[Spécial femmes] Comme un ovaire dans le potage

[Spécial femmes] Comme un ovaire dans le potage

« Les féministes sont hystériques, elles ont obtenu l’égalité, que veulent-elles de plus ? Ces violences faites aux femmes sont exagérées, on ne peut plus draguer, elles sont trop agressives, elles en font trop, je ne suis pas comme elles le décrivent, je n’ose plus tenir la porte à une femme, elles veulent la guerre des sexes, le patriarcat n’oppresse pas les femmes, les féminicides sont des drames passionnels… » Qui n’a pas déjà lu ce type de remarques dans certains médias ou entendu ces réflexions dans le cercle professionnel ou familial ? Et pourtant les statistiques nous rappellent, sans cesse, que cette égalité entre les femmes et les hommes n’est toujours pas d’actualité même si nos sociétés ont finalement accepté de la respecter en tant qu’être humain. Un respect qui n’a pas été instauré dans un sursaut d’humanisme, de compassion ou de fraternité des hommes à l’égard des femmes, mais à coup de revendications, de lois et de décrets au niveau européen et international.

Bref rappel historique : au sortir de la 2e guerre mondiale, les Nations Unies rédigent le préambule de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1) en 1946, mentionnant que « la loi garantit à la femme des droits égaux à ceux de l’homme ». En 1979, la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies. En 2022, les droits civils, politiques, économiques ou reproductifs sont bien loin d’être respectés par l’intégralité des 192 pays signataires de cette convention. En France, l’égalité des droits des femmes a tellement de difficultés à se concrétiser que le législateur doit régulièrement s’en mêler.

Aujourd’hui, encore, les femmes subissent un d’écart de salaire de 16,5%, sont 4 fois plus souvent employées à temps-partiel, verront leur salaire stagner à partir de 30 ans contrairement à leurs homologues masculins. Leur taux d’activité est inférieur à celui des hommes pour les 25-49 ans alors qu’elles sont plus diplômées qu’eux. Elles pâtissent toujours d’une ségrégation sectorielle car historiquement liée « à leur condition ». Ainsi, sont-elles majoritaires dans le secteur « care » (qui englobe le ménager, le sanitaire, le social et l’éducatif) ou de l’enseignement et quasi-absentes dans ceux de la pêche, du numérique, du BTP ou de l’industrie…

Une candidate, à qualifications égales, sera vite confrontée au plafond de verre (barrières excluant les femmes des niveaux hiérarchiques les plus élevés) et/ou à la paroi de verre (les postes les plus élevés occupés par des femmes se situent dans des départements dits non stratégiques), puisqu’une femme est considérée comme étant potentiellement moins disponible en raison d’une maternité éventuelle et de ses futures obligations familiales. Dans l’inconscient des recruteurs, on évaluera la candidate sur sa présentation, sa disponibilité et son adaptabilité et pour un candidat, sur sa motivation, sa capacité de travail et son savoir-faire. 32% de femmes occupent des postes de dirigeante en France contre 40% en Europe. Les remarques dévalorisantes, les blagues sexistes, les faits de harcèlement ou d’intimidation sont plus importants dans les secteurs à dominance masculine. 74% des femmes en politique ont été confrontées à des remarques ou comportements sexistes au cours de leur mandat à des fins dissuasives.

Si une femme a pour projet de se mettre à son compte, le financement obtenu sera moins important que celui alloué à un homme. Et si elle décide d’avoir une famille, elle devra s’occuper des enfants et du travail domestique. Ce sont souvent elles qui prennent en charge la vieillesse de leurs parents. Et l’on pourrait ainsi décliner à l’infini cet inventaire à la Prévert… Seule exception : le mannequinat, seul et unique secteur où les femmes gagnent plus que les hommes.

Certes des avancées non négligeables ont été réalisées, notamment en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. Cependant, ces inégalités se sont recomposées avec une ségrégation qui se veut horizontale (type d’études, secteurs d’activité, métiers féminisés) et verticale (position hiérarchique, plafond et paroi de verre). La société française continue de juger le travail d’une femme différemment de celui de l’homme. Le poids des stéréotypes de genre, notre construction mentale façonnée par des codes masculins, l’éducation, ou l’image de la femme véhiculée par les médias perpétuent ces inégalités. Le patriarcat est avant tout un modèle économique et social qui repose principalement sur l’exploitation des femmes.

Alors, oui messieurs, les femmes en ont marre d’être les exploitées et les oubliées de l’Histoire ! Oui messieurs, les féministes appuient là où ça fait mal et vous le rappellent régulièrement, pas uniquement le 8 mars ! Oui messieurs, les femmes aimeraient davantage d’implications et d’actions de votre part ! Oui messieurs, il faut changer de modèle économique ! Oui messieurs, on ne la lâchera rien ! Et, oui messieurs, il y a comme un ovaire dans le potage… C’est l’ovairedose !

(1) Le Québec, la Belgique et le Mali ont modifié la terminologie de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en Déclaration Universelle des Droits Humains. L’Espagne, l’Italie ou le Royaume-Uni utilisent déjà le terme Droits Humains. Seule la France continue d’employer le terme Homme avec un H majuscule pour désigner le genre masculin et féminin.

Les femmes sont des actrices de la culture, qui reste un des meilleurs vecteurs pour lutter contre les violences qu’elles subissent et la régression de leur condition à l’heure actuelle. À l’occasion de la Journée Internationale pour les Droits des Femmes, retrouvez les portraits de quelques-unes d’entre elles ! Ci-dessous les autres textes de ce dossier :
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Ultra Panache… Ultra plastique