23 Mar La terre n’a rien perdu de son éclat, ni la danse de sa poésie
La Cie Le Sixièmétage aura consacré presque deux années à imaginer ses Éclats Terrestres : une période relativement longue pour une création qui s’est trouvée confrontée aux contraintes de la crise sanitaire.
Cette situation aura permis aux deux artistes Jeff Bizieau et Pascal Renault de prendre le temps d’approfondir leurs recherches tout en bénéficiant d’un accompagnement proposé par les théâtres. « C’est une vraie chance de pouvoir avancer dans la création de notre univers directement en plateau », confirme Jeff Bizieau, alors que la compagnie enchaîne les résidences de création. La première d’Éclats Terrestres est d’ores et déjà prévue pour les 25 et 26 novembre 2021 à l’Espace Magnan et sera suivie dans la foulée d’une date au Lavoir Théâtre de Menton.
L’aventure avait commencé en janvier 2020 par la création de deux courtes pièces Niflheimur, le royaume des ombres et Ice dream pour le Festival Fresh Winds, biennale internationale d’art qui se déroule en Islande. Les paysages ainsi que l’aventure humaine et artistique vécue deviennent immédiatement une source d’inspiration pour la création d’une pièce en plateau. Avec l’arrivée du confinement au mois de mars, le rêve d’étendues naturelles des deux artistes se transforme en quête de paysages intérieurs donnant progressivement forme au concept de Body landscapes, nos corps paysages. Les contours se dessinent : Jeff Bizieau se consacre à la chorégraphie et à la musique, tandis que Pascal Renault laisse glisser sa plume pour créer des textes qui seront parfois récités sur scène ou qui viendront parfois en voix off, traduisant les pensées des interprètes. Il assurera aussi la mise en scène. Interprètes de ces voyages, ils seront rejoints par les danseurs Sophie Boursier et Carlo Schiavo.
Au fil des mois, les idées jaillissent ; ils poussent toujours plus loin les expérimentations sur les matières comme la pierre, l’herbe, le charbon, et développent l’idée de personnages en relation avec la matière même des paysages qu’ils représentent. La pièce se compose de plusieurs opus qui s’enchaînent dans une composition fluide à laquelle sont également associés les artistes plasticiennes Catherine Chanteloube et Marie-Caroline Regottaz, le saxophone de Saturo Kita, la voix d’Ophélie Bayol, les lumières de Véronique Hemberger et l’excellent régisseur du son Doryan Denis. On retrouve l’une des caractéristiques du travail de la Cie Le Sixièmétage qui s’attache à développer des pièces transversales convoquant d’autres disciplines. Chaque paysage est symbolisé par un élément porté par le danseur. Si sa signification est forte, elle n’est pas sans conséquences sur l’écriture chorégraphique. La recherche de Jeff Bizieau sur le mouvement découle des sensations des interprètes au regard de la matière qu’ils portent, parfois les contraignant, parfois les libérant. Le chorégraphe reconnaît que sa danse n’a jamais été aussi physique, sensible et engagée. En même temps, l’ensemble s’inscrit dans une esthétique très visuelle qui répond à la poésie bien spécifique de la compagnie, mais aussi à son engagement social.
Plus que jamais, Éclats Terrestres est un projet qui a du sens par rapport aux phénomènes écologiques que nous vivons. Si cette conscience de notre situation par rapport à la planète était déjà présente dans les deux précédentes créations de la Cie Le Sixièmétage (Toute petite déjà… et Balades sur la terre à l’envers), elle s’affirme pleinement avec cette dernière création. « Nous avons envie de revenir à des choses essentielles, mais aussi aux fondements archaïques où le profane côtoie le sacré. Nous voulons repenser le monde avec l’énergie émancipatrice de la poésie. »
(photo Une : Zulu Stratum © Nathalie Sternalski)