Les heures du jour et de la nuit

Les heures du jour et de la nuit

Artiste multidisciplinaire, la Libanaise Mounira Al Solh présente, actuellement au Musée national Pablo Picasso, La Guerre et la Paix, à Vallauris, l’exposition Mon heure préférée est une heure de la nuit : Al Fahmah.

La particularité de l’art est d’être à la fois intemporel et de faire écho avec son temps : c’est le cas dans cette exposition qui donne carte blanche à Mounira Al Sohl. L’artiste beyrouthine, née en 1978, aborde dans son travail des enjeux sociaux et contemporains tels que la crise des réfugiés syriens, à l’origine de plusieurs séries d’oeuvres depuis 2012, ou encore l’explosion dévastatrice récente au Liban, son pays natal. Son oeuvre est multidisciplinaire : vidéo, photographie, installation, dessin, broderie ; Mounira Al Sohl souhaite toucher tous les publics, sensibiliser le plus de personnes possible.

Elle s’appuie notamment sur le chef-d’oeuvre de Picasso La Guerre et la Paix : si le célèbre artiste espagnol dénonçait déjà la violence des hommes en 1952, on constate que la problématique est loin d’être réglée aujourd’hui. Les travaux des deux artistes entrent alors en résonance au sein de la chapelle de Vallauris, proposant au spectateur une expérience artistique moderne et contemporaine. Au coeur de la récente oeuvre de Mounira Al Sohl, Mina El Shourouk ila Al Fahmah – Lackadaisical sunset to sunset, tente brodée des vingt-quatre noms arabes désignant les heures du jour et de la nuit, comme Al Fahmah (heure de la nuit se traduisant par le mot « charbon »), trouve-t-on notamment des broderies qui décrivent le récit de femmes du monde arabe qui aspirent à l’émancipation, à une évolution de la société vers l’égalité totale. Le guerrier pacifiste peint par Picasso est féminisé afin de symboliser la lutte des femmes pour cette équité.

Une autre oeuvre en tissu témoigne des mouvements contestataires actuels au Liban, notamment en politique. Loin de céder à un catastrophisme et pessimisme ambiant, son travail invite à réapprendre notre appartenance originelle à l’ordre naturel : il s’agit de démanteler notre société au système capitaliste et individualiste. L’artiste élargit ses horizons au-delà du Liban, elle expose à Venise, Athènes, Chicago ou encore Hambourg. L’oeuvre de Mounira Al Sohl abolit les frontières, bouleverse les présupposés sociaux, se nourrit de récits collectés, mêlant histoires collectives et histoires personnelles, qui forment autant de manières d’évoquer la résilience face aux conflits contemporains, et nous invite à voir le monde avec un autre regard, sincère et aiguisé. Espérons que le message de cette exposition soit reçu par tous afin qu’ ensemble nous évoluions vers un monde meilleur.

Jusqu’au 2 nov, Musée national Pablo Picasso, La Guerre et la Paix, Vallauris. Rens: musee-picasso-vallauris.fr
(photos: 1- Mounira Al Solh, Mina El Shourouk ila Al Fahmah– Lackadaisical sunset to sunset, parasol brodé et haut-parleur, 2019. Vue in situ dans la chapelle, musée national Pablo Picasso, La Guerre et la Paix, Vallauris. Courtesy de l’artiste et de la Sfeir-Semler Gallery (Beyrouth / Hambourg) © Eleonora Strano, 2020 / 2- Mounira Al Solh, Paper Speaker, 2020, Encre, sel, betterave, curcuma, café, graphite, couture sur toile de coton, feutre cousu. Vue in situ dans la chapelle Musée national Pablo Picasso, La Guerre et la Paix, Vallauris. Courtesy de l’artiste et de la Sfeir-Semler Gallery, Beyrouth/Hambourg © Eleonora Strano, 2020)