagée. Personnellement, j’ai aussi fait des vidéos où je joue seul, parce que j’ai voulu garder le contact avec les gens qui viennent me voir en concert en général ; ils ont pu me voir sur Facebook, Youtube pendant toute la période et ça continuera tant que les lieux de diffusion seront fermés. Pour moi, comme je dis toujours, the show must go on ! Même si là, c’était plutôt, the show must go home (rire). Mais ça m’a aussi permis de travailler le chant, la basse, le piano… ou encore le montage vidéo et le mixage du son !

De nouvelles façons de partager la musique en fait…

Oui, j’ai joué avec des gens pour la première fois parce qu’on s’est sollicités mutuellement. Du coup, ça crée d’autres contacts, mais j’espère que ça pourra donner lieu à des expériences en live plus tard.

Malgré la très forte volonté de revoir les élèves et de reprendre les cours pour l’amour de la musique, dans des conditions optimales de sécurité avec la mise en place d’un protocole (distanciation de 3-4 mètres entre le professeur et son élève, gel hydroalcoolique, désinfection des salles, roulement avec des pauses entre les cours pour éviter que les élèves ne se croisent), la réouverture du Conservatoire ne devrait pas intervenir avant juin. Ce serait donc pour seulement quelques jours, et pour peu d’élèves, tous n’étant pas encore prêts à sortir, puisque le conservatoire bouclera officiellement son année scolaire le 20 juin.

linusolssonmusic.com
(Photo © Frank Follet)