Du corps, encore !

Du corps, encore !

Il y a quelques semaines, le directeur artistique de la Cie Trucmuche, Michaël Allibert, était entre les murs de l’Entre-Pont pour poursuivre sa recherche autour du Projet Jouir. C’est dans sa continuité que les Ouverture(s) nous proposent aujourd’hui une nouvelle forme d’art vivant… Bienvenue dans l’atelier des artistes !

 « Trucmuche », parce qu’un truc vaut mieux qu’une tentative de définition ? Ce truc-là, ce qui est sûr, c’est que tout le monde se l’approprie à sa guise ! Plus question de définir une chose par une vérité générale trop souvent abimée par nos individualités : le truc, d’un commun accord, t’en fais ce que tu en veux… Michaël Allibert est expert en « renversement de codes » à la recherche d’une utopie créative, où l’on ne dépendrait plus des institutions, des canons, où le libre arbitre et le « à prendre ou à laisser » sans attentes particulières serait le seul mot d’ordre. Pour ce faire, il expérimente le corps sous toutes ses coutures, à tel point qu’un spectacle devient un livre, un objet, un protocole, un tableau, etc. Il qualifie ses créations de pandisciplinaires, et cette appellation nous facilite grandement la tâche, tant pour nommer que pour comprendre l’envergure de ses travaux ! Loin des narrations et des formes abouties, le chorégraphe s’inscrit davantage dans le conceptuel et l’idéel.

Jouir…

Depuis plusieurs années, le chorégraphe, metteur en scène, danseur, comédiens… bref, l’inqualifiable Michaël Allibert mène une recherche avec le plasticien Jérôme Grivel autour du Projet Jouir. Celle-ci a commencé à Brussels, au sein du laboratoire L’L – Chercher autrement en arts vivants. En s’intéressant à la notion de plaisir et de jouissance, ils en sont venus à questionner « l’obscène » . Indépendamment des formes connotées (et bien qu’il en soit un peu question), ils se sont interrogés sur la jouissance de l’artiste à jouir de sa pratique : comment un artiste jouit-il de son art ? Dans son atelier, son studio, sa salle, son laboratoire… dans une « chambre à soi » . C’est ici qu’intervient la notion d’obscène signifiant littéralement « en dehors de la scène ». N’est-il pas vrai que finalement le cadre de la représentation ne présente qu’un petit pourcentage du travail artistique ? Le concentré d’une recherche, ou encore un extrait d’élaboration ?

Ouverture(s) s’inscrit donc dans la continuité du Projet Jouir qui s’est terminé en avril 2020 et se clôture sur un cahier de recherche (à paraître cette année), parcourant l’intégralité de la création de ces dernières années, en guise de spectacle ! En effet, la recherche fut tellement longue et conséquente, traversant des temporalités multiples, que Michaël et Jérôme ne pouvaient se résoudre à en extraire un spectacle, alors ils ont fait le choix de livrer leur(s) obscène(s). Mais l’aventure continue et c’est Ouverture(s) qui prend la relève avec une forme sacrément ouverte aux propositions.

…et s’ouvrir à l’art

Michaël Allibert et Jérôme Grivel étaient à l’Entre-Pont, en février dernier, avec quelques interprètes, pour expérimenter de nouveaux « protocoles » et les présenter à un cercle fermé des professionnels en cette période de crise sanitaire. Bienvenue dans l’atelier des artistes en train de faire l’art ! En tant que spectateur, on entre dans un milieu en pleine création, en pleine effervescence. Proche d’une exposition, on déambule parmi les corps en recherche, on rejoint une place en gestation par ce que notre regard suscite. Progressivement, on devient davantage chercheur que spectateur par le constat de cette rupture avec la forme traditionnelle et frontale du spectacle en représentation. Des petits espaces ont scindé l’espace principal en différentes expériences régies par une même temporalité et pourtant indépendantes les unes des autres. Tranquillement, on s’immisce dans un nouvel environnement, celui d’un véritable écosystème créatif qui s’auto-régule avec ses propres propositions. Découvrant la face cachée de l’art vivant, nous sommes amenés à questionner notre posture, celle des créateurs, nos rôles respectifs, les conséquences de nos présences, etc., pour finalement admettre qu’il s’agit d’autant de corps, qui contribuent et interagissent dans un même système, une même organisation.

Loin de vouloir finaliser quoi que ce soit, la nature de ce projet est de ne jamais s’arrêter de chercher, nous pourrions alors sous-entendre qu’il a déjà commencé et qu’il n’attend plus que de rencontrer son public… !

(photo Une : Activités d’atelier – Cubes © Michaël Allibert)