Éphémère donc essentiel

Éphémère donc essentiel

Quelques vers de poésie et quelques grains de folie dans ce monde trop prosaïque… Ça vous dit ? Alors, guettez les Journées Poët Poët qui vont éclore dans les Alpes Maritimes, du 19 au 27 mars, et son prélude le 5 mars, avec le vernissage de l’exposition de Chiara Mulas. Le thème de cette 16e édition est L’Éphémère Infini. Conversation avec Sabine Venaruzzo, organisatrice de ces journées hors-pistes.

16 ans ! 16 ans que les Journées Poët Poët accueillent des voix nouvelles, venues d’ailleurs. Cette année, sont attendu.e.s Laurence Vielle, poétesse et comédienne belge, de cette édition, Dimitri Porcu, poète franco-italien et musicien, les éditions de l’Aigrette, maison indépendante, Chiara Mulas, performeuse et plasticienne sarde, qui proposera l’exposition Coronamask et sa poésie-action, ou encore Jean-Pierre Siméon, porte-voix militant d’une poésie vivante pour tous et partout… Sans oublier, et c’est une de marque de fabrique du festival, une ribambelle de poètes et artistes pluridisciplinaires azuréens qui interviendront de concert, accompagneront et enrichiront les multiples performances attendues du 19 au 27 mars à Nice, mais aussi à La Gaude, Saorge, Aiglun et Clans !

Lorsque l’idée de journées dédiées à la poésie contemporaine a germé en 2006, imaginiez-vous en arriver à 16 éditions ?

Ces journées sont bientôt majeures ! Non, quand nous avons lancé ce pari entre copains, nous ne pensions pas que ce rendez-vous s’inscrirait dans le temps. Je suis amoureuse de poésie, j’en lis et j’en écris, et j’aime être une « passeuse », mais je n’avais pas de « poët plan », de « business plan » ! Nous sommes partis d’une envie, et c’est toujours notre moteur aujourd’hui. Même si nous avons évolué, nous nous laissons prendre par les lieux, par l’envie de faire de nouvelles expériences. Lors des premières éditions, nous n’avions même pas la possibilité de faire venir des poètes d’ailleurs, de faire du parrainage ou du marrainage. Cette année, on encourage plus que jamais les croisements, les mélanges. C’est tout ce que nous aimons défendre.

Justement, de quelle manière choisissez-vous vos invités ? Vos lieux ? Vos thèmes ?

Le thème principal, c’est celui choisi par le Printemps des poètes (1). Cette année c’est L’Éphémère. On ne se l’impose pas, on choisit de le suivre. Nous avons juste rajouté Infini. Pour le choix des invités, ce sont les rencontres le ressort, le « plaisir à faire », le plaisir de la transmission. Je participe à de nombreux festivals de poésie. Cela permet d’entendre la voix des artistes. Nous invitons des auteurs qui aiment transmettre, avec lesquels nous accrochons. Quant aux lieux, la thématique nous inspire, nous donne envie de certains endroits. On veut garder la sensation de créer des espaces de liberté, des territoires de « Pouasie » (2). C’est tout un imaginaire que l’on développe, qui densifie la réalité quotidienne, la sensation d’intensité.

Comment expliquez-vous le succès de ces folles Journées ?

Aucune idée ! Il n’y a pas de recette. Nous sommes nous-mêmes surpris du résultat. On lance les dés chaque année avec toujours cette notion de plaisir. On a hâte de faire découvrir des poètes, peut-être que cela se sent. La diversité des lieux joue sûrement : tout ne se passe pas à Nice et sur le littoral, mais aussi dans le moyen et le haut pays, magnifiques. Notre public sait qu’ils vont vivre un moment unique, qui ne se ressent qu’une seule fois. Cela fait de jolis souvenirs ! C’est pareil pour les interventions scolaires des poètes. C’est joyeux et merveilleux. Certains élèves ont alors un déclic.

Pouvez-vous nous dévoiler une partie des nouveautés ?

L’an passé, nous fêtions nos 15 ans. Mais avec la crise sanitaire, nous n’avons pas pu célébrer ce cap comme on l’aurait souhaité. Depuis ce chiffre-clé, nous avons voulu donner un nouvel élan, mettre encore plus de sens dans ce que nous faisons, encore plus de sentiment. Là où les mots « non essentiel » ont été employés, nous voulons (ré)affirmer certaines valeurs. Selon notre signature, nous mettons en scène « la poésie dans tous ses états d’art ».

Une première cette année, les tables rondes et un cycle de conférences. Le poète siègera à côté des « acteurs de la cité », un universitaire (3) et un chirurgien. Le poète est écouté et éclaire différemment l’actualité. La poésie devient moins abstraite. Par exemple, comment vont dialoguer ce chirurgien qui répare un corps, et ce poète qui, lui, peut réparer un esprit ? Jean-Pierre Siméon, poète et dramaturge (4), nous fait l’honneur de sa présence le 24 mars. Il dédicacera également ses derniers ouvrages à la librairie Masséna. Parmi les autres nouveautés, une Petite maison de la Poësie, itinérante, un atelier d’écriture et/ou une sieste poétique à 700 mètres d’altitude… Notre marraine est Laurence Vielle, poétesse et comédienne Belge, voix nouvelle venue d’ailleurs. Notre programme est très, très riche !

La Poésie-Pouasie a de belles heures devant elle…

Le Printemps des poètes fête ses 23 ans. Nombreux sont les autres festivals de poésie, en France, mais aussi en Allemagne, en Espagne… Mais cela reste un parcours du combattant que de défendre un festival de poésie contemporaine. L’effet confinement a fait du bien à la poésie, et elle a fait du bien en retour. C’est important de rencontrer des poètes vivants. Nous avions choisi un nom de festival original afin de dépoussiérer l’image de la poésie, et de ses différentes formes. Étymologiquement, la poésie, c’est la création, cela nourrit les autres arts. La transdisciplinarité, c’est ce qu’on défend aussi.

Parmi nos partenaires fidèles, la commune de La Gaude. Là-bas, c’est toujours spécial, on va au bout de nos délires ! Les soirées y sont intenses, uniques. Depuis le début, nous avons de plus en plus de partenaires et ça s’enrichit, comme avec les vallées de la Tinée et L’Estéron… On aime ouvrir de nouvelles pages, dans cette région contrastée. Les institutions sont également au rendez-vous : notre festival a été labélisé par le Centre national du livre… Tout ça, c’est le pouvoir miraculeux de l’art, enthousiasmant, inestimable ! Nous sommes les Ravis de la poésie !

SABINE VENARUZZO M’A DIT QUE…
… elle dirige la Compagnie de spectacles vivants Une petite voix m’a dit
… elle organise les Journées Poët Poët depuis 16 ans
… elle est poétesse mais aussi comédienne et chanteuse lyrique
… elle a toujours écrit et chanté, mais ne s’est autorisée à en faire son métier qu’assez tard
… elle a publié le recueil de poésie Et maintenant j’attends (éditions de l’Aigrette)
… elle a participé à l’anthologie L’Ephémère, 88 plaisirs fugaces (éditions Bruno Doucey) qui sort à l’occasion du Printemps des poètes 2022
… elle va faire paraître le recueil intitulé À quoi ça sert ?

Journées Poët Poët: 19 au 27 mars, La Gaude, Saorge, Aiglun, Clans / Vernissage de l’exposition Coronamask de Chiara Mulas: 5 mars 11h, Ancienne médiathèque, La Gaude. Rens: facebook.com/journeespoetpoet & unepetitevoixmadit.com

(1) Créé en mars 1999, le Printemps des poètes se déroule en France et au Québec. Il s’agit d’une initiative de Jack Lang, alors ministre de la Culture
(2) D’après le poète et écrivain Léon-Paul Fargue, inspirateur des Journées Poët Poët :
« Au pays de Papouasie
J’ai caressé la Pouasie…
La grâce que je vous souhaite
C’est de n’être pas Papouète
« 
(3) Patrick Quillier, poète, essayiste et professeur émérite en Littérature générale et comparée. Il a dirigé le CTEL, Centre Transdisciplinaire d’Épistémologie de la Littérature et des Arts vivants de l’Université Nice Côte d’Azur
(4) Jean-Pierre Siméon a été pendant 16 ans le directeur artistique du Printemps des poètes, et a notamment créé la Semaine de la poésie à Clermont-Ferrand

(photo : Chiara Mulas © Enrico Lai)