Ouvrons les portes de l’utopie

Ouvrons les portes de l’utopie

Avons-nous encore le droit de rêver ? Chaque semaine qui passe semble nous enfermer dans une impasse, limiter les frontières non seulement spatiales, mais aussi celles de l’esprit, nous contraignant à une vie faite de gestes basiques pour assurer notre santé et notre survie économique.

Voilà des mois que nos regards se portent sur des visages que l’on devine ou dont on se souvient, que nos cœurs n’ont plus battu au rythme des émotions du théâtre ou du cinéma, que nous n’avons plus chanté en cœur, dansé ensemble pendant un concert. Nous sommes livrés à nous-mêmes avec le poids écrasant d’une responsabilité dans une société qui stigmatise celui qui va à l’encontre de ce qu’il est désormais convenu de faire.

Au milieu de tout cela, avons-nous encore le droit de rêver ? Plus que jamais ce droit est inaliénable, et plus encore il est devenu vital. Engagé depuis 2018 dans un cycle de créations portant sur les Utopies, Eric Oberdorff entraîne les artistes de sa Compagnie Humaine et le public sur les chemins de l’exploration des modèles de construction de nos sociétés. En puisant dans le passé avec la mise en scène de l’opéra Phaeton où il est avant tout question de pouvoir, dans le présent avec Checkpoint qui aborde les points de contrôle et la migration, ou dans le futur au travers de Vers Abraxa, projet pluridisciplinaire au cours duquel des étudiants de l’Université de Nice ont contribué à donner leur vision du futur, notre société semblait prendre inévitablement le chemin de la dystopie, loin de toute utopie. Pour rompre avec cette vision, Eric Oberdorff nous propose de voyager côte à côte avec Les glaneurs de rêves (extrait vidéo de la résidence de création à Scène 55, ci-dessous), car plus que jamais nous avons besoin d’un nouveau souffle.

Humanité attristée, allons voir comment nous pouvons rêver encore. Les glaneurs de rêves font appel à des talents multiples pour nous entraîner dans un monde onirique et apaisant. Sur un plateau exclusivement féminin se croisent le chant lyrique de Landy Andriamboavonjy, la guitare et la voix de Delphine Barbut pour accompagner la danseuse Cécile Robin Prévallée dans sa quête poétique. Depuis plusieurs années, la musique joue un rôle important dans les pièces d’Eric Oberdorff qui intègre les musiciens à la scénographie leur permettant d’être directement vecteurs d’une forme d’émotion. Les mots sont également présents dans cet univers inspiré de l’oeuvre littéraire de Patti Smith, et plus particulièrement du recueil écrit à l’aube de ses 45 ans qui nous plonge dans ses sensations d’enfance, bercées de douceur et d’imagination. Ce monde imaginé sera souligné par les vidéos de Marcel Bataillard qui prolongent l’état d’apesanteur de la pièce : ses images fugaces accentuent la rêverie personnelle dans laquelle chacun s’évade.

Faire de l’utopie une réalité, c’est aussi à cela que s’attèle la Compagnie Humaine. Dans un contexte difficile pour l’ensemble des artistes, l’équipe persévère pour faire éclore Les glaneurs de rêves. Par le biais de la structure Studiotrade qui permet une collaboration entre compagnies de danse européennes, la Compagnie Humaine a pu bénéficier d’un accueil de création au Teatro Viriato à Viseu au Portugal grâce à son partenariat avec la Companhia Paulo Ribeiro. Le travail de recherche s’est poursuivi à Scène 55 à Mougins. C’est en automne prochain qu’Eric Oberdorff espère entraîner le public sur les chemins de son utopie. En attendant, pour l’artiste, « créer est et demeure aujourd’hui plus que jamais un acte de liberté, urgent et nécessaire, symbolique et politique. Il est donc urgent de créer ! » D’ici là, Anthéa doit accueillir sa pièce Mon corps palimpseste du 14 au 16 avril, avec deux représentations à destination des scolaires et deux dates tout public.

(photo: Les glaneurs de rêve © Eric Oberdorff)