31 Jan L’autre en deux questions
Au commencement était la Cie du Jour au Lendemain, 13 ans aujourd’hui, délivrant des textes classiques et contemporains, enrichis de collaborations musicales, de situations burlesques et de très jolis non-dits. Au commencement était Agnès Régolo, metteure en scène inspirée et tirant sur les ressorts de notre nature humaine, qu’elle détaille et détache, confronte et conforte, avec nuance et explosion. Elle présente deux de ses créations à Sainte-Maxime, Mougins et Draguignan.
Tu m’écoutes, là ?
Dans une forme courte de 35 minutes et à laquelle tous les humains à partir de 5 ans sont les bienvenus, la pièce Babïl est inspirée du mythe de la tour de Babel. Adapté d’un texte puissant de Sarah Carré, Babïl prend deux points sur le -i pour Babel donc, et pour babil, ce bavardage futile. Deux points aussi pour ce duo en jeu, Tohu le grand parleur et Bohu le timide. Ils se lancent à corps et à cris dans un plan rassembleur : l’édification d’une tour pouvant accueillir le peuple du Lointain, et dans laquelle tous parleraient un langage commun. Mais à qui appartient la parole ? Qui la donne et qui la prend ? Nous l’avons toutes et tous vécu, celui qui sait manier la parole l’emporte souvent. Ce que Tohu pense avoir compris dans un terrifiant paradoxe : « Si nous voulons réussir à construire tous ensemble, il faut suivre une idée : la mienne ! » Servant ces dialogues simples et percutants, les comédiens Raphaël Bocobza et Antoine Laudet s’agitent et enchaînent les clowneries dans une aventure cartographiée et utopique.
À qui la faute ?
On entend aujourd’hui le mot dispute en tant que querelle. Mais du temps de Marivaux, il y a presque 300 ans, la dispute s’habillait de métaphysique et proposait de considérer une question philosophique, d’en débattre, de balayer les enjeux et les possibles, sans forcément y répondre. De cette pièce, La Dispute, Agnès Régolo en reprend les termes et pose à nouveau la question : qui de l’homme ou de la femme s’est rendu coupable de la première inconstance ? Pour en « disc/puter », deux jeunes hommes et deux jeunes femmes, neufs et naïfs, se rencontrent pour la première fois. Entrent en scène les premiers émois et l’irrésistible élan qui nous porte vers l’autre. Loin des clichés mal interprétés du jardin d’Eden, voici une « Eve revue et corrigée« , pour reprendre les mots d’Agnès Régolo. « Nos différences sexuelles n’induisent aucune excellence ni supériorité. […] Choisir cette pièce répond à une forte envie de le répéter aujourd’hui. » Merci. Au milieu d’une forêt vierge et de miroirs réfléchissants, nous voici observateurs et non juges, à rire avec tendresse de notre nature humaine, parfaitement inconstante.
Babïl, 6 au 10 fév, Le Carré, Ste Maxime / 14 mars, Scène 55, Mougins. Rens: carre-sainte-maxime.fr, scene55.fr
La Dispute, 28 février, Théâtre de l’Esplanade, Draguignan. Rens: theatresendracenie.com
photo Une : La dispute © Fred Saurel