Le coin des arts mouvants

Le coin des arts mouvants

À La Station, collectif d’artistes en évolution constante, les résidences temporaires proposées deux fois par an, offrent dans une « solidarité opérative » assurée par les 12 résidents permanents, un temps d’expérimentation, de questionnement et d’association. C’est ainsi qu’au printemps 2021, Bettina Blanc Penther y réside pour quelques semaines et se place dans une réflexion vouée à un temps d’exposition que La Station lui réservera — c’est la règle.

Depuis ce laboratoire transgénérationnel, Bettina Blanc Penther invite 7 artistes pour des œuvres à voir, et à écouter. Avec, pour un vernissage rehaussé, le 4 mars à 18h : le fanzine Soumsoum, cofondé par la plasticienne Ji-Min Park, une lecture-performance de l’autrice Estelle Bénazet et un set de Gérald Kurdian, plasticien compositeur aux créations obliques (vous comprendrez).

Comme point de rendez-vous donné aux artistes, Bettina Blanc Penther partage une nouvelle qu’elle a écrite, Secretly Troubled. En voici quelques mots germés en résidence : There is a worm playing with the shadow of a tree / Two good friends_who’s gonna move first ? (Un ver joue avec l’ombre d’un arbre / Ce sont deux bons amis_ qui bougera le premier ?). Ça commence comme une histoire, légère et poétique, et au fil de la lecture, les non-dits/non-bougés sont assaillis. Car Secretly Troubled est une partition, un solfège visuel et corporel, où matière figurant la chose (ou son absence) et corps marquant la mou-vance (ou son immobilité) forment le rythme de cette proposition plur.iel.le, convoquent les sentiments spontanés, et activent l’inconscient.

Bettina Blanc Penther, La petite armure de fil, 2021, Photographie 50 x 70 cm © Bettina Blanc-Penther

Le titre même de cette exposition annonce des entrées multiples : We Feel Better In the Corner. Littéralement, on se sent mieux dans le coin. Le coin. Celui de l’enfant puni renvoyé à sa pensée et ses contradictions, à ses rêves et colères. Celui de l’isolement volontaire, « son » propre coin, pour observer, se rendre compte et ne rien devoir exprimer, là, tout de suite. Celui aussi du Speakers Corner (coin haut-parleur) de l’espace public londonien, où toute pensée à enjeux communs peut se dire à qui passe et veut l’entendre, pour poser dans la place une forme de pensée, quelle qu’elle soit. Et en parler.

Les références d’écoles, installations, contributions et expositions de ces artistes assemblés sont tout à fait éloquentes ; leurs parcours d’artistes marquent une circulation naturelle des pratiques artistiques et un engagement sociétal vif, mouvant et entier. Alisson Schmitt pointe du doigt les transferts culturels et distingue le vrai du faux, Diane Blondeau questionne les perceptions en peuplant les espaces vides d’ondes lumineuses et sonores, Cécile Bouffard sait d’une sculpture faire émaner usage du quotidien et sensualité, la chorégraphe Marcela Santander Corvalán est capable de déplacer des montagnes.

Dans tous les coins donc, un fil est à saisir pour que les œuvres agissent, pour soi et entre elles. Une invitation complète et douce, en prenant le temps organique du mouvement.

5 mars au 16 avr, La Station – Le 10, Nice. Rens: lastation.org

photo : Marcela Santander Corvalàn Quietos, 2019 © Mila Ercoli