Avril et les Bozo

Avril et les Bozo

Armand Avril expose dans son village d’adoption, au Centre d’Art La Falaise à Cotignac, 12 ans après avoir présenté ses oeuvres au Musée des Beaux-Arts de Lyon, sa ville natale, et après une longue carrière artistique dans de nombreuses galeries en France et à l’étranger.

Peut-on être artiste quand dès l’enfance l’on s’initia à la peinture grâce à son père, mais qu’on n’a pas pour autant suivi une formation dans une école d’art ? Âgé de 95 ans, Armand Avril n’a cessé de se nourrir d’une profonde culture artistique et, comme nombre d’autodidactes, il répugne à entrer dans un système et à s’enfermer dans des codes. Être libre est un acte authentique de rébellion. Alors est-il difficile de classer un tel artiste qui s’inspira à ses débuts de Gaston Chaissac et de Louis Pons, de l’art brut, mais aussi des arts premiers quand ses nombreux voyages l’entraînèrent notamment sur les traces des ethnies africaines, en particulier celles des Bozo du Mali dont il devint un fervent collectionneur de masques et autres marionnettes ?

C’est donc ici sa relation avec les arts primitifs du Mali que l’artiste met en scène avec ses propres assemblages et de nombreux objets Bozo issus de sa collection. L’austérité des matériaux, la simplicité de la couleur, la puissance expressive se répondent d’un univers à l’autre et sans s’astreindre à un simple dialogue avec l’art populaire africain. Armand Avril diffuse son souffle dans une totale liberté. Son oeuvre privilégie les montages insolites avec les matériaux de récupération sans jamais vouloir les sublimer : la réalité se suffit à elle-même, aussi faut-il s’affranchir également des conventions artistiques. Des collages, des objets de rebut, des clous ou des matières non-identifiables pour des sortes de bas-reliefs dans un art qui répugne au sacré.

Derrière cette oeuvre brute, on devine une colère authentique, un humour ravageur, la revendication d’une parole ouverte au monde, avec un mépris souverain vis à vis des élites et des croyances. Fils d’un ouvrier passionné d’art et engagé qui mourut en déportation, Armand Avril reste cet artiste indomptable dont les oeuvres parlent du monde, et ici de l’Afrique, dans une grande humanité et dans des formes inédites.

Jusqu’au 25 oct, Centre d’Art La Falaise, Cotignac. Rens: centredartlafalaise.com