05 Juil Hommage à Pierre Moustiers
Sous un immense platane ombrageant le parvis de la bibliothèque du Clos St Louis, autrefois édifice religieux, les amis et lecteurs de l’écrivain et scénariste Pierre Moustiers ont assisté à l’hommage que lui a rendu, six ans après sa disparition, et à l’initiative du Dr. Claire Bonnaud, son médecin, inconditionnelle et fidèle lectrice, Marie-Claude Paganelli-Argilas, adjointe à la culture de la mairie de La Seyne-sur-Mer, ville où il naquit en 1924.
Ce 18 juin 2022, le chant des cigales a parfois couvert le violoncelle de Joëlle Ladrette alors que Bach accompagnait quelques textes de l’auteur… Mais qu’importe ! « Vivre auprès d’un homme de lettres, c’est être ni dans l’ombre ni dans la lumière, c’est être dans la clarté des mots, à l’écoute de la respiration de la phrase, de l’importance du choix, comprendre que choisir donne force à la pensée », explique l’artiste peintre, Michèle Dolfi-Mabily sa veuve. « Pierre avait compris très tôt la possibilité qu’avaient les mots d’exprimer une émotion. Il avait vu tous les paysages décrits par Daudet, Giono, Arène, et sentait bien que les mots permettaient de retrouver tout ce qu’il avait alors ressenti ! Il disait « les mots, c’est la vie ! » Et de ponctuer, non sans humour : « Ses cousins me l’avaient présenté sous le nom de Pierre Rossi. J’avais lu tous les livres depuis le premier de Pierre Moustiers, son nom d’auteur, ne sachant pas qu’il s’agissait du même homme… Je le découvris lorsqu’il me demanda de devenir »son oreille » ! »
Romans historiques, portraits psychologiques, critiques sociales
L’éclectisme du travail de Pierre Moustiers (roman historique, portrait psychologique, critique sociale), son écriture à la fois classique et empreinte de lyrisme retenu, son attachement à sa Provence natale – même si ses livres visent plus l’universel qu’un quelconque régionalisme – lui valent rapidement le succès public et critique : citons notamment le Grand Prix du roman de l’Académie Française pour La paroi (1969), le Prix Maison de la Presse pour le feuilleton télévisé L’hiver d’un gentilhomme (1972), le Prix des Libraires pour Un crime de notre temps (1976), ou encore le Grand prix télévision de la SACD en 1981 et Prix International Jean Giono en 1986 pour l’ensemble de son œuvre… Après Héritier d’un seigneur, dernier roman d’une œuvre immense paru en 2010, quête toute stendhalienne du bonheur, Pierre s’éteint à la Seyne-sur-Mer le 6 juin 2016.
Se replonger dans ses écrits aujourd’hui, c’est retrouver cet élan romanesque, ce goût du récit qui prend par la main le lecteur, cette galerie de personnages attachants, célèbres ou inconnus, qui ont tout à la fois « les pieds sur terre et la tête dans les nuages ». L’homme qui partagea sa vie entre Toulon et Paris, côtoya des écrivains de renom dont Hervé Bazin, qui fut à l’origine de films dont il avait écrit les dialogues… Il fut également comédien et grâce à son frère aîné André, homme de théâtre, joua très jeune avec Jean-Louis Trintignant…
Quel bonheur d’écouter par la voix de ceux qui l’ont si bien connu, des souvenirs de ce talentueux conteur, auteur de La paroi, L’avenir ne s’oublie pas, L’or du torrent, et scénariste des adaptations cinématographiques et télévisuelles du Coq de bruyère, nouvelle de Tournier, de Antoine et Julie, roman de Simenon, du Bel ami de Maupassant, du Pris au piège de Contruccides, des Grandes familles de Druon, ou encore du Curé de Tours et de L’interdiction de Balzac… « Inspiré par les écrits des grands auteurs russes, il faisait surgir en second plan des personnages insignifiants qui soudain devenaient essentiels… », souligna Nicolas, son beau-fils toujours très admiratif.
Cet écrivain formidable, bibliothèque à lui tout seul, méritait bien un hommage. Enfin, justice lui est rendue !
Photo : Pierre Moustiers à droite, avec Bernard Fresson en 1992 lors du tournage du film Interdiction