Émilie Pirdas ou la résistance par l’humour

Émilie Pirdas ou la résistance par l’humour

Un vent de fantaisie dans un monde devenu trop triste. Une averse de poésie dans un quotidien rythmé par une actualité angoissante. Émilie Pirdas a démontré qu’avec de l’imagination, on pouvait transcender un quotidien imposé pour le transformer en une surprenante aventure.

Il ne lui aura fallu que quelques jours pour mettre en place sa routine créative. En une période où tout semblait devoir être contrôlé, où les libertés semblaient se restreindre, elle a su s’imposer de nouvelles contraintes qui en émanant d’elle-même sont devenues libératrices : ainsi sont nés les Masques confinés. Pendant 53 jours, un nouveau rituel a pris naissance et chaque jour les internautes se sont mis à attendre les vidéos d’Émilie. Ses créations répondaient à un réel besoin des gens de s’amuser. Pour exorciser leur absence de liberté ? Pour oublier la peur de la maladie ou du lendemain ? Pour se sentir vivre et ressentir ?

Confinée dans son appartement, elle a déployé des trésors d’imagination pour faire face à son défi quotidien. Aujourd’hui, elle avoue dans un grand rire que c’était un exercice suicidaire. On s’émerveille devant autant de variété. On est d’autant plus stupéfait lorsque l’on découvre qu’une grande partie de cet univers onirique est le fruit d’une confection à partir d’objets de son environnement. Bien sûr, en qualité de comédienne et créatrice de la compagnie de théâtre Un poisson en avril, ses malles ne manquent pas d’accessoires insolites et son esprit d’une originalité à toute épreuve. Selon les jours, les sentiments du moment, ses masques vont alterner la simplicité ou la recherche esthétique. Tout peut être utile à la confection d’un masque : une éponge, une chaussure, un abat-jour, une corde d’escalade, un nez de clown bien sûr ! Émilie manipule l’humour par l’absurde. Commencée seule, l’aventure s’est poursuivie en collaboration avec d’autres artistes. Un phénomène que l’on retrouve assez souvent au cours de ces deux mois hors du temps, comme si l’isolement provoquait plus que jamais le besoin des autres et l’envie d’échanger. Pris au hasard, on citera Violaine Darmon, violoniste à l’Opéra de Nice, Pat Rick, chanteur et guitariste membre de Dead Fly Dance, Élisabeth Massena et Alex Ornon du groupe Kill The Moose, qui lui ont proposé des bandes-son, la poétesse Sabine Venarruzzo qui lui a prêté sa douce voix, ou encore le dessinateur, illustrateur, graphiste Benony Fleurot qui a mis au service d’Émilie son savoir-faire pour lui confectionner des masques improbables.

Et maintenant ?

Les salles de spectacles n’ont toujours pas ouvert leurs portes et l’avenir des artistes semble toujours suspendu. Alors la bouillonnante Émilie continue de s’amuser à travers la création et porte désormais ses masques à l’extérieur. Elle le fait de façon plus libre, en privilégiant plutôt l’environnement. On y retrouve aussi sa poésie du corps, à travers de petites chorégraphies. Mais l’artiste insiste bien sur le fait qu’elle soit avant tout une comédienne qui aime toucher à d’autres disciplines. C’est ainsi qu’elle s’est intéressée à la danse qui est devenue pour elle « un véritable outil permettant de comprendre les mécanismes du corps ». Elle travaille désormais régulièrement avec Lisie Philip qui a signé la chorégraphie de sa dernière pièce Un nénuphar dans ma baignoire. « Lorsque l’on est comédien, on a l’habitude d’observer le corps, mais la danse va au-delà en apprenant la précision du geste. Elle permet également de se canaliser », précise-t-elle. Sa première envie au premier jour du déconfinement : retrouver la mer et faire partager la poésie du son des vagues.

(photos : © Emilie Pirdas)