18 Juin Park Chan-Wook, prix de la mise en scène à Cannes
Décerner à Park Chan-Wook un Prix de la mise en scène équivaut à signaler que Les mots de Sartre est un livre supérieurement écrit : merci de l’info, amigo, mais on ne t’avait pas vraiment attendu pour s’en apercevoir.
Le cinéaste coréen est en effet l’un des plus grands virtuoses – et, ce qui est somme toute très différent, unanimement reconnu comme tel – de la cinéphilie mondialisée, depuis Old boy en 2004, Grand Prix du Jury et énorme claque du festival de Cannes ainsi millésimé. Depuis lors, ses autres films auront pu bénéficier de scénarios moins aboutis – tel était le cas, notamment, de Thirst (2009) -, ils n’en étaient pas moins transfigurés, sinon rédimés, par l’époustouflante créativité de la mise en scène. A côté de lui, Mungiu, mais c’est Michael Bay, ma parole.
Fort bien, mais, objecterez-vous sans doute – affûtés que vous êtes -, un film, ce n’est tout de même pas que la virtuosité de la caméra. Certes, j’en conviens. Or, il se trouve que Decision to leave, décidément l’un des grands crus de Park Chan-Wook, s’appuie sur un scénario beaucoup plus puissant et plus structuré que ses opus précédents – peut-être le meilleur depuis Old boy (qui demeure, bien entendu, hors-concours). Hae-Jun est un flic de Busan, à la vie quelque peu plan-plan. Il est marié, mais enfin bon, il n’a pas épousé Natalie Portman, quoi. Et côté boulot ? Bof, même verdict : les criminels manquent décidément d’imagination, alors son job, c’est bureaucratie et compagnie. Aussi, lorsque le cadavre d’un homme est retrouvé en bas d’une montagne, le policier blasé se réveille un peu. Lorsque la veuve pas du tout éplorée, plus jeune que le défunt, et de nationalité chinoise, est interrogée, le fonctionnaire assoupi commence à sortir de son hibernation. Et lorsque cette très jolie jeune femme se confie à lui, le mari démotivé a carrément les fils qui se touchent. Plus il pressent qu’elle est coupable, plus son désir pour elle s’enflamme. C’est l’ange bleu made in Korea ; femme fatale – plutôt deux fois qu’une – et, subséquemment, emmerdes par milliers en perspective. Encore un qui ne verra pas la fin de la dernière saison de Koh-Lanta.
Decision to leave est bien plus et bien mieux qu’une caméra virtuose qui nous en fout plein les yeux ; c’est tout simplement un grand film. A cet égard, la dernière scène – scotchante – réconciliera les amis de l’image et les amants de l’idée. Laurent, serrez ma haire avec ma discipline.
photo : Decision to leave, Park Chan-Wook © Bac Films