Alice Guy, une si longue attente

Alice Guy, une si longue attente

Il en aura fallu du temps avant que justice soit enfin rendue à une femme pionnière du septième art, passée aux oubliettes des décennies durant…

Le 1er juillet 1873, à Saint-Mandé, naissait Alice Guy, première femme cinéaste au monde, quasiment inconnue du grand public, hors universitaires et cinéphiles. Elle, qui, dès 1896, sortait La fée aux choux, le premier film de fiction (moins d’une 1 mn) ! Mais depuis quelques années, les évènements se multiplient pour lui reconnaitre la place majeure qu’elle occupa pendant 17 années aux prémices de l’industrie du cinéma, alors pré carré incontesté des hommes. Pour fêter l’anniversaire des 150 ans de sa naissance, le Musée des Arts & Traditions Populaires à Draguignan propose l’exposition Alice Guy, première femme cinéaste, jusqu’au 17 juin 2023.

À New-York en 2011, le cinéaste Martin Scorsese prononçait un discours en l’honneur de la cinéaste. Extrait : « Je suis très honoré d’être parmi vous ce soir pour remettre à titre posthume, le prix du réalisateur à Alice Guy-Blaché pour l’ensemble de sa carrière de 1896 à 1820. D’abord en France, puis ici, dans le New Jersey, Alice Guy a écrit et produit plus d’un millier de films en tout genre. Elle fut une véritable pionnière, une des toutes première cinéaste et la toute première femme à posséder et exploiter son propre studio. Elle fut aussi une pionnière dans l’histoire de l’audiovisuel au côté des frères Lumière, de Méliès, Griffith, Chaplin. « Oh j’ai le droit d’être là où je suis ! Et c’est un conflit permanent lorsqu’une femme tente de diriger et de superviser des hommes dans leur travail ! », déclara-t-elle en 1912. (…) Sur le millier de films tournés par Alice Guy et signés de son nom, seulement 130 ont survécu. C’est une tragédie car elle était bien plus qu’une femme d’affaires talentueuse. Elle était une cinéaste d’une sensibilité rare, avec un regard incroyablement poétique et un instinct formidable pour choisir les bons lieux de tournages. Aussi, c’était le vœu de la Directors Guild of America de décerner à Alice Guy ce prix spécial pour l’ensemble de sa carrière et d’apporter une meilleure reconnaissance du rôle des femmes dans l’industrie cinématographique.« 

À Draguignan, l’exposition enfonce le clou en développant un parcours interactif et ludique qui met l’accent sur l’importance de l’image par un accrochage de tableaux vivants, astucieusement séquencé. Au-delà, c’est aussi le film du parcours de la vie héroïque d’Alice Guy, menée tambour battant, qui défile sous nos yeux. Celui, hors du commun pour l’époque, d’une femme que l’on suit depuis son enfance suisse et chilienne, à ses débuts parisiens de secrétaire chez Léon Gaumont devenue cinéaste, jusqu’à sa formidable aventure américaine, démarrée en 1907. Mariage, réussite, faillite, divorce, revenir en France, repartir aux USA, et y mourir, en 1968, à l’âge de 95 ans. Elle a 47 ans quand sa carrière de réalisatrice et de productrice est stoppée, net… Il en aura fallu du temps.

Jusqu’au 17 juin, Musée des Arts et Traditions Populaires, Draguignan. Rens: culture.dracenie.com
photo: vue exposition Alice Guy première femme cinéaste © DPVA