« À la vie » ou le sujet tabou du baby-blues

« À la vie » ou le sujet tabou du baby-blues

L’association Cagnes Art Ciné programme sa première projection-rencontre, le samedi 5 février 2022, au Cinéma Espace Centre de Cagnes-sur-Mer. À l’affiche, le documentaire À la vie, qui aborde un sujet relativement tabou dans notre société : le baby-blues. Un rendez-vous en présence de la réalisatrice et actrice, originaire de la région, Aude Pépin, et du « personnage central » du film, la sage-femme, Chantal Birman.

Aude Pépin est actrice (chez Maïwenn, Mia Hansen-Løve et Mikael Buch, notamment). Dès 1995, elle suit des cours de théâtre dans diverses écoles jusqu’en 2007, date à laquelle elle intègre le très célèbre Cours Florent. Pendant 16 ans, elle a été journaliste pour des émissions sur Canal+ et France 5…. À la vie est son premier film, sorti en salles en 2021. Chantal Birman, sage-femme libérale et féministe, a pour sa part consacré sa vie à défendre le droit des femmes. À presque 70 ans, elle continue de se rendre auprès de celles qui viennent d’accoucher pour leur prodiguer soins et conseils. Entre instants douloureux et joies intenses, ses visites offrent une photographie rare de ce moment délicat qu’est le retour à la maison. À l’occasion de cette projection-rencontre, nous avons interviewé la réalisatrice Aude Pépin.

Comment avez-vous rencontré Chantal Birman, « sage-femme des banlieues » comme elle se définit elle-même ?

Sur le plateau des Maternelles où je travaillais comme journaliste à France 5. Je l’avais interviewée, car Chantal était une référente pour notre émission et elle faisait partie des invitées d’honneur pour les 20 ans des Maternelles. Son côté « intello », philosophe et surtout sa très large expérience m’ont séduite pour mettre en lumière son travail.

Toutes les femmes font un baby blues après leur accouchement, 12% à 15 % tombent en dépression et certaines se suicident. Ce sujet reste encore tabou dans notre société où la maternité est idéalisée. Comment expliquez-vous ce désintérêt ?

C’est fou d’imaginer qu’en 2022, le suicide reste l’une des 1ères causes de mortalité pour la jeune mère 1 an après la naissance de son bébé ! À mon sens, la société ne s’est jamais intéressée à leurs états d’âme, car tout ce qui touche à la santé est généralement à destination des hommes. La femme est devenue un réel sujet d’étude depuis les mouvements féministes de 2017. Également, grâce au nombre croissant de réalisatrices, nous abordons des sujets qui nous concernent. Les pères ne vivent pas la maternité. Ils partagent la parentalité, mais pas la grossesse en conséquence ils ne peuvent pas se mettre à notre place.

Pourquoi n’y a-t-il pas d’accompagnement psychologique de la jeune maman à la maison pour les plus fragiles ? Est-ce une question de coût ?

Il existe le programme PRADO proposé par la Sécurité Sociale et remboursé à hauteur de 4 consultations. Hélas, il y a peu de communication sur ce dispositif et depuis peu, le PRADO s’adresse aux personnes âgées. Oui, il s’agit d’une question de coût, mais avant tout de volonté de pallier un problème de santé publique. Les hommes considèrent la grossesse comme un acte pathologique et non physiologique. Ainsi, la future mère est accompagnée avant l’accouchement, mais pas après.

Les mouvements féministes ont fait entrer la maternité dans sa globalité sur le devant de la scène. À présent, on trouve de nombreux groupes de paroles, des associations, des posts sur Instagram et You tube où la parole se libère et des conseils sont proposés pour aider les jeunes mamans en dépression ou perdues avec leur nouveau-né.

Le métier de sage-femme, ainsi que tous ceux qui touchent au soin, sont dévalorisés, car en majorité occupés par des femmes...

Les sages-femmes font une année de médecine et ont un Bac + 5 avec de nombreux stages. Saviez-vous que 7 étudiantes sur 10 sont en dépression ?! Les pouvoirs publics doivent revaloriser ce métier, car elles sont en 1ère ligne lors des accouchements qui peuvent s’avérer délicats. Beaucoup n’en peuvent plus, car elles les enchaînent et ne passent plus assez de temps avec les jeunes mères pour les accompagner. Entre femmes, on ne parle pas assez du baby blues et de notre solitude ressentie lors du retour à la maison. On pleure, on a du lait qui coule, on fuite de partout, on a peur de ne pas s’occuper du bébé correctement. Il y a une forme de trous noirs, alors on avance et on n’en parle pas de nos difficultés.

J’ai rencontré Adrien Taquet, le secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, qui a vu mon film. Dans le rapport des 1000 premiers jours réalisé par 18 expert.es, il n’y avait qu’une seule sage-femme. Ils n’ont rien compris ! Il n’y a pas de pensées autour de la naissance. C’est la première fois qu’en France, un film est consacré sur ce que les femmes traversent comme bouleversements émotionnels post-partum !

Quand j’ai accouché il y a 15 ans, on m’a laissée seule dans ma chambre et on a demandé à mon conjoint de rentrer chez lui car il n’y avait plus de lit. Le corps médical avait pris ma fille qui était entre la vie et la mort. J’étais en plein post-partum et cela a été très dur de ne pas avoir été accompagnée à ce moment-là, d’où l’idée ce film.

Vous venez le 5 février présenter votre documentaire en compagnie de Chantal Birman. Pourquoi avoir choisi la ville de Cagnes-sur-Mer ?

Car je suis de la région niçoise. Ma mère est artiste à la crypte de Cagnes et j’ai fait mes études à Nice où ma famille demeure encore. De plus, je possède un pied à terre du côté de Gréolières.

 

5 fév 20h, Cinéma Espace Centre, Cagnes-sur-Mer. Rens: cagnes-art-cine06800webnodcom.webnode.fr
(photo : À la vie de Aude Pépin © Tandem)