Les Avengers à Monte-Carlo

Les Avengers à Monte-Carlo

Véritable pont d’amour entre la France et la Belgique, au même titre que Johnny Halliday, Bernard Arnault ou la demi-finale de la Coupe du Monde, la bande dessinée peut désormais assumer pleinement son statut d’Art majeur. Et comme tout Art qui se mérite, il a sa place au musée. C’est pourquoi le Nouveau Musée National de Monaco accueille, jusqu’au 5 septembre à la Villa Sauber, Marginalia – Dans le secret des collections de bande dessinée, une exposition dévoilant les œuvres d’une dream-team composée de plus de 90 grands maitres du 9e Art.

L’idée de Marginalia est justement de s’interroger sur les étapes de ce long parcours ayant amené la mutation de la BD, d’une œuvre de divertissement de masse aux planches de Bilal. Et aussi de se demander comment un medium peut conserver un caractère transgressif quand il baigne désormais à ce point dans le mainstream – oui, on pense à vous les Marvel.

Un Art avec un grand B et un grand D

Tantôt outil de propagande ou à contrario étendard de la contre-culture, la BD a été au cours de son histoire victime d’à peu près tous les qualificatifs imaginables. Vous vous demandiez par exemple quelle était la raison de la montée de la violence aux États-Unis dans les années 50 ? Faites comme le gouvernement US de l’époque et ne vous embêtez pas à chercher de complexes raisons sociologiques, les coupables sont les comics (thèse appuyée sur les travaux, depuis discrédités, du psychiatre Fredric Wertham). Conséquence : création du Comics Code Authority, censure et disparition de tout un pan du 9e Art outre-Atlantique. Merci, au revoir m’sieur-dames !

Encore aujourd’hui, la BD est parfois perçue comme un « sous-art » (big up à Alain Finkielkraut), d’où l’habile introduction du concept de « roman graphique », qui permet à l’élitiste de pouvoir enfin lire des bandes dessinées sans avoir à se retaper l’intégrale de Tarkovski pour évacuer son sentiment de culpabilité. Si vous appartenez à cette catégorie, flattez votre côté hipster en vous rappelant qu’on peut retracer les origines de la BD au moins jusqu’à la Tapisserie de Bayeux. D’ailleurs, c’est au Moyen Âge qu’apparaîtront les marginalia, petits dessins profanes ou cocasses qu’on trouvait dans la marge des manuscrits. Leur rôle ? Entretenir un dialogue avec les textes qu’ils éclairaient, expliquaient ou critiquaient…

Des artistes et des héros

Pour nourrir toutes ces réflexions, Marginalia s’est parée de ses plus beaux atours et accueille du très, très lourd. À partir de prêts inédits issus de collections publiques et privées, ce sont plus de 90 artistes de tous horizons qui sont ici exposés. Bilal, Franquin, Gotlib, Hergé, Mézières, Moebius, Georges Miller, Schuiten, Tardi… Pas de raison de stresser, ils y sont — presque — tous. C’est simple, il y a une telle affiche qu’on dirait un numéro des Avengers, sauf qu’ici, les héros sont Astérix et Obélix, Barbarella, Batman, Blake et Mortimer, Blueberry, Corto Maltese, Gaston Lagaffe, Mandrake, Popeye, Les Schtroumpfs, Snoopy, Spirou, Tarzan, Tintin… Et une occasion d’enfin combiner BD et musée, ça ne court pas les rues.

De toute façon, est-ce qu’il y a vraiment besoin d’un prétexte pour aller admirer le coup de crayon d’un Hugo Pratt ? Ou celui d’un Manara, bien sûr…

Marginalia. Dans le secret des collections de bande dessinée s’accompagnera d’une publication généreuse et ludique (co-éditée par le NMNM avec les éditions Glénat) conciliant le plaisir de la lecture des BD avec l’exigence d’une approche scientifique grâce aux contributions de Jean-Luc Fromental, Thierry Groensteen, Didier Pasamonik et de Numa Sadoul.

(photo Une : affiche exposition Marginalia © Herr Seele)