09 Mai Les jardins de Zagarand
Auteur du best-seller La librairie de la place aux herbes, Eric de Kermel revient avec ce nouveau roman aux éditions Flammarion.
Fuir le malheur, fuir la douleur de la perte d’un fils, fuir un monde qui nous a mécanisés, enfermés dans des gestes routiniers, assommés d’informations toxiques ? S’inventer un ailleurs, meilleur, où les êtres disparus auront toujours leur main dans la nôtre, marcheront côte à côte avec nous ? Reconstruire un ailleurs pour échapper à une effrayante réalité ? Est-ce ce que cherche Paul ?
Il s’éloigne pour donner un sens à sa vie, comprendre la perte, la transcender. Mathilde, sa sœur, fil qui le relie à Zagarand, ce bout du monde, va le guider… Paul décidera de la retrouver et, après un parcours étrange, parviendra en ces lieux, d’où, dit une légende, on ne revient plus. Serait-ce une civilisation disparue ? Possible Atlantide ?
Si cette contrée existe, elle semble difficilement accessible…
Là-bas, Paul va devoir tout réapprendre. En pénétrant avec lui dans ces jardins, le lecteur est comme en apesanteur, hors du temps ! Hors de notre temps ! Ce beau conte philosophique apporte du rêve, le reflet d’un passage terrestre que de nombreux lecteurs n’imaginent pas, n’oseraient même pas espérer connaître un jour… Une utopie. L’inaccessible étoile. Une telle aventure, un tel amour, une pareille résurrection sont possibles sous la plume d’Eric de Kermel.
Découverte des 300 plantes, les simples — essentielles pour soigner les maux principaux des humains —, répertoriées par Hildegarde von Bingen, célèbre abbesse qui avait signé le pacte des consciences du Royaume de Sicile à la première communauté de Zagarand, restent une référence. Un vrai jardin d’Eden ! Par ailleurs, les références occidentales à la Caverne de Platon, à Descartes, ne tiennent pas devant la philosophie des personnages des Jardins de Zagarand, car chacun est un fil d’une étoffe qui en croise tant d’autres, indispensables pourtant à l’ensemble. Un parmi tous… Belle image de l’humanité !
Eric de Kermel nous entraîne dans son long voyage initiatique, sorte de catharsis, pour tenter de vivre autrement, inventer peut-être ou « rencontrer » un Nouveau Monde… Sauf à partir au bout du monde loin, chez des tribus totalement coupées du nôtre, ce livre enseigne à celui qui prendra le temps — le temps, encore —, un autre art de vivre, en totale rupture d’avec le nôtre : découverte d’un univers protégé où tout être savoure le moment, en conscience, dans chacun de ses faits, gestes, économie de paroles. Un monde d’amour, de partage, de respect de l’autre, de ses règles de vie, d’insouciance retrouvée.
« Tenter d’écrire, c’est s’approcher de la vérité sans vraiment l’atteindre »
Alors qu’il nous racontait Les jardins de Zagarand, Eric de Kermel arpentait tranquillement la vallée de la Clarée… « Quand on s’occupe d’un magazine comme Terre sauvage, il faut être très près de cette nature. Immergé ! Je n’ai pas voulu contextualiser mon histoire, je suis très pudique, mais j’ai voulu lui donner une dimension universelle. Tous les Hommes de la terre qui perdent un enfant peuvent s’y retrouver… J’ai souhaité que chaque lecteur le lise comme une fiction. Je crois profondément que le fait d’aimer et la chance que l’on a eue d’aimer et d’être aimé permettent de garder cette possibilité d’aimer. Il faut réinventer. Et chacun peut trouver un apaisement. Surtout ne pas rester comme si le monde s’était effondré… Continuer à honorer le fait d’être présent. La nature a une capacité de régénérer : un chant d’oiseau, un rayon de lumière, des signes de vie en hommage à ceux qui ne sont plus. Il m’a fallu lâcher prise dans cette vie qui ne demande qu’à vous emporter… On est au printemps. Tout est sublime. »
Eric de Kermel a-t-il une force exceptionnelle ? « Non, je ne suis pas fort. La force aurait été de résister à tout ça ! J’ai un goût de la vie donné par mes parents (Toulonnais). La vie à l’étranger m’a beaucoup apporté. Dans nos sociétés opulentes, on n’a pas le droit de se plaindre. Il ne s’agit pas là de nier la douleur, mais de la transcender. Zagarand est un lieu d’utopie. J’ai envie de dire que chacun peut créer un tel lieu. Je ne sais pas rêver sans que mon rêve ne devienne un projet. La montagne est un lieu de lenteur. J’aime la marche, le pas lent. J’ai beaucoup voyagé dans les pays africains… Palmeraies, oasis, lauriers roses, ruisseaux qui coulent, c’est apaisant, irréel. Enfant de Saint-Exupéry, de Théodore Monod, le désert est un lieu de rencontre avec soi-même… L’esprit peut vagabonder. Descente intérieure, verticale… La société actuelle est une fuite en avant, mais on est rattrapé par cette vie… »
Les lignes de Zagarand, fruits de l’esprit d’Eric de Kermel, journaliste, éditeur de magazines de nature, directeur de Terre Sauvage, auteur du best-seller La librairie de la place aux herbes, permettent de savourer chaque seconde, d’en apprécier toute la substance, et d’en déguster avec gourmandise la moindre parcelle.
Une façon de rendre le temps élastique, le contrôler, l’allonger sans brusquerie. Même la lecture se fait paisiblement. Nul lecteur ne peut la bâcler, appréciation en diagonale, rapide, car les événements se déroulent calmement, imposent leur rythme que nous, citoyens « modernes » avons trop souvent gommé de nos vies ! Et cet ouvrage, dans son éloge de la lenteur, permet de la redécouvrir…
Les jardins de Zagarand
Eric de Kermel
Flammarion