Putain, 40 ans…

Putain, 40 ans…

Il y a 40 ans disparaissait Bob Marley, des suites d’un cancer généralisé. L’un des plus grands artistes reggae de l’histoire, si ce n’est le plus grand, laissait alors au Monde un immense héritage musical, culturel, humain, voire politique… Il y a un peu plus d’un an, alors que le Covid n’était qu’un vague virus sévissant à l’autre bout de la planète, nous publiions un article à l’occasion des 75 ans de la naissance de celui qu’on surnommait le Tuff Gong, que nous vous proposons aujourd’hui de relire, histoire de patienter jusqu’à la soirée exceptionnelle proposée en sa mémoire par France Inter, ce mardi 21 mai dès 21h.

Né un 6 février à Nine Miles en Jamaïque, Robert Nesta Marley (de son vrai nom) est mort le 11 mai 1981 à Miami. Il ne lui aura fallu que 36 ans pour devenir une icône, une légende de la musique ! Une marque pourrait-on même dire, avec les nombreux clichés qu’il a pu véhiculer, et véhicule encore. Mais beaucoup de gens ignorent tout de ses combats, de ses révoltes, de ses engagements… De même qu’ils ne savent rien de ses mauvaises fréquentations et ses nombreux excès… À l’image de ce surnom Tuff Gong, glané dans les rues de Trenchtown, ghetto de Kingston, le reggae n’est pas une musique de hippie, mais une musique de mauvais garçon, avec tous les paradoxes qu’elle charrie dans son sillage. Dans la discographie du bonhomme, les textes insurrectionnels (Revolution, Soul Rebel…) et sociétaux (Concrete Jungle, Rat Race…) côtoient ainsi les chansons d’amour (Waiting in Vain, Three little birds…), les messages de paix (War, One Love…) et d’espoir (Zimbabwe, No Woman No Cry…).

Bob Marley et les Wailers, sa famille, ses frères Peter Tosh et Bunny Wailers, font partie de la bande-son du 20e siècle, au même titre que Michael Jackson ou Elvis Presley. Mais tandis que le premier se rêvait blanc, et que le second se voyait noir, Bob le métis était les deux à la fois. Il n’était pas tiraillé entre ses deux « identités », lui qui a pourtant subi cette dualité tout au long de sa vie, bien au contraire. Elles lui ont même servi à transmettre ses messages au plus grand nombre. Preuve de cette universalité, le jour de ses obsèques, il « parvient » à réunir autour de lui les deux principaux dirigeants jamaïcains de l’époque et les clans mafieux qui étaient à leur botte… Ceux-là mêmes qui faisaient régner la terreur sur l’île à coups de guerres intestines qui rongeaient la Jamaïque depuis son indépendance.

Première superstar issue du Tiers monde, chantre du panafricanisme — dont les couleurs vert, jaune, rouge sont devenues celle du reggae —, converti au rastafarisme à la suite de sa femme Rita, mais qui se rapprochera de Dieu dans ses derniers jours, grand amateur de foot et de ganja (oui, les deux sont tout à fait compatibles !), Bob était un homme de paradoxe, humaniste avant tout, mais pionnier dans le combat écologique. Le 56 Hope Road, maison qu’il a achetée dans les quartiers huppés de Kingston, micro-utopie sociale réalisée au même titre que les squats de Berlin ou la free town de Christiana à Copenhague, expérience humaine avant-gardiste, zone autonome temporaire (pour reprendre les termes d’Hakim Bey), appelez ça comme vous voulez, le 56 Hope Road est l’exemple parfait de ce paradoxe. L’endroit où il résidait, où il créait, où toutes sortes d’individus pouvaient se côtoyer (artistes, sportifs, voyous, simples quidams sans le sou, rastas ou non…), l’endroit où l’on a tenté de l’assassiner…

Un homme que la vie n’a pas épargné, ni la haine, ni la jalousie, ni la rancœur de certains à son égard. Il ne s’est pourtant jamais vengé, ni au travers de ses textes ni ailleurs, préférant poursuivre son œuvre. Je ne présenterai pas ici sa discographie, tant il y a dire, mais de Catch a Fire ou Burnin’ — dont l’un des titres, I shot the sheriff, sera popularisé dans le monde par un autre immense artiste, Eric Clapton, avant même sa version originale ! — enregistrés sous le nom des Wailers, à Uprising, son chant du signe, en passant par Exodus, son chef d’œuvre, ou Natty Dread, son premier album solo, qui lancera définitivement le reggae sur la scène musicale internationale, son héritage est immense !

Rendez-vous à tous les amateurs de reggae, ce mardi 11 mai 2021 dès 21h, sur France Inter pour célébrer ce grand artiste, ce grand homme, et faire du bien à vos oreilles et à votre tête trop souvent malmenées depuis quelques temps…

(photo Une : Bob Marley © Eddie Mallin)