Des mers, démons, des merveilles

Des mers, démons, des merveilles

Imaginaire, poésie et science… Pour sa 3e édition, marquée notamment par deux spectacles autour du Moby Dick d’Herman Melville, Passion bleue nous plonge trois semaines durant au cœur des océans. S’émerveiller des beautés de la mer pour mieux la préserver, en compagnie de créateurs ou d’explorateurs ? Entretien avec Charles Berling, artiste, directeur de la scène nationale Châteauvallon-Liberté, et initiateur de cet événement.

Laurence Fey: Rappelez-nous comment est né le projet Passion bleue, qui se déroule entre Le Liberté et Châteauvallon ?
Charles Berling: L’idée de Passion bleue est née il y a 4 ou 5 ans, mais le projet a pris une autre ampleur avec la crise écologique et le Covid. La prise de conscience sur l’état du monde et de l’environnement a été renforcée. Le Covid, lui, a empêché ou freiné les spectacles sur scène. Nous avons donc élargi nos propositions vers les conférences, les débats, etc. Aborder la thématique de la mer faisait partie de nos projets, mais nous avons décidé de la rendre pérenne. Paradoxalement, même les villes côtières ne sont pas si sensibles à la mer, qu’elles ont pourtant sous les yeux tous les jours. Elles l’oublient. Nous avons donc développé ce « temps fort » pour (re)donner envie, émerveiller, rappeler la beauté des océans. Leur fragilité aussi. C’est comme cela que s’est installée Passion bleue. Cet événement crée un lien avec les scientifiques. À l’université de Toulon, on trouve des gens vraiment très intéressants, experts de l’univers marin, qui font un travail remarquable. Nous sommes en relation également avec le Musée océanographique de Monaco, avec le Parc national de Port-Cros… Tous œuvrent à préserver notre monde. Cela nous permet de faire des rencontres et de donner l’occasion à des gens divers d’échanger et de les sensibiliser en retour au théâtre. On apporte notre touche à nous !

Du théâtre musical, des spectacles de marionnettes, des conférences, de la musique, du cinéma… Passion bleue se veut clairement tout public et multidisciplinaire ?
Oui, c’est ça qui compte, relier le plus possible de gens afin qu’il se parlent. Prenez une équipe scientifique qui écoute les cachalots, sans être intrusive, qui entend vraiment ce que ces cachalots se racontent, leur langage, leur façon de pêcher ensemble… À partir de là, un musicien travaille sur ces sons et crée un spectacle… Tout est raccordé, c’est ça qui nous plaît. Les scientifiques écoutent aussi les bruits des bateaux, qui vont bien trop vite, et mesurent ces sons qui influent énormément sur le milieu marin. Passion bleue revient tous les ans afin de créer de l’émulation, que les publics se sentent concernés par la splendeur et la vulnérabilité. Nous abordons le sujet par l’expérience et l’émerveillement, pas par le dogme. Au fil des années, des artistes et des scientifiques, comme François Sarano (Le Retour de Moby Dick), reviennent. Cela nous ravit !

Est-ce l’inclinaison de cette édition de s’adresser en particulier au jeune public ?
La thématique concerne de façon vitale les jeunes ; eux, ils auront les moyens de savoir. La jeune génération est d’ailleurs très concernée : via des ateliers, nous avons monté avec eux un spectacle qui sera joué en juin. Un procès en public, qui parle de pollution, d’humanité et de progrès. L’humanité et la pollution veulent se séparer car ils ne s’entendent plus. Les thématiques se recoupent, justice et écologie sont très liées.

Ce 3e Passion bleue est marqué par Herman Melville et Moby Dick. Un grand classique romantique. Hasard ou choix ?
Choix ! Un an et demi avant que ne débute Passion bleue, nous faisons du repérage. Passion bleue, c’est aussi le résultat des spectacles que nous avons vus et aimés. La programmation générale est d’ailleurs le plus possible liée aux thématiques en cours. Et côté bateau et expédition, Roland Jourdain, François Sarano et Hervé Glotin partiront à la rencontre des cachalots, le 3 avril. Nous faisons le voyage tous ensemble, de Toulon jusqu’à Porquerolles. 

Comment avez-vous choisi les conférenciers ? Il n’y a pas que des « gens de la mer »…
Nous avons voulu ouvrir Passion bleue à d’autres spécialistes, comme Boris Cyrulnik, afin que les regards se croisent. Boris est un fidèle de Châteauvallon-Liberté. C’est une merveille cette personne, un hôte particulier dont on ne veut pas se passer.

Les 60 ans du Parc national de Port-Cros, un événement idéal cette année ?
Nous avons co-construit cette 3e édition avec les équipes de Port-Cros, selon trois thématiques : Les créatures marines : menaces ou merveilles ?, Notre avenir s’inscrit dans l’Océan et Iles et utopies. En fait, notre événement dépend des opportunités ! Passion bleue reste quelque chose de vivant avant tout…

15 mars au 3 avr, scène nationale Châteauvallon-Liberté, Toulon & Châteauvallon. Rens : chateauvallon-liberte.fr

photo : Mody Dick © Christophe Raynaud de Lage

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