Être humain ?

Être humain ?

Quand Marie-Louise Gourdon, commissaire du Festival du Livre de Mouans-Sartoux, présente l’événement littéraire de l’automne dans la région, qui se tiendra du 7 au 9 octobre, c’est la passion, l’ouverture d’esprit, l’envie d’échanger qui l’anime… C’est pourquoi le thème de cette édition 2022 lui va si bien : Être humain ? Rencontre.

Si le Festival du Livre de Mouans-Sartoux est aujourd’hui l’un des plus importants événements du genre en France, c’est en partie grâce à Marie-Louise Gourdon. Elle qui œuvre avec passion et une vision humaniste de la société depuis plus de trois décennies. Sensible aux enjeux environnementaux et contemporains, à l’image de la nouvelle thématique choisie et des 400 invités attendus.

Qu’est-ce qu’être humain ou inhumain ? Qu’est-ce que les différences, les inégalités, ou au contraire qu’est-ce qui nous rassemble ? Comment fait-on société, ou inversement ? Ces questions sont toutes là, dans le monde d’aujourd’hui, sous notre nez, dans notre quotidien : la guerre en Ukraine par exemple, ou le changement climatique. Nous y avons des responsabilités, nous y sommes pour quelque chose. C’est pour cette raison que le Festival ouvre cette année encore plusieurs champs pour les traiter comme il sait si bien le faire.

Les 2 prix traditionnels seront cette année encore décernés : le Prix du Pitchoun et le Prix du Livre Engagé pour la Planète, bien sûr. Et dans les nouveautés, notons le retour des 4 000 à 5000 scolaires, qui pendant 3 ans ne purent venir pour cause de pandémie. Autre grande nouveauté : la création d’une scène littéraire, en extérieur, dans le parc devant le centre culturel qui pourra accueillir tous les auteurs de la rentrée littéraire avec des entretiens événements !

Une plus grande place est également accordée cette année à la science, grâce au CNRS qui a convaincu le festival de son projet de « popularisation » de la science qui trouvera à n’en pas douter un autre public au Festival. Quant au grand espace BD, il s’ouvre aussi cette année aux mangas, romans graphiques et prend une nouvelle dimension.

Des thématiques fortes

Edgar Morin, le président d’honneur du festival, ne viendra pas cette année, car il a 102 ans. Il sera toutefois en visio-conférence avec des lycéens, le vendredi 7 octobre. Son expérience et son intelligence lui permettent d’être compris par tous et de faire passer ses messages vers ceux qui doivent être informés en priorité : les jeunes. L’enfance et sa place dans l’Humanité seront d’ailleurs abordées avec le juge Édouard Durand. Le magistrat expliquera comment Défendre les enfants, tandis que trois auteurs de la rentrée littéraire évoqueront L’enfance bafouée. Quant à l’éducation, elle sera au cœur du débat Quelle école pour grandir en humanité ? avec les auteurs Philippe Merieu et Abdennour Bidar.

Défendre les droits humains ! Le sujet sera abordé avec Pinar Selek, la sociologue turque arménienne, niçoise d’adoption. Réfugiée en France, elle est sous le coup d’une condamnation à mort en Turquie. Lors de la présentation du festival à la presse, Marie-Louise Gourdon a insisté sur le fait qu’il est impératif de la soutenir dans ses combats ! Vous pourrez la rencontrer lors d’un entretien autour de son dernier ouvrage Azucena ou Les fourmis zinzines.

Migrantes et migrants, thème leitmotiv de l’extrême droite qui les stigmatise, et qui fera l’objet d’un débat avec SOS Méditerranée et la réalisatrice Émilie Frèche. Celle-ci aura présenté en amont son film Les Engagés. L’histoire de David qui percute en voiture un jeune migrant poursuivi par la police, sur la route de Briançon. N’écoutant que son instinct, celui-ci le cache dans son coffre et le ramène chez sa compagne Gabrielle qui vit avec ses deux enfants. Bouleversé par le destin de cet adolescent, David s’engage à l’aider coûte que coûte.

La quête de l’identité, avec Caroline Duval (Cie Be) et Franck Pavlof, qui proposeront une lecture de Matin brun, en partenariat avec le Forum Prévert de Carros, comme une autre façon d’évoquer la montée de l’extrême droite en Europe.

Savez-vous ce que veut dire inuits ? Ça veut dire êtres humains ! Edmond Baudoin, autre niçois, est parti au pôle Nord à la rencontre de ce peuple, et en a ramené une BD qu’il présentera, en avant-première lors d’une exposition. Il participera également à un débat sur le thème : Pôle nord, du réchauffement climatique au pillage des ressources.

Lire délivre ! Être humain en prison, voilà le thème de la discussion à laquelle participera René Fregni, président du Festival cette année, et Fabrice Rose, ancien braqueur devenu romancier. Ils poursuivront leur dialogue entamé sur le plateau de La Grande librairie, il y a quelques semaines sur France 5.

Le handicap, et plus particulièrement l’autisme, fera aussi l’objet d’un débat avec l’auteur du roman Un enfant sans histoire, Minh Tran Huy. Un sujet également abordé lors de la projection du film Ensemble au bout du monde, et suivie d’un débat Performance et handicap avec le réalisateur Armand Thoinet.

La condition féminine

Évidemment, cette question est centrale au vu du nombre exponentiel de violences auxquelles les femmes doivent faire face. Pour traiter ce sujet : la série H24 avec Valérie Uria, ou Mon corps m’appartient, film de Gérard Mordillat. Agathe Le Taillandier animera un débat avec cinq personnalités autour du thème Mon corps, mes choix, la liberté des femmes, ou elles évoqueront les droits à l’IVG dans le monde. Quant à Valérie et Jacques Salomé, ils traiteront de La violence conjugale, c’est aussi des mots.

Pascal Piquet, anthropologue très connu, auteur d’un ouvrage sur l’ostracisation de la femme due à la modernité, animera un débat. Pour son ouvrage, il a remonté le temps de la préhistoire – et la quasi-inexistence de cette dernière sur les fresques rupestres – jusqu’à nos jours. Les discussions promettent d’être surprenantes…

Enfin, le pouvoir et les femmes sera au centre des échanges qui ponctueront la projection du film 8 jours à Raqqa de Xavier Lausanne, qui raconte l’histoire d’une femme – Leila Mustapha, 30 ans, ingénieure en génie civil, trois fois major de sa promotion – qui a dirigé la ville Raqqa en Syrie pendant 8 jours !

9 jours à Raqqa de Xavier Lausanne © Jean-Matthieu Gautier

L’écologie

Comme le fait remarquer Marie-Louise Gourdon, avec l’été que nous avons passé, il est clair que nous prenons les effets du changement climatique en pleine face… Ce n’est pas pour demain, nous y sommes déjà… Au regard de cette urgence, le sujet sera bien entendu particulièrement présent.

Pablo Servigne, récemment invité dans l’émission La Tête au Carré sur France Inter, sera présent pour un entretien autour de son ouvrage L’effondrement expliqué à nos enfants (et à nos parents). Lui qui écrit sur le sujet depuis des années, commence enfin à être pris au sérieux ! Camille Étienne, jeune militante, qui a participé à des manifestations, des films et des livres aussi, sera là. Quand des jeunes parlent aux jeunes, ça passe toujours mieux…

La première soirée du festival, le vendredi, sera dédiée au climat, avec en avant-première le nouveau film de Cyril Dion : Un monde nouveau. Présent avec toute l’équipe du film, il évoquera comment adapter notre vie quotidienne et comment résister. « Mais il y aura beaucoup d’autres intervenants« , prévient Marie-Louise Gourdon. À l’image de l’ouvrage Les vertueuses, qui permet de partager le dialogue entre Susie Morgenstern, son auteur, et sa petite fille sur ce sujet.

Hervé Kempf, rédacteur en chef du quotidien de l’écologie Reporterre, antinucléaire patenté, sera de la partie. Il faut dire que la crise ukrainienne repose la question de l’appel à cette énergie face à la pénurie de gaz russe… Il animera un débat sous l’intitulé choisi par le festival, Crise des énergies, on rebat les cartes, en compagnie d’Aurélien Portelli (auteur de L’accident de Fukushima), Antoine de Ravignan (Nucléaire : stop ou encore ?) et la chercheuse Nathalie Lazaric.

L’effondrement (et après) expliqué à nos enfants… et à nos parents de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle © DR

Les guerres passées et actuelles

Ukraine, la guerre en Europe. C’est l’intitulé d’un débat entre quatre personnalités qui permettra de se faire une idée plus précise de la situation. Franck Pavloff, auteur de L’Espérance est ma patrie, originaire d’Europe de l’est, y participera. « Quand j’ai lu son livre, j’ai mieux compris tout ce qu’il se passe là-bas, parce que la littérature ça parle différemment et ça fait comprendre souvent mieux qu’un essai ou qu’un film », souligne Marie-Louise Gourdon.

La guerre d’Algérie est abordée chaque année par le Festival, car Mouans-Sartoux accueille une communauté harki depuis 1964. Le festival invite d’ailleurs trois jeunes descendants de harkis, dont une qui est mouansoise. « Il est intéressant d’avoir des jeunes de 20 ans qui nous disent ce qu’est pour eux la guerre d’Algérie, une guerre que leurs parent et/ou, grands-parents ont vécue« . Bon nombre d’entre eux furent notamment contraints d’intégrer des camps à leur arrivée en France. Le film de Philippe Faucon, Les Harkis, présenté à Cannes en 2022, sera notamment projeté en avant-première au Festival. Nina Léger, jeune autrice présentera quant à elle, Antipolis. « Elle raconte comment petit à petit on a fait disparaître les camps de Harkis à Sophia-Antipolis, qui sont totalement sortis de la mémoire des gens. On lit cet ouvrage en pensant lire l’histoire de Sophia-Antipolis, et on tombe sur quelque chose qui a rapport à l’histoire des Harkis. C’est une des découvertes qu’on a faites ! C’est écrit nulle part sur la 4e de couverture, il faut tout lire…« 

D’autres aspects de la guerre d’Algérie seront évoqués notamment dans Nos ombres d’Algérie, documentaire dans lequel des dessinateurs majeurs du 9e Art explorent, depuis la France, les mémoires de la guerre d’Algérie : Jacques Ferrandez. Ou comme : C’était la guerre d’Algérie de Benjamin Stora et Georges Marc Benhamou, diffusé en 5 épisodes sur France 2 il y a quelques mois, et toujours visibles en replay. Le débat qui suivra la projection de ce film verra intervenir Maïssa Bey, une écrivaine algérienne qui vient régulièrement à Mouans-Sartoux, et dont le père a été tué au cours de la guerre d’Algérie. Ces documents sont « indispensables pour la compréhension de ce conflit. Ces épisodes extraordinaires montrent tous les aspects de la guerre d’Algérie, en prenant la distance nécessaire. Ce sont des témoignages extraordinaires de gens qui l’ont vécu et qui sont toujours vivants, qui racontent des choses atroces, qu’ils ont faites ou qu’ils ont subies ». Et la directrice du Festival de conclure au sujet des questions qui jalonneront le festival : « Tout ça pour nous correspond à cette question : Être humain ? Tous ces sujets nous donnent de la force, parce que ça nous permet de regarder devant. »

Les événements

Plus de 200 rendez-vous sont programmés lors de cette édition 2022 du Festival du Livre de Mouans-Sartoux ! Sans compter les rencontres scolaires à partir du vendredi après-midi. « Notons que depuis des années le festival est piéton, il est gratuit depuis l’année dernière et quasiment tous les spectacles, les débats sont gratuits« .

Quant aux projections, « 4 ou 5 sont payantes parce que ce sont des films qui sont en première ou en avant-première. Quatre films sont offerts par Arte et les films de France 2 sont gratuits aussi. Il y a des documentaires offerts dans le cadre d’échanges, comme ceux d’Echo Studio. C’est une société qui fait des films plutôt écologistes et humanistes, qui est complètement dans l’esprit du festival. Tout cela permet au Festival de faire des projections gratuitement pour le public », poursuit Marie-Louise. Le Cinéma prend ainsi de l’ampleur cette année, avec 20 films de 14 réalisatrices ou réalisateurs présents pour présenter leur travail et débattre.

Au Château, qui est aussi le restaurant des auteurs, il y avait déjà des événements par le passé, mais cette année, le festival a mis le paquet. Nous avons déjà les nombreuses rencontres qui se tiendront sur les thématiques historiques du festival, mais une multitude d’autres rendez-vous attendent le public ! Comme une rencontre avec Yasmina Khadra, une lecture d’extraits du roman policier de – et par – Michelle Pedinielli, mise en musique par Marcel Bataillard et ses chants corses.

concert de rock fiction Entrer dans la couleur (d’après le roman Les furtifs) d’Alain Damasio et Yan Péchin © Roxanne Gauthier

Parmi les nombreux spectacles, notons quatre concerts payants : le spectacle François Morel chante avec Antoine Sahler, le samedi 8 octobre en soirée, et la lecture-spectacle en compagnie de son fils Valentin Morel, autour de leur Dictionnaire amoureux de l’inutile. La soirée électro organisée par Panda Events, avec Jacques et Le Noiseur, devrait amener un nouveau public au festival. « Ce changement bénéficie du fait que l’Orchestre National de Cannes PACA jouait aux dates du festival ouvrant ainsi la porte à une autre musique ». Et bien sûr le concert de rock fiction d’Alain Damasio et Yan Péchin, Entrer dans la couleur (d’après le roman Les furtifs), le samedi matin ! « Le seul moment où le Pape français de la dystopie était libre pour donner ce concert exceptionnel…« 

Toutes les scènes du spectacle vivant du département seront présentes à Mouans Sartoux : le TNN, le Théâtre de Grasse, Anthea, Scène 55, le Forum Jacques Prévert et le Théâtre de la Licorne de Cannes, qui s’ajoute cette année à liste des partenariats. « Sans oublier l’association Unwhite It qui lance à fond le Street Art ici. Tous ces acteurs culturels offriront des événements et proposeront leur programmation au public« .

Parmi les invités…

Comme chaque année, la parité est respectée à la Présidence du festival : Murielle Barberi, qui a sorti en août dernier le roman Une aire de ferveur, et René Frégni. Lui n’a pas raté un seul festival, depuis sa venue lors de la 1e édition, à l’occasion de la sortie de son premier livre ! Son dernier ouvrage, Minuit dans la ville des songes, narre l’histoire de sa vie, lui qui a connu la prison et dont la lecture l’a libéré. Aussi fait-il chaque semaine un atelier en prison !

Près de 400 invités sont invités cette année, et en plus des nombreuses personnalités que nous avons déjà évoquées, citons : Bernard Werber, Daniel Picouly, le Niçois Didier Van Cauwelaert, Christelle Dabos, auteure jeunesse, David Foenkinos, Guillaume Musso, phénomène littéraire, auteur le plus lu en France, Valentine Goby, grandiose et qui poursuit un beau parcours littéraire, Tonino Benacquista, auteur italien qui raconte sa vie depuis l’arrivée de ses parents en France, la vie d’émigré italien, Adeline Dieudonné, avec son deuxième roman, Tatiana De Rosnay, grande écrivaine que le grand public a connue au travers de son roman Sarah, Gérard Mordillat, qui a écrit un livre sur Ernest Pignon Ernest, ou encore Alain Amiel qui vient quant à lui de réaliser un film autour de l’artiste, Francis Bacon / Ernest Pignon Ernest : échanges, présenté en avant-première…

LA STRADA DANS LA PLACE !
La Storia est la société d’édition de presse culturelle qui édite votre journal La Strada. Nous vous donnons rendez-vous sur notre stand, du 7 au 9 octobre au Festival du Livre de Mouans-Sartoux.
Vous découvrirez Commune histoire, premier opus de la Collection Pistes éditée par La Storia, présenté en avant-première et en présence de son auteur Christophe Juan, l’un des piliers de La Strada. Un ouvrage qui compile un portrait de Louise Michel, un texte sur l’art et la Commune, ainsi qu’une interview d’Ernest Pignon Ernest, qui a réalisé en 2021 l’affiche pour le 150e anniversaire de la Commune de Paris. Redécouvrez nos premiers essais d’édition, les Editos Paradoxaux, sorte de condensé des éditos de l’ancienne version de La Strada petit format. Le temps passe… Les écrits restent… Mais aussi Café Croisette, roman de Bernard Oheix : un polar aux accents du Sud, avec cet humour particulier de la région, qui dresse une intrigue autour de la Croisette et du Palais des Festivals qui accueille chaque année le plus connu de tous, le Festival International du Film.
Nous présenterons également des éditeurs et auteurs atypiques et engagés en art, en littérature, en musique, ou simplement de manière citoyenne : les Éditions Goutte d’Or, fondée par Clara Tellier Savary, Geoffrey Le Guilcher et Johann Zarca, petite maison parisienne qui a défrayé la chronique par sa « littérature immersive » et qui est devenu un des remparts du journalisme d’investigation. Mono-Tone Records, fondé par Memphis Mao, alias Didier Balducci, dandy du rock, qui non content d’éditer des disques, s’est mis a éditer des livres ! Musique encore, avec Fatto in Casa, regroupement d’acteurs impliqués dans l’édition phonographique artisanale, en rupture avec la production musicale conventionnelle, qui défend les musiciens émancipés de toute forme normative, et Beaucoup de Coups, label indépendant de production musicale implanté à Nice, créé en 2013 autour du mythique groupe Cochons de chiens.
Côté auteurs, vous pourrez échanger avec Laurence Fey, pigiste émérite de La Strada, et surtout auteure de plusieurs livres jeunesse, en partie publiés chez Bayard, dont certains traduits dans plusieurs langues. Mohamed Rezkallah, auteur coup de cœur de notre rédaction, spécialiste du roman noir, voire trash, qui a su tirer l’essentiel de l’inhumanité des « quartiers » qui l’ont vu grandir et de l’impact insupportable de la misère et du racisme sur ceux qui les subissent. Enfin, Patrice Very, auteur, penseur, emmerdeur, illustrateur… qui publie des projets en dehors de tout système (sans distributeur, diffuseur, subvention…) pour faire vivre l’hors-norme, l’inclassable et les rêves.

7 au 9 oct, Mouans-Sartoux. Rens: lefestivaldulivre.fr

photo Une : photo d’ambiance Festival du Livre de Mouans-Sartoux © DR