« Marionnettes et formes animées ? J’encourage la curiosité »

« Marionnettes et formes animées ? J’encourage la curiosité »

René Corbier, directeur artistique de Scène55 (1) à Mougins, nous dévoile les temps forts du 9e Printemps de la marionnette et des formes animées. Avec 7 spectacles amoureusement choisis, enfants, adolescents et adultes seront sur le fil de la poésie, de l’émotion et du fantastique. Du 28 mars au 14 avril, laissez-vous ainsi surprendre par ce festival unique dans le département et au-delà !

C’est le spectacle La Tempête, qui ouvre cette 9e édition du Printemps de la marionnette et des formes animées. Une création basée sur l’œuvre testament de Shakespeare, rien que cela ?
Nous avons opté pour La Tempête pour deux raisons principales : la première, l’œuvre elle-même, car j’attache beaucoup de prix aux grands textes. Ouvrir ce Printemps avec La Tempête affirme clairement notre ambition. La seconde raison, c’est parce qu’il s’agit d’une création. Nous avons choisi la metteuse en scène, la très talentueuse Charlotte Gosselin, associée à Scène55 depuis plus de 2 ans. Nous sommes assez fidèles ! Sa compagnie, L’Arc électrique, est basée à Aix-en-Provence et anime également des ateliers dans établissements scolaires. Cette Tempête va être un bel événement.

Quelles seront les autres surprises de ce festival unique ?
Le spectacle Le nécessaire déséquilibre des choses est une production d’une des compagnies les plus intéressantes qui existent, Les Anges au plafond. Leur travail est absolument somptueux. Plastiquement, leurs créations sont très belles à voir, les décors et les lumières sont très soignés, le jeu des comédiens et les marionnettes elles-mêmes sont admirables. Le spectacle se base sur la philosophie de Roland Barthes, et de ses Fragments d’un discours amoureux. Il parle du bonheur perdu, de l’enfance, du désir… Avec humour et sur fond de musique live.
Autre temps fort, celui donné par le Théâtre de Marionnettes de Magdebourg, l’une des plus grandes compagnies permanentes d’Allemagne. Deux marionnettistes parmi les plus réputées d’Allemagne et de France ont monté ce projet, Re-member ensemble : Julika Mayer et Élise Vigneron. « Une ode à la nature et à la vie« , comme indiqué dans notre programme. Et c’est sans compter le formidable Jeu, à partir de 7 ans, vu au festival d’Avignon, ou encore Rebetiko, découvert à Marseille, un spectacle très original, qui parle de réfugiés grecs et arméniens, avec des personnages de 1,50 m… une histoire dramatique mais magnifique. L’une des plus intéressantes du point de vue visuel, théâtral, et musical…

Les compagnies invitées viennent d’horizons très divers…
À fils, à gaine, à tiges, etc., la marionnette est un art à part entière et universel. Ce n’est pas un art mineur ni réservé aux enfants comme certains le croient encore. Cet art intègre, dans le déroulement de sa création, de la mise en scène théâtrale, des musiques originales, une dramaturgie, des décors et de la manipulation en plus. Cette conjonction de talents est réunie au cœur d’un seul événement. L’art de la marionnette est très ancien et présent dans nombre de spectacles dans le monde, en Indonésie, au Japon… Cet art a fait récemment son entrée à la Comédie Française et au Festival d’Avignon. Il est reconnu aujourd’hui, il a remonté la pente depuis Guignol, mais il y a encore du chemin à parcourir pour être considéré sur le même pied que le théâtre. C’est un peu comme la bande dessinée et la littérature. Mais quand on a goûté à la marionnette, on veut continuer à sortir des sentiers battus. Vous l’avez compris, c’est un art que j’affectionne beaucoup ! La richesse dans la production de ce domaine est immense.
À Scène55, nous n’avons que deux salles, une grande et une petite, c’est contraignant. Nous ne pouvons rivaliser avec un festival mondial comme celui de Charleville-Mézières, avec ses 50 lieux. Nous n’avons pas les budgets ni l’équipe pour développer davantage, et nous tenons à faire aussi de la médiation et des animations scolaires. Nous avons à cœur également de faire travailler les troupes locales. C’est pourquoi la programmation est riche et le résultat un savant équilibre entre les compagnies de la région et au-delà (Grèce, Allemagne…). Cela nous permet d’élargir le regard du public, et de proposer aussi bien des textes majeurs, que des écritures contemporaines.

Comment avez-vous choisi les 7 spectacles qui composent ce festival ? Un fil rouge ?
Oui, toujours le même en fait, la qualité irréprochable des spectacles, des professionnels de haut niveau dont le travail est reconnu et qui exclut toute vulgarité. Le maillage entre créations et « déjà-vu », mais qui mérite vraiment d’être montré à Mougins. Sans oublier l’équilibre aussi entre spectacles pour les tout-petits (à partir de 1 an), les adolescents et le tout public. Il y a une telle abondance de propositions, que nous devons jouer les entonnoirs, et faire des choix, difficiles !

Vous regroupez marionnettes et formes animées. S’agit-il de la même famille de spectacles ?
Cela nous permet d’être encore plus libres dans la programmation et de présenter des choses comme Les petites géométries, qui utilise des formes, des boîtes, du dessin à la craie, avec des effets sonores et de l’expression corporelle. Cela stimule l’imagination.

Qui dit marionnettes dit spectacle familial et tout public. Mais certains d’entre eux ne débutent qu’à partir de 13 ans ?
Il nous faut trouver une égalité dans la programmation entre les âges, la maturité, les techniques et les publics très divers. C’est pourquoi nous donnons des indications précises aux parents, car il existe une très forte demande. Certains sont installés dans des habitudes et des choix et d’autres sont avides de découvrir et faire découvrir des choses nouvelles.

Quelque chose à ajouter pour encourager nos lecteurs à découvrir ce Printemps ?
Avec un simple bout de bois, c’est tout un univers poétique, drôle ou tragique qui surgit ! Avec les marionnettes ou les formes animées, les histoires sont plus faciles à raconter et cela ouvre le champ de tous les possibles, avec à la clé une infinité de personnages et de trajectoires. Je rappelle que les compagnies attachent beaucoup de prix à la beauté plastique des personnages, des lumières, et des décors. 100 % des spectateurs qui sont venus ont été stupéfaits et séduits par la liberté des spectacles de marionnettes, parfois plus grande que dans le théâtre ou l’opéra, et surpris par l’émotion suscitée. Venez découvrir l’inattendu. J’encourage votre curiosité !

OBJET TOI-MÊME, L’EXPO
Cette année encore, le Printemps de la marionnette et des formes animées sera accompagné d’une exposition. Pascale Chaumont, secrétaire générale de Scène55 et chef de service des affaires culturelles de Mougins, nous en dit un peu plus : « Nous accueillons une exposition réalisée par le Collectif Polem. Depuis deux ans, ce collectif rassemble la majorité des compagnies professionnelles de théâtre de la marionnette, des objets et des formes animées de la Région Sud. L’exposition, baptisée Objet toi-même (déjà montée en 2019 au Mucem à Marseille), se compose d’une vingtaine de boîtes symbolisant l’univers artistique et esthétique des compagnies participantes. » À noter, l’entrée est libre !

DEMANDEZ LE PROGRAMME !
28 mars 20h30 : La Tempête, Cie L’Arc électrique (dès 13 ans)
31 mars & 1er avr 20h30 : Le nécessaire déséquilibre des choses, Cie Les Anges au plafond (dès 13 ans)
4 avr 20h30 : Re-member ensemble, Ensemble du théâtre de Magdebourg (tout public)
5 & 6 avr 15h : En traits mêlés, Théâtre désaccordé (dès 1 an)
6 avr 20h30 : Rebetiko, Anima Théâtre (dès 9 ans)
11 avr 19h : Les petites géométries, Cie Juscomama (dès 3 ans)
14 avr 19h : Jeu, Cie À Kan La Dériv’ (dès 7 ans)

28 mars au 14 avr, Scène55, Mougins. Rens : scene55.fr

(1) Depuis deux ans, Scène55 est une Scène conventionnée, avec l’appellation «Art et création» pour ses deux arts dominants : la marionnette et la danse. C’est aussi un lieu de culture comportant non seulement un théâtre, mais une école de musique et des ateliers artistiques.

photo: Le nécessaire déséquilibre des choses ©Vincent Muteau

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